Le Sentier dans dans la tempête
Kookaï, Cop.Copine, André, San Marina... La déroutante faillite des marques de mode des années 90
Par Mitia Bernetel - Madame Figaro
Hécatombe chez les enseignes de mode phares des années 1990-2000. Redressement judiciaire, liquidations, plan social... En grande difficulté, toute une génération de marques françaises est en train de sombrer.
Pour toute une génération, elles étaient des points d'étapes clés des emplettes du samedi après-midi. Aujourd'hui, Kookaï, Cop.Copine ou encore Pimkie, parmi d'autres marques françaises emblématiques des années 1990-2000, sombrent dans une interminable descente aux enfers. Depuis le début du mois de février, et dans le sillage de la liquidation de Camaïeu fin 2022, les décisions judiciaires s'accumulent dans le paysage textile de l'Hexagone. Visées, ces enseignes de mode moyenne gamme et accessibles qui connaissaient autrefois des chiffres d'affaires à neuf chiffres sont dans la tourmente. Une mauvaise passe aux airs de clap de fin pour tout un pan de l'industrie mode française né à la fin du XXe siècle.
Février noir
Le 1er février, le Tribunal de commerce de Paris a procédé au redressement de Kookaï (groupe Vivarte), marque du Sentier créée en 1983, ainsi que de l'enseigne iséroise Go Sport. Dans la foulée, Cop.Copine plonge. En redressement judiciaire depuis le 7 novembre 2022, la marque fondée par la famille Nédélian s'éteint après trente-sept ans d'activité, faute d'offre de reprise. Le chausseur marseillais San Marina (groupe Vivarte également) pourrait subir le même sort après son redressement judiciaire annoncé en septembre 2022 et l'annonce, le 6 février, de l'échec de son projet de reprise. Quant à l'enseigne lilloise Pimkie, en phase de rachat imminente, elle pourrait annoncer au printemps un plan social qui entraînerait la suppression de 500 emplois, rapporte le média Fashion Network . Ce 8 février c'est au tour du spécialiste de la chaussure André, dont la création remonte à 1896, d'être placé en redressement par le tribunal de Paris, pour la deuxième fois en trois ans. Une véritable série noire qui vient ternir un secteur du prêt-à-porter français déjà ébranlé.
Au mois d'octobre, la marque Camaïeu fermait les portes de ses 511 boutiques dans l'Hexagone. Longtemps qualifiée de fleuron français de l'habillement, l'enseigne nordiste, créée il y a trente-huit ans par quatre anciens cadres du groupe Mulliez, s'était fait une place particulière dans le cœur des Françaises qui l'avaient désignée comme leur «marque de vêtements préférée» dans les années 2010. Si elle a finalement été acquise aux enchères par Celio (pour la somme de 1,8 million d'euros) le 7 décembre, sa liquidation a entraîné 2600 licenciements. Les prémices d'une débâcle pour un secteur autrefois florissant, mais qui a peiné à faire face aux changements et aux coups durs durant cette dernière décennie.
Un secteur dans la tempête
Comment ces marques de mode se sont-elles retrouvées dans l'impasse ? Parmi les facteurs fragilisants évoqués : le triomphe de l’e-commerce, un virage pas toujours pris à temps pour ces enseignes qui ont été créées aux prémices de l'ère du digital. L'arrivée d'une nouvelle concurrence, l'ultrafast fashion, l'avènement de la seconde main ou simplement la saturation de l'offre dans cette gamme accessible entrent également en ligne de compte. Tout comme les erreurs de gestion. C'est le cas pour Pimkie, et les enseignes de l'homme d'affaires Michel Ohayon (propriétaire et ex-propriétaire de plusieurs entreprises en difficulté comme Camaïeu, Go Sport et Gap France, également en quête de repreneurs), qui admet avoir parfois fait fausse route dans un entretien pour Challenge . Aggravé par la crise du Covid 19, le contexte ne laisse rien présager de bon pour les enseignes stars de la fin du XXe siècle.
Pour ces dernières, le retour de la mode des années 2000, et les initiatives pour rester au goût du jour (comme des discours écologiques chez Kookaï et Pimkie, le lancement d'une gamme premium pour San Marina ou de la vente d'articles de seconde main pour Pimkie et Go Sport), n’ont pas suffi à convaincre. D'autant que l'époque a changé, et avec elle les préoccupations des consommateurs. Selon une étude Ifop réalisée avec Purpose Lab et Nouveau Modèle en 2021, 51% des Français interrogés affirmaient ne pas faire confiance aux engagements éthiques et écologiques des grandes marques et 64% se disaient prêts à payer plus cher pour atteindre ces critères. De quoi déstabiliser profondément toute une génération d'enseignes de milieu de gamme, qui ont vu le jour dans un contexte où le langage esthétique prévalait sur le vocabulaire éthique.