Le Gouvernement marocain créé trois organismes publics pour défendre le judaïsme au Maroc et à l'étranger
Environ 2.000 Juifs vivent au Maroc, sans compter les diasporas mizrachi et sépharade réparties à travers le monde
Le Gouvernement marocain a approuvé la création de trois entités étatiques pour garantir la défense du culte et de la culture juifs au Maroc. A l'issue du Conseil des Ministres tenu le 13 juillet, et présidé par le Roi Mohammed VI, cette décision a été prise, qui renforce les relations du Maroc avec Israël et favorise le caractère multiculturel du royaume marocain.
Selon la déclaration du porte-parole du Palais Royal, la décision a été prise à la demande du Ministère de l'Intérieur, dirigé par Abdelouafi Laftit, qui a présenté un rapport sur la situation de la religion juive au Maroc, ainsi qu'une série de mesures la concernant.
Selon la communication du Palais Royal, il appartient au Roi Mohammed VI, en sa qualité d'"Amir Al Mumini" (prince des croyants), de veiller à la liberté de culte au Maroc et au bien-être des religions dans le royaume. La maison royale alaouite a une influence très importante sur les affaires religieuses au Maroc. Ahmed Toufiq, l'un des ministres les plus proches du roi, dirige le Ministère des Habous et des Affaires islamiques depuis 2002.
Les trois organisations que le Conseil des ministres a décidé de mettre en place sont le Conseil national de la Communauté juive marocaine, la Commission des Juifs marocains à l'étranger et la Fondation du Judaïsme marocain.
Selon le communiqué de presse du Palais Royal, la première institution "assurera la gestion des affaires de la communauté, la sauvegarde de son patrimoine, le rayonnement culturel et religieux du judaïsme et ses valeurs marocaines authentiques. Les comités régionaux, issus du Conseil, seront chargés de gérer les questions et les affaires courantes des membres de la communauté". Il est entendu que ce conseil sera le principal organe organisant le culte des plus de 2 000 Juifs vivant au Maroc en 2022.
La seconde institution vise à "consolider les liens des Juifs marocains vivant à l'étranger, à renforcer leur rayonnement culturel et cultuel et à défendre les intérêts suprêmes du Royaume", un outil de relations internationales permettant de relier les diasporas mizrahi et sépharade à leur pays d'origine.
Enfin, la troisième organisation vise à promouvoir la culture et le patrimoine du passé juif au Maroc, "en sauvegardant ses traditions et ses spécificités", selon le communiqué de presse.
En 1945, le Maroc comptait 175 000 Juifs dans la zone administrée par l'État français, tandis que 15 000 autres vivaient dans le Protectorat espagnol, selon les données de la Berman Jewish Data Bank. D'autres estimations chiffrent la population juive du Maroc à 250 000 personnes pour la même période.
Après la création de l'État d'Israël en 1948, la population juive a commencé à décliner en raison de l'exode du peuple hébreu vers le Levant. Petit à petit, les mellahs, quartiers mizrahi des villes marocaines, se sont vidés. En 1970, la population juive est tombée à 45 000 personnes. À partir des années 2010, ils n'étaient plus que 2 500 selon la Berman Jewish Data Bank, 3 500 selon d'autres sources marocaines. On estime qu'en 1960, il y avait déjà plus de Juifs marocains à l'extérieur du royaume qu'à l'intérieur.
C'est pourquoi la diaspora est si importante, déclare Myriem Khrouz, présidente de l'association des Amis du Judaïsme Marocain (AJM), basée à Rabat. "La création de ces trois institutions renforce la position des Juifs au Maroc, mais jette également un pont vers les troisième et quatrième générations de Juifs marocains à l'étranger", a déclaré Khrouz à Atalayar par téléphone. Son association, qui promeut la préservation du patrimoine juif au Maroc, se félicite de la décision du Conseil des ministres.
Pour Khrouz, la diaspora juive marocaine à l'étranger a un rôle important à jouer dans l'exploration de l'identité multiculturelle du Maroc. "Les synagogues doivent être ouvertes et restaurées, non seulement pour les Juifs", souligne Khrouz, "mais pour tous les Marocains". C'est un outil de lutte contre la radicalisation, le sectarisme et l'antisémitisme", conclut le président de l'AJM.
Khrouz elle-même est un exemple de l'intérêt que l'histoire, le patrimoine et la culture juifs suscitent auprès du peuple marocain. Sans être juive ou d'origine hébraïque, elle est présidente de l'une des associations qui se bat le plus pour l'histoire juive du Maroc. "Il s'agit du patrimoine culturel de tous les Marocains", ajoute Khrouz, qui, par l'intermédiaire de l'AJM, organise des séminaires et des réunions universitaires consacrés au patrimoine juif marocain, ainsi que la restauration de synagogues dans des villages reculés de l'Atlas.
Les accords d'Abraham signés par le Maroc et qui ont normalisé ses relations avec Israël en 2020 ont donné un coup de fouet à une longue histoire d'intentions marocaines de renouer avec son passé juif. Dès 1997, l'ouverture du premier musée de la culture juive en Afrique du Nord et dans le monde arabe a placé le Maroc à l'avant-garde de l'antisémitisme chez ses voisins et alliés. Avec la création des trois nouveaux conseils d'État, la volonté du Maroc de renforcer la main des relations interconfessionnelles avec le peuple juif se trouve encore renforcée.