Trois mille ans d’histoire de Jérusalem
Ville Sainte. Dans ces lieux triplement sanctifiés par la tradition juive, l’Évangile et le Coran, vingt-cinq siècles de rivalités, de conflits et de renaissances. Jusqu’à ce que l’État hébreu en assure depuis 1967 la protection.
« Que ma droite se dessèche, que ma langue s’attache à mon palais, si jamais je t’oublie, Jérusalem.» Emmenés en captivité à Babylone après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple, en 587 avant l’ère chrétienne, les juifs affirmaient ainsi l’indéfectibilité de leur attachement à la cité sainte. Six siècles plus tard, dans le Temple reconstruit, Jésus avait prêché. Selon l’Évangile, il avait été supplicié à Jérusalem ; il y était ressuscité. Pour les chrétiens, les lieux qu’il avait parcourus portaient le témoignage de sa mission salvatrice. Puis en 622, selon la tradition islamique, Mahomet fut transporté à Jérusalem au cours d’un voyage miraculeux : les croyants montrent encore l’empreinte qu’il laissa dans le rocher d’où il s’éleva pour gagner les cieux. Sur ces lieux triplement sanctifiés, les trois confessions monothéistes n’ont cessé de faire valoir leurs droits respectifs.
Dans cette rivalité, les juifs peuvent arguer de l’antériorité chronologique et de la parole de Dieu lui-même qui, non seulement promet à son peuple Jérusalem et la terre de Canaan, mais fait serment de l’y ramener quand il sera exilé en expiation de ses fautes : c’est là un thème essentiel de la Bible, mais le Coran le mentionne également. Dieu révèle à David, le grand roi qui, vers l’an mille avant J.-C., a rassemblé les douze tribus d’Israël en un seul État, l’emplacement de son temple, où est déposée l’arche d’alliance, choisi de toute éternité : le mont Moriah. Mais il interdit à ce guerrier, qui a versé trop de sang, de le bâtir. La mission est confiée à son fils, le pacifique Salomon, qui s’en acquitte avec l’aide d’architectes phéniciens.
Détruit par les Babyloniens (en punition, dit la Bible, de rites idolâtres qui ont été parfois “associés” au culte monothéiste), le Temple est reconstruit et achevé soixante-dix ans après, sur l’ordre de Cyrus le Grand, le fondateur de l’Empire perse. Le récit biblique a été confirmé, sur ce point, par l’archéologie : la restauration des sanctuaires locaux et le retour dans leur ancien foyer des populations jadis déportées par les Assyriens et les Babyloniens étaient une politique systématique des Perses, qui ne faisaient pas de différence, à cet égard, entre les cultes païens et la religion israélite.
Au IVe siècle avant notre ère, Alexandre de Macédoine, qui n’hésite pas à détruire de fond en comble les villes qui lui résistent, comme Tyr en Phénicie, manifeste en revanche le plus grand respect envers Jérusalem et son Temple. Ce ne sera pas le cas de la dynastie qui règne après lui, les Séleucides : deux siècles plus tard, Antiochos IV Épiphane, qui veut unifier ses États en imposant partout la civilisation hellénistique, pille le second Temple et le transforme en sanctuaire païen. Il provoque une révolte juive, conduite par une famille sacerdotale, les Maccabées. En 165 avant J.-C., ceux-ci libèrent Jérusalem, fondent une nouvelle monarchie et consacrent à nouveau le Temple au Dieu vivant.
C’est leur successeur par alliance, le roi Hérode, personnage ambigu issu d’une famille iduméenne – c’est-à-dire arabe – , converti au judaïsme, qui en entreprend l’agrandissement et l’embellissement. Ce “second Temple bis” est celui que connaît Jésus. Le monde gréco-romain y voit “la huitième merveille du monde”. On y accourt pour y entendre l’enseignement des sages d’Israël. Ou pour y offrir des sacrifices : ce que les gentils (étrangers) peuvent faire à l’instar des juifs. Des banquiers changent à cet effet d’innombrables monnaies d’or, d’argent, de cuivre, par lesquelles les pèlerins couvrent les frais du rituel. Ce sont les “marchands du Temple” que Jésus chassera du parvis. Moins sans doute pour leur fonction que pour la façon dont ils l’exerçaient.
