Israël - Gal Gadot, Wonder Woman israélienne et engagée
L’actrice israélienne Gal Gadot, qui va de nouveau incarner Wonder Woman pour les fêtes de fin d’année, dénonce aussi bien la stigmatisation de ses compatriotes arabes que les discriminations anti-féminines à Hollywood.
La sortie mondiale du deuxième volet des aventures de Wonder Woman, avec Gal Gadot dans le rôle-titre, est programmée pour les fêtes de fin d’année, après trois reports successifs en 2020, du fait de la pandémie de coronavirus. La France devra encore attendre la réouverture des cinémas en janvier pour découvrir « Wonder Woman 1984 ». L’épisode initial de cette saga a été le film le plus rentable de l’été 2017 dans le monde entier, détrônant même « Pirates des Caraïbes, la vengeance de Salazar » au box-office français. C’est encore Patty Jenkins, la première femme à avoir réalisé un film de super-héros, qui dirige Gal Gadot, en passe de devenir « la plus grande star israélienne de tous les temps ».
MISS ISRAEL A 18 ANS
A la différence de Natalie Portman, qui a quitté sa Jérusalem natale pour les Etats-Unis à l’âge de 3 ans, Gal Gadot a passé l’essentiel de sa vie en Israël. Elle a été élevée à Rosh Haayin, à 25 kilomètres à l’est de Tel-Aviv, là où de nombreux immigrants yéménites avaient été installés, juste après la fondation d’Israël. Mais son père descend d’une lignée de pionniers sionistes implantés en Palestine depuis cinq générations. Du côté maternel, sa grand-mère avait gagné la Palestine juste avant la Seconde guerre mondiale, à l’issue de laquelle son grand-père, seul survivant d’une famille tchèque exterminée à Auschwitz, a rejoint Israël. Elevées par un père ingénieur et une mère professeure d’éducation physique, Gal Gadot et sa soeur grandissent dans un milieu « protégé », dont la télévision est absente.
Une expérience adolescente dans le mannequinat permet à Gal Gadot d’être élue Miss Israël en 2004. Elle a 18 ans et participe peu après au concours de Miss Univers, dont Donald Trump est propriétaire. Beaucoup plus tard, elle avouera avoir été « très impressionnée par sa chevelure », tout en étant déterminée à le frapper « dans ses parties intimes » s’il avait tenté de l’approcher. Gadot accomplit ensuite ses deux années de service militaire, comme deux tiers de ses compatriotes juives. Son bagage d’instructrice et sa pratique des armes de combat facilitent son embauche par la franchise « Fast and Furious ». Elle y joue le rôle d’une ancienne agente du Mossad qui, apparue dans le quatrième épisode, en 2009, est tuée dans le sixième, en 2013. Elle brise ensuite la routine de ces seconds rôles féminins en devenant en 2017 la plus iconique des super-héroïnes. Le succès planétaire de Wonder Woman ne pâtit pas du boycott du film au Liban, au Qatar et en Tunisie, du fait du soutien de Gadot, en 2014, à l’offensive israélienne sur Gaza. Le président israélien, Reuven Rivlin qualifie d’ailleurs Gadot « d’ambassadrice authentique et bien-aimée ».
45 MILLIONS D’ABONNES SUR INSTAGRAM
Durant la campagne législative de mars 2019, le Premier ministre Benyamin Nétanyahou intensifie ses attaques à l’encontre des Arabes israéliens, qui représentent un cinquième de l’électorat. Rotem Sela, une populaire présentatrice de télévision, s’interroge publiquement: « Quel est le problème avec les Arabes ? Bon sang, il y a aussi des citoyens arabes dans ce pays. Quand donc quelqu’un dans ce gouvernement passera-t-il le message dans l’opinion qu’Israël est l’Etat de tous ses citoyens? ». Elle suscite un tir de barrage médiatique des partisans de Nétanyahou qui lui rétorque: « Israël n’est pas l’Etat de tous ses citoyens », mais « l’Etat-nation du peuple juif, et personne d’autre ». C’est au tour de Gadot de proclamer son soutien à Sela et de marteler: « Ce n’est pas une question de gauche ou de droite, de Juif ou d’Arabe, de laïc ou de religieux, il s’agit de dialoguer pour la paix et l’égalité ». Le Premier ministre se garde cette fois de polémiquer avec la superstar aux 45 millions d’abonnés sur Instagram.
Le féminisme super-héroïsé de Wonder Woman précède de peu la vague MeToo, conduisant Gadot à souhaiter très tôt que cette protestation ne soit pas une « mode », mais le début d’un « changement profond »: « Je me tiens aux côtés de toutes ces femmes courageuses qui affrontent leurs peurs et témoignent à découvert ». Elle donne plus tard sa définition du féminisme: « Le féminisme ne consiste pas à brûler les soutiens-gorge, à haïr les hommes ou à laisser pousser des poils sous les aisselles. Il s’agit simplement de l’EGALITE entre les hommes et les femmes. Egalité de salaires, égalité de chances ». Elle obtient que le producteur Brett Ratner, accusé de harcèlement sexuel, soit exclu de « Wonder Woman 1984 ». Associé à son propre époux, Gadot devient elle-même productrice de films où elle incarne Irena Sandler, une Polonaise catholique qui a sauvé 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie, ou bien Hedy Lamarr, la scandaleuse star d’Hollywood qui inventa aussi un système de cryptage durant la Seconde guerre mondiale.
La réalisatrice des deux « Wonder Woman » veut désormais diriger Gadot en nouvelle Cléopâtre. Ce projet a récemment suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux, où Gadot fut accusée de « blanchiment », voire « d’appropriation culturelle ». La production américaine a réagi en mettant en avant les origines « gréco-macédoniennes » de Cléopâtre, même si celles-ci restent très débattues. L’actrice a gardé un silence ostensible. Elle n’a en effet besoin de prouver à personne qu’elle est moyen-orientale. Comme Cléopâtre, entre autres.
Source : Le Monde