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Désorientation par désinformation, par David Bensoussan

Comment les démocraties peuvent-elles surmonter le défi posé par l’explosion de la désinformation ? Les réseaux sociaux abondent en vérités alternatives et de théories conspirationnistes. L’esprit critique en est souvent absent. La pléthore de théories conspirationnistes sur l’Internet se propage à la vitesse V à partir le clavier d’ordinateur, augmentant ainsi les rangs des adeptes de théories saugrenues.

En outre, la création d’informations fallacieuses peut être également générée par des robots. Les opinions d’un usager peuvent être influencées par le nombre de clics « J’aime (Like) » associés à une information. Pourtant, ce dernier peut être également généré par des robots.

De nos jours, les technologies virtuelles permettent de créer des « réalités. » Comment prêter confiance à une image ou une vidéo sachant qu’il est très possible de les usiner au moyen de techniques numériques ?

Du techno-optimisme à l’infocalypse

Contrairement aux pays autocratiques qui cherchent à manipuler la technologie de manière à retarder les progrès démocratiques, les démocraties laissent libre cours à l’expression libre tout en se préoccupant de la protection de la vie privée.

Les bienfaits potentiels de l’Internet que sont la compréhension mutuelle et le rapprochement des sociétés anticipés grâce à la communication libre ont suscité de grandes espérances dans les démocraties.

Or l’Internet est devenu une cacophonie : on y trouve des messages de haine, des essais bâclés et quelques écrits sensés. C’est une grande poubelle qui contient aussi des diamants, mais encore faut-il être en mesure de pouvoir séparer le grain de l’ivraie.

La perte de confiance dans les médias

Les médias recherchent souvent le sensationnalisme pour augmenter leur cote d’écoute.

Le sensationnalisme médiatique n’est pas un phénomène nouveau. En 1835, le New York Sun publia un récit de l’astronome John Herschel qui, dans un style journalistique impeccable, décrivit un monde lunaire observé par un télescope géant. Le public se passionna pour les descriptions surprenantes de créatures humanoïdes ailées, d’ovins bleuâtres et d’améthystes gigantesques. Les ventes du magazine explosèrent. Le magazine ne démentit jamais qu’il s’agissait d’une information inventée.

Avant même l’ère de la téléinformatique, Mark Twain disait qu’un mensonge peut faire le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures…

Les médias abreuvent parfois le public d’informations sélectives et partielles qui font qu’à la longue, le public se forge des opinions biaisées. À titre d’exemple, certains organes de presse présentent se façon systématique les seules victimes palestiniennes du conflit proche-oriental.

Ces vérités partielles médiatiques s’ajoutent aux presque vérités alternatives des réseaux sociaux et constituent un bruit de fond qui nuit à la vérité factuelle qu’elles décrédibilisent.

Comment discerner le vrai du faux devant l’afflux d’informations et de vérités alternatives ?

Le cinquième pouvoir des réseaux sociaux

Un nouvel écosystème médiatique est en train de supplanter les trois pouvoirs d’autorité définis par Edmund Burke au XVIIIe siècle (clergé, noblesse et peuple) et le quatrième pouvoir (la presse) en tant qu’acteurs d’influence sur la société.

Contrairement aux organes médiatiques traditionnels qui sont responsables de ce qu’ils transmettent au grand public, les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) laissent publier n’importe quoi au nom de la démocratie. L’information basée sur des faits en souffre.

De fait, les GAFA qui orchestrent les réseaux sociaux sont mus par l’intérêt de la cote d’écoute. Les fausses nouvelles qui se retransmettent aisément augmentent les profits générés par les publicités qui les accompagnent.

L’expérience acquise dans le domaine de la publicité s’ajoute pour séduire le consommateur et le pousser à acquérir des produits. Les algorithmes des GAFA font des choix d’offres de marchandises – mais aussi de contenu -basés sur un grand nombre d’informations personnelles, notamment les statistiques des sites Internet visités par un usager.