Mais le temple hérodien ne dure pas. La monarchie a été soumise à un protectorat romain en 64 avant J.-C. Bienveillante sous Jules César, cette domination se fait plus lourde sous les premiers empereurs. Après la mort de Néron en 68, quand l’Empire semble sombrer dans la guerre civile, les juifs tentent de reprendre leur indépendance. Il faut quatre ans à Vespasien et à Titus pour venir à bout de cette révolte : de violents combats se déroulent à Jérusalem, au cours desquels le Temple est incendié, contre la volonté de Titus. Une seconde révolte juive met un terme à tout projet de reconstruction. Les représailles de l’empereur Hadrien sont implacables : Jérusalem est rasée (les gravats comblent les ravins qui séparaient alors le mont Moriah des collines avoisinantes), puis reconstruite sur un plan romain et rebaptisée Ælia Capitolina (de même que la Judée devient la Palestine, du nom des anciens Philistins) ; interdiction est faite aux juifs d’y résider et même de s’en approcher ; au Temple, enfin, on substitue un sanctuaire de Jupiter.
Avec la conversion de l’empereur Constantin au christianisme, au début du IVe siècle, Jérusalem retrouve son nom et devient le haut lieu de la religion nouvelle. Les pèlerins y affluent. Sur les lieux qu’a illustrés Jésus, des édifices s’élèvent. La première église du Saint-Sépulcre est édifiée là où le Christ fut supplicié. À Bethléem, gros village situé à une dizaine de kilomètres de la Ville sainte, une basilique est érigée au-dessus de la grotte de la Nativité. Mais au début du VIe siècle, les Perses de Chosroès II s’emparent de la ville – avec l’aide de troupes juives – et saccagent les Lieux saints. Un empereur byzantin énergique, Héraclius, reprend la cité ; il ne s’y maintiendra que huit ans.
En 638, Jérusalem tombe aux mains des Arabes. Mais s’agit-il déjà de musulmans, comme l’affirme l’historiographie islamique classique et à sa suite une bonne partie de l’historiographie uni versitaire occidentale ? Les historiens contemporains, à la suite de l’Américain John Wansbrough, professeur à l’université de Londres, en doutent de plus en plus. Certains d’entre eux pensent que les premiers conquérants arabes se réclamaient en fait du judaïsme (religion à laquelle le quart de l’Arabie s’était alors convertie), de courants minoritaires du christianisme (nestorianisme, arianisme), d’un syncrétisme local monothéiste (hanafisme) et même du paganisme bédouin traditionnel. Selon les sources islamiques elles-mêmes, le Coran n’a été écrit que vingt ans au moins après la mort de Mahomet. Et, chose étrange, le premier édifice religieux musulman édifié à Jérusalem plus de soixante ans après la conquête, le Dôme du Rocher, n’est pas une mosquée (en dépit de l’appellation “mosquée d’Omar” qui lui est souvent attribuée) mais une sorte de mémorial rappelant la sainteté du mont Moriah.
Non moins remarquables sont les noms que les Arabes vont désormais utiliser : Madinat Bayt al-Maqdis (la “Cité du Temple”) et Al-Qods (“La Sainteté”). Les deux sont en effet calqués sur des modèles hébraïques.
Quand l’islam prend son caractère de troisième religion monothéiste, à la fin du VIIe siècle, il est tenté de faire de Jérusalem son lieu principal de pèlerinage : au sanctuaire du Rocher s’ajoute une mosquée dont la construction est censée avoir commencé sous le calife Omar, dès la conquête de la ville, mais qui n’est en fait inaugurée qu’en 705. On affirme que c’est la “mosquée lointaine” (Al-Aqsa en arabe) où se serait rendu Mahomet lors de son voyage miraculeux. Finalement, le pèlerinage musulman obligatoire prescrit par le Coran se limite aux cités saintes où a vécu Mahomet : LaMecque et Médine. Mais Jérusalem reste un lieu de pèlerinage, certes facultatif, pour les musulmans les plus mystiques.
Pendant près de trois siècles, les musulmans se montrent tolérants vis-à-vis des juifs et des chrétiens, qui peuvent effectuer leurs propres pèlerinages en pleine sécurité ou même s’établir dans la Ville sainte. Jésus (Issa) n’a-t-il pas, selon le Coran, un statut de prophète ? Tout change au XIe siècle, avec le calife chiite Al-Hakim, qui règne sur l’Afrique du Nord et le Levant. Ce dernier affirme être Dieu et persécute aussi bien les musulmans orthodoxes que les non-musulmans. L’Occident latin, en pleine expansion démographique et spirituelle, réagit : ce sont les croisades.
