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Ukraine-Russie : quels espoirs sont permis ? Par David Bensoussan

Ukraine-Russie : quels espoirs sont permis ? Par David Bensoussan

Après la chute du mur de Berlin, l’analyste politique Fukuyama exprimait dans son ouvrage La fin de l’histoire et le dernier homme l’optimisme relatif à la démocratie qui allait se propager de façon inéluctable. II avançait que dans l’avenir, le gros problème de l’humanité serait l’ennui… La fin du monde bipolaire confrontant les États-Unis d’une part et l’Union soviétique de l’autre l’amenait à conclure que la sécurité mondiale ne serait plus un souci.

Un monde unipolaire

L’intégration de la Russie et de la Chine dans l’économie mondiale et dans les accords internationaux aurait dû créer un lien d’interdépendance salutaire. Or, l’ouverture démocratique de la Russie fut brève et la Chine est demeurée une dictature bien qu’elle se soit modernisée et qu’elle ait connu un essor économique sans précédent.

La carte géopolitique devint unipolaire. Encouragés par la défaite du communisme, les États-Unis s’engagèrent dans des aventures militaires dans l’espoir d’instaurer la démocratie au Moyen-Orient, persuadés que ce serait la meilleure façon de combattre la tyrannie et le terrorisme. Les interventions américaines en Irak et en Afghanistan furent un échec. Les allégeances et les divisions religieuses ethniques et tribales l’emportèrent sur des considérations de démocratie auxquelles ces pays n’étaient pas mûrs.

L’OTAN s’est élargie en Europe de l’Est et est par ailleurs intervenue en Serbie, en Libye et en Syrie. Durant la présidence d’Obama, les États-Unis se sont ingérés au Yémen par drones interposés.

Un monde multipolaire

La Russie a vu la ligne de démarcation Nord-sud de l’Occident se déplacer de Berlin aux pays baltes. Le sentiment d’encerclement de la Russie serait mieux compris si l’on imaginait la réaction des États-Unis advenant le cas où la Russie venait à contracter une alliance militaire avec le Canada et le Mexique. La Russie s’est engagée militairement en Biélorussie, au Kazakhstan, au Caucase, au Tadjikistan, en Syrie, en Libye, au Mali et en République centre africaine.

La Chine s’est impliquée militairement dans les ilots du Pacifique en bordure de pays souverains ainsi qu’à la frontière de l’Inde et du Bhoutan. Hong Kong est pris dans l’étau du régime totalitaire chinois et les menaces d’annexer Taiwan par tous les moyens pèsent encore aujourd’hui sur l’île formosane.

Un monde multipolaire

En 2019, le président français Macron a jugé que l’OTAN était en état de mort cérébrale. Cette organisation a fait également l’objet de critiques cinglantes du président Trump relativement au fardeau de défense supporté essentiellement par les États-Unis. L’invasion de l’Ukraine a changé la donne. L’Europe se réarme et aide militairement l’Ukraine.

Les relations russo-chinoises sont ambiguës. Il y a eu une guerre frontalière dans les années 70 et les régimes communistes des deux pays étaient antinomiques. D’une part, il existe une tradition littéraire et culturelle de méfiance envers les peuples asiatiques mongols, tatars ou nippons. De l’autre, en marge de la tendance occidentale, il y a également une tendance slavophile et eurasienne qui s’oppose à l’eurocentrisme.

Bien que la Chine et la Russie aient déclaré entretenir une amitié « sans limite », il est évident que les intérêts chinois prévalent et que la Chine ne veut pas mettre en danger la poule aux œufs d’or que représente le commerce avec l’Occident en s’impliquant dans le conflit ukrainien par des envois d’armes offensives à la Russie.

Dans le contexte actuel, Poutine va ressortir affaibli sur le plan de l’économie et sa stature d’homme d’État n’est pas celle qui prévalait avant l’invasion. La sécurité de la Russie qui était son objectif premier va également être affectée en raison de la militarisation grandissante de l’OTAN. Même si une négociation est réussie, il sera difficile de rétablir la confiance et d’investir dans de nouveaux échanges commerciaux avec la Russie. Bien au contraire, l’Europe va chercher à diversifier au plus vite ses sources énergétiques.

Poutine autopiégé

Comment comprendre l’intervention de Poutine ?

Il ne s’attendait surement pas à ce que son initiative aboutisse à une OTAN fortifiée, un blocus économique si rapidement appliqué et à l’enlisement de son armée en Ukraine.

Il est impossible que de telles considérations n’aient pas traversé l’esprit des planificateurs russes. Force est de penser à l’une des alternatives suivantes : ou bien l’Armée rouge n’est plus aussi articulée qu’on le pensait, ou bien la transmission bureaucratique des analyses a été ouatée à différents niveaux, ou pis encore, que la dictature n’a pas laissé de place aux débats et aux confrontations des idées.

Quant à Poutine, il est possible que son entourage immédiat et lui-même aient cru à leur propre propagande, relativement aux faiblesses de l’Occident et à la réaction des Ukrainiens, pensant mettre le monde devant un fait accompli à la suite d’une guerre éclair qui lui permettrait d’imposer ses exigences.

Dans les conditions actuelles, l’armée russe agit en rouleau compresseur pour épuiser les velléités ukrainiennes au détriment des pertes humaines et aux dommages matériels. Elle agit comme si la Seconde Guerre mondiale se continuait, l’option nucléaire en sus.

Les leaders mondiaux ont été reçus par Poutine à l’autre extrémité d’une longue table et ont rapporté qu’il martelait son message sans céder un iota. Seul le premier ministre israélien Bennett a eu droit à un entretien de trois heures et demie et sans distanciation. Son pays est pris entre la sympathie aux Ukrainiens et la crainte de perdre le droit de se défendre contre les visées anti-israéliennes de l’Iran en Syrie, pays qui abrite deux bases militaires russes importantes.

Si cela pouvait arrêter le carnage, peut-être que la médiation serait possible à Jérusalem comme le souhaite le président ukrainien Zelinski.

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