Les options offertes à l’individu sont orientées. Celui-ci est pour ainsi dire « pavlovisé. »

La crise des médias

Les médias sont pris de vitesse par les réseaux sociaux qui souvent annoncent des évènements sans en vérifier l’authenticité. Qui va prendre le temps d’absorber, de trier, de sasser et de distiller l’information toute présente ? Tout un chacun est-il capable d’efforts cognitifs nécessaires à cette fin ?

Une opinion qui ne se base pas sur des faits réels peut mener à une escalade de fausses nouvelles ou à un conflit. Ainsi le drame radiophonique La guerre des mondes (The War of the Worlds) interprété par Orson Wells en 1938 fit état d’une invasion martienne. Le grand public du New Jersey fut saisi de panique et la commotion fut grande.

Il faut également être conscient de ce que les médias mêlent souvent information factuelle partielle et opinion. C’est aussi le cas pour les agences de presse (l’Agence France-Presse pour ne pas en nommer une). Rares sont les médias qui conservent une neutralité si tant nécessaire (c’est le cas de l’Economist).

Cela dit, il est important de rester sur ses gardes : en 2018, il fut découvert que 4 des 5 articles rédigés par la journaliste du New York Times Judith Miller et lauréate du prestigieux prix Pulitzer décrivaient des réalités imaginées par l’auteure.

Le danger

La désinformation paie. Les presque vérités sont difficiles à démentir. Le terrain d’entente au sein duquel un débat éclairé peut être fait, rétrécit.

La dissémination de fausses nouvelles, le piratage informatique et les possibilités de fausse représentation mettent la démocratie en danger. Par le passé, la désinformation a constitué une arme de diversion qui cachait les intentions agressives d’un pays. La distorsion de la réalité factuelle peut générer des tensions entre les pays et mettre en danger leur sécurité nationale.

Nos dirigeants sont-ils immunisés contre les Fake News ? La désinformation influence-t-elle leurs prises de décision ?

La désinformation mène à la désorientation, voire l’indifférence devant le brouhaha de fausses nouvelles. Cela pourrait constituer un terrain propice pour la manipulation de masse. Est-il possible que les dirigeants soient tentés de recourir à la désinformation subversive, suffisamment dosée pour créer un effet Gestalt et faire avaler des couleuvres ? À la limite, s’oriente-t-on vers une société orwellienne via la dictature du numérique ?

En mars 2020, le guide suprême de la République islamique Ali Khamenei a déclaré que les États-Unis (ÉU) ont créé et disséminé la Covid et que les démons venaient en aide aux ennemis de l’Iran. Nul autre que le président des ÉU Trump fit plus d’une fois état d’affirmations non vérifiées glanées dans la toile, y compris celle qui prétend que l’autisme serait dû à la vaccination infantile.

Comment lutter contre les fausses nouvelles ?

Comment les démocraties peuvent-elles jouir de la liberté d’expression en évitant la désinformation ? Une réglementation gouvernementale stricte laisserait la porte ouverte à des abus, car elle pourrait ne pas être utilisée à bon escient.

Sans chercher à limiter la liberté d’expression, il serait possible de faire appel à une entité citoyenne indépendante qui établisse des directives générales. De la même façon que les produits alimentaires précisent leurs ingrédients et leur valeur nutritive, les informations médiatiques devraient préciser l’authenticité de leurs sources ainsi que le média originel qui les ont transmises.

La technologie peut-elle contribuer à distinguer le vrai du faux ? Un usager de l’Internet peut effectuer une recherche inversée d’images. Il est techniquement possible de procéder à une analyse des propos et des images pour identifier la signature originelle écrite ou visuelle d’une information.

Les GAFA ont aussi leur part de responsabilité : ils peuvent limiter le nombre d’identités anonymes attribuables à un même terminal et améliorer les techniques de chiffrement pour empêcher les fausses identités.

C’est là qu’entrent en jeu l’éducation et le discernement du récepteur de l’information. À la longue, la signature associée à l’information pourrait en assurer la crédibilité.

Le plus souvent du temps, le jugement individuel et le bon sens prévaudront.

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