Les premiers croisés partent en 1095. Quatre ans plus tard, un royaume latin est fondé en Palestine. Il durera près de quatre-vingt-dix ans, et Frédéric II de Hohenstaufen ne le relèvera, en 1229, que pour quelques années. Ce qui perd les États latins, c’est la démographie. Les vrais croisés, catholiques originaires d’Europe occidentale, ne formeront jamais plus de 15 % de la population du “pays d’outre-mer”, comme ils nomment alors la Terre sainte et le Levant. Ils s’appuient, face à l’islam, sur les chrétiens d’Orient, non catholiques pour la plupart, et sur des musulmans provisoirement ralliés. Quand le flux d’immigration ouest-européenne cesse, à la fin du XIIIe siècle, les croisés ne peuvent plus tenir, en dépit d’une supériorité militaire éclatante (que révèlent les ruines colossales de leurs forteresses).
Le Kurde Saladin, restaurateur du sunnisme et fondateur de la dynastie ayyubide, reconquiert Jérusalem en 1187. Habile politique, il accorde sa protection à tous les cultes et à tous les lieux saints, mais en veillant également à attiser les rivalités entre religions, et les divisions au sein de chaque religion. Il installe de nouveaux habitants musulmans, favorise la reconstitution d’une importante communauté juive et donne à chaque communauté chrétienne des “privilèges” qui la mettront en conflit avec ses communautés soeurs. À la basilique de Bethléem, en 1335, rapporte Jacques de Vérone, les prêtres de chaque pays et de chaque obédience (“chrétiens francs” venus d’Europe, Syriens, Abyssins, nestoriens, jacobites, Géorgiens, maronites) officient à l’autel qui leur revient de droit. Cette situation a perduré jusqu’à nos jours. Les chrétiens qui visitent aujourd’hui Jérusalem sont souvent surpris par les querelles mesquines où se complaisent leurs coreligionnaires locaux, chargés de la “garde des Lieux saints”.
En 1244, des Tartares liés à l’Empire mongol s’emparent de Jérusalem, la mettent à sac et en chassent la plupart des habitants. Les Ayyubides parviennent à les en déloger trois ans plus tard. Mais ce sont les mamelouks, une confrérie militaire sunnite installée en Égypte, qui écartent définitivement le péril mongol en 1250. Ils gouvernent Jérusalem pendant deux cent soixante-six ans, en reprenant pour l’essentiel la politique de Saladin. La plupart des édifices musulmans de la Vieille Ville, à l’exception du sanctuaire du Rocher et de la mosquée Al-Aqsa, datent de leur époque. Mais dans le reste de la Palestine, ils ordonnent de laisser les champs à l’abandon et interdisent de drainer les marécages. Cette “terre brûlée”, qui rend le pays insalubre, doit décourager d’éventuels conquérants.
Résultat : la population de la Palestine tombe à 200 000 âmes et restera à ce niveau jusqu’au XIXe siècle. L’orientaliste hollandais Adriaan Reland note, dans son livre la Palestine illustrée d’après ses monuments anciens, paru en trois volumes à Utrecht en 1714, que le pays est pratiquement vide : 5 000 habitants à Jérusalem, 700 à Nazareth, 550 à Gaza. Et que les juifs ou les chrétiens y sont souvent plus nombreux que les musulmans. À Gaza, par exemple, la moitié des habitants sont juifs.
Les Ottomans succèdent aux mamelouks en 1517. En fait, ils n’exercent pleinement leur autorité sur le Levant et la Ville sainte qu’au début et à la fin de leur occupation : au XVIe siècle d’une part et pendant la période 1840-1917 d’autre part.
Dans l’entre-deux, au XVIIe, XVIIIe et au début du XIXe siècle, ils se contentent d’une sorte de suzeraineté sur un pays dépeuplé où s’affrontent tribus bédouines et potentats locaux. À deux reprises, ils sont sur le point d’être chassés : en 1798, quand Napoléon Bonaparte, parti d’Égypte, mène une offensive éclair qui le conduit à Jaffa, à Acre et en Galilée, avant de battre en retraite en raison d’une épidémie de peste ; et de 1830 à 1840, quand la région sera de facto annexée par l’Égypte rebelle de Méhémet Ali.
Selon que le pouvoir turc est respecté ou non, la prospérité s’accroît ou diminue, et la population augmente ou régresse. Au XVIe siècle, Soliman le Magnifique dote Jérusalem de murailles impressionnantes, qui existent toujours et favorise l’immigration de fidèles des trois religions, à commencer par les juifs sépharades, qui viennent d’être chassés de la péninsule Ibérique.
Gouvernée par des musulmans ou par des chrétiens, la Terre sainte n’a jamais cessé d’exercer son attrait sur les juifs. « Dieu de nos pères, dit une prière, rappelle nos dispersés parmi les nations et rassemble notre peuple. […] Ramène-nous à la maison de ton sanctuaire, Jérusalem. » L’émigration juive vers la Terre sainte, l’alya (“montée”), même réduite, s’est toujours poursuivie. Les musulmans accueillent assez bien ces immigrés actifs, qui contribuent au développement du commerce. Avec l’arrivée des juifs espagnols, vers 1520, le mouvement s’accélère.
