Tania Heidsieck a été nommée lauréate du prix André Chouraqui, pour son ouvrage « Au Nom du Père et des Fils » »
Cet ouvrage est dans l’esprit et le prolongement des travaux d’André Chouraqui, grand penseur et homme politique franco-israëlien, né en Afrique, connu pour ses traduction de la Bible et du Coran, inlassable artisan de paix. La Fraternité d’Abraham adresse ses plus chaleureuses félicitations à Tania Heidsieck pour ce remarquable ouvrage.
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La Fédération des Juifs Noirs, présidée par monsieur Guershon Nduwa, a décerné le deuxième « Prix André Chouraqui du judaïsme africain » au cours d’une brillante cérémonie qui s’est tenue mardi 8 novembre 2016 au Forum 104 du VIe arrondissement de Paris. Ce prix a été remis, ex-aequo à Tania Heidsieck et à Albert Elharrar.
Cette cérémonie a été organisée en collaboration avec l’Association des amis d’André Chouraqui et la Fraternité d’Abraham. Notons l’absence d’André Azoulay qui n’a pas pu se joindre à suite à un drame familial. Le débat fut animé avec brio par la journaliste Yaël Selbonne et coordonné par Christine Yaltonsky.
Le cocktail traditionnel d’amitié offert par Albert Elharrar nous a permis d’échanger à la fin de la conférence
Merci infiniment, Monsieur le Conseiller. Merci de tout cœur à tous ceux qui m’ont fait l’honneur de m’attribuer ce prix, ex-æquo avec Monsieur Elharrar, et particulièrement à Annette Chouraqui dont la voix s’est jointe aux votes depuis Jérusalem. J’en suis profondément touchée, à plusieurs titres.
Tout d’abord, le fait que la création du Prix André Chouraqui soit due à l’initiative du Judaïsme africain et particulièrement, de la Fédération des Juifs Noirs d’Afrique, honore ce continent. Oserai-je dire que je vois d’ici le céleste sourire en forme de bénédiction de Chouraqui « l’Africain » ? … Ainsi fut-il surnommé au sortir de ses équipées transsahariennes, suivies de quarante années de semailles au cœur du continent africain.
Donc, merci à vous, Monsieur Guershon Nduwa. Pour ma part, je suis impatiente de connaître l’histoire des Juifs noirs d’Afrique que nous offre la publication de votre ouvrage.
Enfin, il est une évidence pour tous que ce Prix, au long du temps, se veut être le témoignage d’un vibrant- et vivant – hommage à la personne et à l’œuvre universelle de Natân André Chouraqui. Un homme dont le triple nom, réunissant trois langues et trois cultures, résume les visages de ses exils et de ses mutations aux sources d’une vocation unique. En une phrase qui résume l’être et son destin, « Natân André Chouraqui » signifie en effet, en ses étymologies hébraïque, grecque et arabe : « Dieu a donné un homme ( venu) de l’Orient ».
Un homme « en marche », en dépit d’une claudication sévère due à une poliomyélite infantile. Un homme « en marche » qui n’a cessé sa vie durant de parcourir notre planète à travers ciels, terres et océans, comme le pèlerin de la Paix, de l’unité et de l’amour qu’il fut inlassablement, de continent en continent et de pays en pays, délivrant partout passionnément auprès des peuples, des nations et des gouvernements le message de Paix, de justice, d’alerte et de réveil qui l’habitait, mû par l’espérance et l’amour dont il brûlait sans se consumer.
Car ne nous y trompons pas : seul l’Amour, et singulièrement l’amour de cet Elohîm créateur de Vie, d’unité et d’amour que redécouvrait Chouraqui au sortir de sa résistance aux horreurs de la Shoah, d’Hitler et du nazisme, fut pour lui la force motrice au principe de toute son œuvre et de toute son action.
