SUR LA ROUTE DES MARRANES, la Turquie, L’Amérique du sud, l’Inde et le Portugal aujourd’hui par Pierre Mamou :
CHAPITRE 5 :ISTANBUL : Dans les années 90, plusieurs de mes clients Turcs m’invitèrent à Istanbul. Cette ville ,carrefour entre l’occident et l’Orient ,était à son apogée et sa politique ouverte et tolérante attirait alors les hommes d’affaires et les touristes du monde entier. Je résidais au Swiss Hotel, prés du Bosphore et du centre ville ,ce qui me permettait de me rendre rapidement chez mes clients dans le quartier de Osman bey.
L’un de mes clients ,Juif Turc d’origine Espagnole nommé Daver Bahar, m’invita plusieurs fois chez lui et je découvris comment les descendants des Juifs Espagnols accueillis cinq siècles plus tôt dans l’empire Ottoman, conservaient intacts leur langue, le ladino espagnol, et leur mode de vie authentiquement Sépharade.
Sur la colline dominant le Bosphore se dressait la ville Européenne et en empruntant le funiculaire souterrain on arrivait à Galata où se trouve la synagogue Neve Shalom, la plus importante de la ville. Prés de la célèbre tour de Galata on peut voir dans les rues avoisinantes des maisons typiques ornées de l’étoile de David, dernières demeures judéo-espagnoles « hahudi Hani, maisons juives ».
L’élégante et spacieuse synagogue Neve Shalom possède de très belles décorations à l’intérieur et sur sa façade. Dans l’entrée de la grande salle une plaque rappelle le terrible attentat de 1986 qui fit 33 morts et laissa un profond traumatisme dans la communauté.
Avec mes amis je fréquentais un club Juif qui témoignait à l’époque de l’ancrage de la communauté Juive dans la société Turque. Contrairement aux pays Musulmans d’Afrique du Nord, les jeunes Juifs effectuaient leur service militaire et ne subissaient aucune discrimination depuis que le sultan de Constantinople qui avait accueilli leurs ascendants lors de leur expulsion d’Espagne écrivit au roi d’Espagne : » Vous avez appauvri votre royaume et enrichi le mien ». Le musée Juif d’Istanbul démontre cinq siècles de cohabitation harmonieuse des Juifs dans l’histoire Turque. Ceux-ci s’illustrèrent entre autres dans la culture, la diplomatie et les arts, et plus prés de nous l’arrivée de réfugiés Allemands fuyant les persécutions dans leur pays trouvèrent une terre d’accueil hospitalière. Le tournant islamiste voulu par le président Erdogan mettra t’il fin à cet âge d’or de cohabitation heureuse… ? ….
BUENOS AIRES : l’une de mes clientes et amie Elsa Serrano, célèbre créatrice Argentine m’invita en 1993 à lui rendre visite à Buenos Aires. Je partis en septembre de cette année pour l’Amérique du sud en faisant une courte escale au Brésil. Je n’ai donc pas eu le temps d’aller à la rencontre des descendants des Marranes Portugais qui émigrèrent en masse lors de la découverte du Brésil par le navigateur Cabral et son second le Juif Gaspar de Gama. Ils seraient aujourd’hui plusieurs millions à revendiquer leurs origines Juives. L’Institut Européen d’études et de recherches Marranes que j’ai fondé à Paris est l’un des trois instituts existants dans le monde, les deux autres se trouvant à Netanya en Israël et à Recife au Brésil ont pour vocation d’aller à la rencontre des descendants des Marranes qui souhaitent renouer avec leur origine Juive.
J’arrivais à Buenos Aires, surnommé le Petit Paris, durant les fêtes de Roch Hachana, et ainsi je découvris les deux communautés Juives Argentines, celle turco-syrienne et l’autre ashkénaze.
La vie Juive y était intense et je prenais mes repas au restaurant Souka David en me mêlant aux Juifs Argentins.
Me promenant le jour de Roch Hachana avec un ami je constatai que les boutiques ouvertes appartenaient à des commerçants Coréens et celles fermées aux résidents Juifs de la ville.
Le 13 septembre 1993, alors que je me trouvai dans ma chambre d’hôtel regardant CNN, je vis sur la pelouse de la Maison Blanche Bill Clinton entouré de Yitzhak Rabin, Yasser Arafat et Shimon Peres.
Je me précipitai alors vers le téléphone et j’appelai mon ami Abdelhamid Escheikh l’ambassadeur de Tunisie à Paris pour partager avec lui mon émotion devant ce qui semblait alors être la fin du conflit et cette paix tant attendue. Avec l’ambassadeur nous avions ensemble discrètement dans l’ombre facilité certains contacts Israélo-palestiniens, et leur aboutissement était fantastique. L’ambassadeur me dit alors ; »Pierre c’est aussi un peu grâce à nous ».
La quiétude de la communauté Juive de Buenos Aires fut cependant bouleversée un an plus tard par l’attentat contre l’AMIA,quand une voiture piégée explosa le 18 juillet 1994 devant le bâtiment abritant plusieurs associations Juives avec un bilan de 84 morts et 230 blessés. L’attentat n’a jamais été revendiqué et les enquêtes qui suivirent furent entachées de nombreuses irrégularités alors que l’implication de l’Iran ne faisait pas de doute.
Pierre Mamou février 2021
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