Plus durable sera l’oeuvre des rabbins, poètes et mystiques qui s’établissent alors dans les “quatre villes saintes juives” de Palestine : Jérusalem, Hébron, Tibériade et Safed. Joseph Karo rédige le Shulhan Arukh, code définitif de la pratique religieuse juive. Et Isaac Luria donne à la Kabbale des assises doctrinales qui ne seront plus remises en question.
À l’égard des chrétiens, les Turcs sont également tolérants. Par intérêt d’abord : les pèlerins doivent verser des droits élevés au fisc ottoman. Mais aussi pour de hautes raisons diplomatiques. Pour combattre Charles Quint, François Ier, le “très chrétien” roi de France, conclut en 1535 une alliance avec le “Grand Seigneur” Soliman, dit le Magnifique. L’entente doit être secrète, mais elle est divulguée.
À ceux qu’offense l’“union de la croix et du croissant”, François Ier réplique : « Le sultan a vaincu l’empereur, mais le roi a conquis le sultan, car la Turquie devient protectorat français. » En vertu des “capitulations” conclues entre François Ier et Soliman, la France bénéficie effectivement de privilèges.
Elle étend sa protection sur tous les catholiques résidant dans l’Empire ottoman ; ses ressortissants ne sont justiciables que de juridictions françaises, représentées par notre ambassadeur et nos consuls. Il est précisé qu’aucun autre État ne pourra obtenir de tels avantages. Ce régime d’exception se maintiendra jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Mais peu à peu chaque grande puissance occidentale obtiendra des privilèges équivalents sous prétexte de protéger une minorité religieuse. Au XIXe siècle, la Russie s’arrogera le “protectorat” des Grecs orthodoxes, la Grande-Bretagne celui des Arméniens et des juifs, puis elles seront imitées par la Prusse, l’Autriche, l’Italie et même les États-Unis…
1840 est une année charnière ; c’est à partir de là que l’Empire ottoman renforce son autorité sur le Levant et doit en même temps y tolérer une influence occidentale grandissante. À cette révolution politico-religieuse – qui donnera naissance, par réaction, aux nationalismes turc et arabe, et à l’intégrisme musulman – s’ajoute une révolution technologique. Le chemin de fer et la navigation à vapeur raccourcissent les voyages : il ne faut plus que quelques jours pour se rendre de Paris à Jérusalem, alors que Chateaubriand, au début du siècle, avait mis plusieurs semaines. Les progrès de la médecine européenne diminuent les risques liés à la typhoïde et aux épidémies. Leur essor économique permet aux Européens de s’installer en Palestine, d’y acheter des terres et de les mettre en valeur, de bâtir des lieux de culte, de créer à Jérusalem de nouveaux quartiers en dehors des mu railles de Soliman.
Le phénomène profite d’abord aux chrétiens : vers 1900, leurs communautés ont racheté plus de la moitié des propriétés foncières de Jérusalem et de ses environs, si bien que l’on compte plus d’églises que de mosquées dans la Ville sainte, et plus d’écoles tenues par des frères ou des soeurs catholiques que de madrasa. C’est à peine si l’on aperçoit le dôme d’or du sanctuaire du Rocher. Quant à Al-Aqsa, elle a été ravagée par un tremblement de terre : seules tiennent debout ses colonnades ; le reste s’est effondré (elle ne sera restaurée qu’en 1929).
Mais l’on s’émerveille en revanche des bulbes des basiliques orthodoxes bâties par les Russes, des clochers néoromans ou néogothiques des cathédrales luthériennes, anglicanes ou calvinistes édifiées par les Allemands, les Anglais et les Écossais, des façades néoclassiques des églises et des écoles catholiques, oeuvres des Français, des Italiens et des Autrichiens. Une horloge hideuse, évoquant quelque gare d’Europe centrale, dépare la porte de Jaffa : triomphe du temps européen, mesuré par la mécanique, sur le temps de l’Orient, qu’indiquent les cadrans solaires.
Mais les juifs seront en définitive les bénéficiaires de la double “révolution de 1840”. En 1845, on compte 7 000 juifs à Jérusalem sur 16 000 habitants. En 1912, 45 000 sur 70 000. On est passé de près d’un juif pour un non-juif, musulman ou chrétien, à deux juifs pour un non-juif. Pour la première fois, les obstacles politiques ou techniques qui freinaient l’alya semblent levés. Si le vestige du mur occidental du Temple, dit “mur des Lamentations”, reste le principal lieu saint juif, de nouveaux monuments le complètent dans la vieille ville : notamment deux synagogues sublimes, la Hurvah et Tiferet Israël.