Écoutons-le : « Hitler, en me vouant à toutes les morts pour l’unique raison que j’étais juif, avait contribué à me faire redécouvrir mes racines hébraïques, dont les écoles françaises m’avaient à peu près radicalement coupé (…). Au delà de mes déchirements, de la folie qu’engendraient les affres de cette guerre meurtrière, je n’aspirais qu’à vivre en paix et d’abord avec Elohîm, cet Elohîm de justice et d’amour qui me blessait (…). Immergé dans l’unité de l’amour, j’étais comme mort à moi-même (…) avec pour unique volonté de consacrer ma vie à cet Elohîm que je découvrais impérieusement, et de m’associer de toutes mes forces à l’œuvre d’unité et d’amour hors de laquelle je ne voyais aucune chance de survie au monde. Mon métier d’homme serait de semer lumière, paix, amour en moi et autour de moi, associé à toux ceux qui, dans les univers, étaient les porteurs de cette parole. Avec pour seule arme, dans la grisaille de ma vie, le Nom d’Elohîm, un seul souvenir, son Être vibrant en moi, reçu de son Écrit lumineux, et rencontré en moi-même le 10 février 1937 dans l’éblouissement de tout mon être.
Ma prière, née de ma solitude et de ma souffrance, était d’être obstinément fidèle à la Voix de justice et d’amour dont j’entendais l’appel. ( …). J’avais hâte de quitter le monde pour, toute amarre larguée, me livrer au grand souffle qui m’a habité et me poussait vers une lumière intérieure, celle d’Elohîm.
… Retiré dans la grotte de la Sainte Baume, j’apprenais à découvrir l’univers du silence. (…) Une triple purification de l’intelligence, de la mémoire et de la volonté me paraissait nécessaire à mon métier de traducteur voué au dialogue avec la parole de IHVH, consignée dans les Écritures. Ainsi, et depuis à longueur de vie, je m’assignais cette ascèse qui me permit l’exercice véritable du dialogue, qui est non pas comme on le dit parfois, une conversation à deux, mais une marche vers la vérité, une pénétration du logos, dia-logos.(…) J’aspirais à une religion qui exprime sans réserve et sans ambiguïté l’universalité de l’homme, celle de l’univers et celle de l’Elohîm qui les fondait ». ( fin de citation).
Ces bribes de confession autobiographique résument l’essence même de ce qui inspira à Chouraqui son œuvre de traducteur de la Parole ainsi que son action de dialogueur impénitent. « Il fallait beaucoup d’amour pour accomplir une œuvre pareille », lui dit Paul VI en accueillant les 26 volumes de sa traduction de la Bible, en octobre 1977.
Cette même année, époque des sanglantes persécutions religieuses qui sévissaient à l’Est comme à l’Ouest, je publiai dans l’ensemble de la Presse française, en mai 1977, un appel pour la liberté religieuse, cosigné par 250 personnalités de tous horizons et adressé aux autorités spirituelles des trois monothéismes.
Cet appel fut plus tard à l’origine de ma rencontre avec André Chouraqui , le 19 février 1979, marquant le début d’une longue collaboration dia-loguante autour de l’exégèse des Écritures, et aboutissant chemin faisant à la requête pressante que je fis à Chouraqui, en 1983, de se mettre à la traduction du Coran.
« Plus encore que ton travail – m’écrira- t–il le 25 décembre 1999, je te dois d’avoir été celle qui a inspiré ma décision de traduire le Coran et d’entreprendre son commentaire. De cela et pour plus encore je t’adresse ma gratitude… ». Ma gratitude à moi, qui est infinie, vient de tout ce qu’il m’a été donné d’apprendre et de recevoir, au centuple du peu que j’ai pu donner au long de ces années de « fécondation mutuelle », selon les propres termes de Chouraqui pour définir notre collaboration.
Pour finir, rendons grâce au Judaïsme africain d’avoir voulu remettre en lumière l’immensité de l’œuvre de Natân André Chouraqui, en vérité universelle. Je vous remercie.
Je voudrais tout d’abord féliciter très chaleureusement la Fédération des Juifs Noirs et son Président, Guershon Nduwa, d’avoir créé ce Prix André Chouraqui du Judaïsme africain.