Cet afflux va donner du corps au sionisme, la doctrine qui préconise non seulement le retour global des juifs dans leur ancienne patrie mais la restauration de leur indépendance politique. En 1917, à la faveur de la Première Guerre mondiale, les Anglais arrachent Jérusalem aux Ottomans, alliés des Empires centraux. Et publient, sous la signature de lord Balfour, une déclaration en faveur d’un « foyer national juif en Palestine ». Ce que confirmera le droit international à l’issue du conflit, par la conférence de San Remo en 1920 et l’établissement d’un mandat britannique sur la Palestine, au nom de la Société des Nations, en 1923.
On connaît la suite : les heurts intercommunautaires en Palestine, la montée du nazisme et l’Holocauste, l’accélération de l’alya, le conflit israélo-arabe. À Jérusalem, le ratio de 1912 (deux juifs pour un non-juif) se maintient pendant un siècle, jusqu’à nos jours, bien que la population de la Ville sainte ait été multipliée par dix, pour atteindre plus de 800 000 habitants. En 1949, à l’issue de la première guerre israélo-arabe, Jérusalem est divisée en trois secteurs : la zone israélienne à l’ouest, la zone jordanienne à l’est, et de multiples no man’s land contrôlés par l’Onu entre les deux.
Dix-huit ans plus tard, Israël s’empare de l’ensemble de l’agglomération pendant la guerre des Six-Jours, la réunifie au sein d’une même municipalité et y rattache une importante périphérie. Elle avait fait de Jérusalem-Ouest sa capitale dès 1951. Ce statut ne fait que se renforcer après 1967 : c’est à Jérusalem que se situent le Parlement israélien (la Knesset), le gouvernement et les ministères (sauf celui de la Défense, resté à Tel-Aviv), la Cour suprême, l’université et le Grand-Rabbinat, pour ne retenir que l’essentiel.
Après diverses tentatives de conciliation, le haut-commissariat britannique s’était assuré en 1924 l’administration des Lieux saints. Cette situation dura jusqu’en 1948 ; la Grande-Bretagne ayant annoncé qu’elle abandonnerait la Palestine le 15 mai de cette année-là, le comité exécutif de l’Agence juive, que présidait David Ben Gourion, proclama à Tel-Aviv la fondation du nouvel État d’Israël. Les puissances arabes entrèrent aussitôt en guerre ouverte contre l’État juif. Nazareth et le mont Sion passèrent sous le contrôle des Israéliens, tandis que le roi Abdallah s’assura la vieille ville de Jérusalem.
En réplique, le gouvernement hachémite proclame la ville “seconde capitale du royaume de Jordanie”. Un modus vivendi s’établit pourtant, le nouveau roi, Hussein, s’appliquant à ne pas provoquer de nouveaux conflits avec l’État juif. La reprise des hostilités, en 1967, favorise Israël, qui étend sa domination sur toute la Palestine au-delà du Jourdain. Tous les lieux saints passent ainsi sous son contrôle. Les pays arabes n’ont pas admis cette décision, qu’ils tiennent pour contraire à celles de l’Onu.
Un des premiers soucis des autorités israéliennes a cependant été d’assurer la protection des lieux saints et d’y affirmer la liberté des cultes. Le 27 juin 1967, Levi Eskhol, chef du gouvernement, précisait que les lieux saints de Jérusalem étaient « maintenant ouverts à tous ceux qui veulent y prier, aux fidèles de toutes les religions, sans discrimination aucune ». Il insistait : « Le gouvernement d’Israël a pris pour principe fondamental d’assurer le maintien du caractère religieux universel des lieux saints. »
Le sanctuaire du Rocher et la mosquée Al-Aqsa ont beau se situer sur l’emplacement du Temple, ils sont restés entre les mains du Waqf, la fondation pieuse des lieux saints musulmans, aujourd’hui lié à l’Autorité palestinienne. Les Églises chrétiennes ont conservé leurs propriétés, quitte à les “bailler” à l’État israélien (la Knesset est construite sur un domaine appartenant à l’Église grecque orthodoxe).
On ne peut en dire autant du régime jordanien à Jérusalem-Est, de 1949 à 1967, ou du régime palestinien à Bethléem, depuis 1994. À Jérusalem-Est, les lieux saints juifs avaient été fermés à toute visite, profanés et en partie dynamités. Quant à la population chrétienne, elle fut constamment incitée à émigrer. Comme à Bethléem.
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