Ils permettent ainsi de mieux faire connaître ce grand écrivain et homme d’action, sa vie, son œuvre. Je dis ceci au nom de la Fraternité d’Abraham dont André Chouraqui fut l’un des quatre fondateurs aux côtés de Si Hamza Boubakeur, Recteur de la Mosquée de Paris, de Jacques Nantet diplomate et écrivain et de R.P. Michel Riquet, jésuite, Résistant et déporté.
La date et le lieu où ces quatre compagnons fondèrent la Fraternité d’Abraham sont significatifs : c’était en juin 1967, pendant la guerre des Six Jours, à la Grande Mosquée de Paris. Transcendant les conflits, ce Musulman, ce Juif et ces deux Chrétiens voulaient marquer ainsi leur Foi inébranlable en cette Alliance universelle entre Dieu et tous les hommes créés par Lui, « à son image et à sa ressemblance il le créa, homme et femme il les créa» (Genèse I, 27). En créant la Fraternité d’Abraham nos quatre fondateurs rappelaient que trois grandes religions, le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, se rattachent explicitement au même patriarche Abraham, le Père des Croyants.
Plus de trois milliards d’hommes et de femmes – la moitié de l’humanité – se rejoignent ainsi dans le souvenir d’un même homme, Abraham, modèle de la Foi au Dieu unique et Très Miséricordieux, qui leur enseigne de s’aimer les uns les autres comme Lui les aime. La contribution d’André Chouraqui a été déterminante pour mieux nous faire connaître ce patrimoine spirituel commun, particulièrement par sa traduction et ses commentaires de la Bible hébraïque, du Nouveau Testament et du Coran.
André Chouraqui a voulu nous faire découvrir dans toute leur beauté poétique et musicale, leur origine commune : ce message donné par IHVH Adonai Elohims à Abraham, puis à Moïse et aux prophètes d’Israël, ensuite à Iéshoua, enfin à Muhammad. Chouraqui rappelle que Al Quran – L’Appel – « est unÉcrit confirmatif, en langue arabe, une alerte donnée aux fraudeurs, une annonce faite aux excellents »(Sourate 46 Les Dunes, verset 12). Il souligne qu’en de très nombreuses références, le Coran reconnaît explicitement son héritage judaïque et chrétien.
Le but de toute sa démonstration est de nous inviter, Juifs, Chrétiens et Musulmans à nous reconnaître tous enfants d’Abraham et porteurs du même message d’amour de l’autre. « Le Coran le prouve : les luttes actuelles sont injustifiées et injustifiables par les Écrits »[i]. « Ces trois religions, qui ont le même Dieu, les mêmes prophètes, les mêmes finalités, sont sommées au nom de l’Alliance, d’en finir là de leurs vaines querelles. Au sein de chacune d’elles, les hommes de bonne volonté doivent surgir et entraîner à la synergie de la réconciliation »[ii].
Nous venons d’entendre des paroles très semblables dans la bouche du Pape François lors de sa rencontre le 3 novembre dernier à Rome avec des représentants des grandes religions du monde à laquelle participait notamment une délégation du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Écoutons le Pape :
« Tristement, il ne se passe pas un jour sans que nous n’entendions parler d’actes de violence, de conflits, d’enlèvements, d’attaques terroristes, d’assassinats et de destructions. C’est horrible que, parfois, pour justifier des actes barbares, le nom de la religion ou le nom de Dieu soit évoqué. Que soient clairement condamnés ces comportements iniques qui profanent le nom de Dieu et souillent la quête religieuse de l’homme. Que soient au contraire encouragées, où que ce soit, la rencontre pacifique entre les croyants, ainsi qu’une réelle liberté religieuse. »
La liberté religieuse est un bon indicateur de la liberté tout court.
André Chouraqui l’Africain était un prophète. Écoutons-le et mettons en pratique le message qu’il nous laisse et que porte la Fraternité d’Abraham : nous écouter les uns les autres, découvrir ensemble nos textes fondateurs, nous comprendre et nous apprécier avec toutes nos différences qui nous enrichissent, afin que nous vivions dans une société de respect, de justice, de fraternité et de paix.
[i] André Chouraqui, Mon Testament, le Feu de l’Alliance, Bayard Editions, Paris 2001. P. 97.
[ii] op.cit.P.163
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