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« TATA RENÉE » ET LES NAINS MAGIQUES, par Thérèse Zrihen-Dvir

 

Espiègle et turbulente, je ne réussissais pas toujours à faire mes devoirs, lesquels j’entamais à peine avant d’être gagnée par la fatigue, et de m’assoupir sur mes cahiers.

Souvent, le soir venu, ma tante Renée, au retour de son travail, me découvrait endormie, la plume encore entre les doigts tachés d’encre et mes devoirs à moitié accomplis. Elle me prenait alors dans ses bras, m’allongeait sur mon lit, avant de s’asseoir sur ma chaise et compléter le manque de ma besogne scolaire.

À mon réveil le matin, qu’elle était ma surprise de constater que tous mes devoirs étaient faits et mes cahiers placés dans mon cartable. J’avais rarement le temps de poser des questions à mes oncles et à ma tante, pour découvrir, qui était le petit malin qui faisait mes devoirs durant mon sommeil, ces derniers avaient déjà quitté la maison pour se rendre au magasin où ils travaillaient tous ensemble.

Je vins un soir m’informer auprès de ma grand-mère pour lui demander de me révéler le nom du malin qui me mettait au lit et complétait mes devoirs.

Elle n’en savait rien. Je restais sur ma soif de connaître le mot de la fin de cette énigme, quand par hasard, notre maîtresse de classe, nous conta une des fables de Jacob Grimm, « les nains magiques ».

Ce merveilleux conte, d’un cordonnier qui, par suite de malheurs, était devenu si pauvre, qu’il ne lui restait plus de cuir que pour une seule paire de souliers. Le soir il le tailla afin de faire les souliers le lendemain matin ; puis, comme il avait une bonne conscience, il se coucha tranquillement, fit sa prière et s’endormit. Le lendemain, à son lever, il allait se mettre au travail, quand il trouva la paire de souliers toute faite sur sa table. Grande fut sa surprise ; il ne savait ce que cela voulait dire. Il prit les souliers et les considéra de tous côtés : ils étaient si bien faits qu’il n’y avait pas un seul point de manqué ; c’était un vrai chef-d’œuvre.

Après avoir attentivement écouté la suite, je me mis debout devant toute la classe pour déclarer que « je connaissais ces petits nains ». Inutile de vous décrire l’avalanche de rires et les yeux écarquillés de notre maîtresse, Mme Bitton.

– Silence, hurla-t-elle à toutes les filles. Au lieu de rire comme des bécasses, écoutons ce qu’elle a à nous raconter. Vas-y, parle-nous de tes nains magiques ».

Je me sentis toute chose soudain, et mon assurance prit un vilain tour. Si je leur révélais que mes devoirs étaient exécutés par des petits nains, comme le prétendait tata Renée, je perdais du même coup toute ma fiabilité aux yeux de ma maîtresse qui n’omettra sûrement pas de dégrader mes notes… Il fallait dare-dare trouver une solution à ce problème, sinon, c’est à une chute abyssale que j’allais faire face.

– Pourquoi diable avoir réagi sans réfléchir aux portées de ma révélation ?

Je n’avais que sept ans dans une classe où toutes les élèves avaient dix. La tête en ébullition, je me mis à balbutier quelques phrases  incohérentes d’abord, plus précises ensuite.

– C’est tata Renée qui m’avait dit une fois que le Père Noël était venu pour laisser un cadeau qui m’était destiné auprès du Kanoun de ma grand-mère. Et lorsque ma poupée s’était brisée, et qu’à mon réveil au matin, je l’avais trouvée réparée, elle m’expliqua que des petits nains magiques étaient venus durant mon sommeil pour la restaurer ».

Inutile de vous faire un croquis des éclats de rire de toutes mes amies de classe et de ma maîtresse.

En moi, je savais que je l’avais échappée belle !!!

Une confession de cette taille, m’aurait sans nul doute, renvoyée aux confins de la classe.

– Et puis après me dis-je, en prenant le chemin de retour vers ma maison… Et si vraiment des petits nains avaient accompli mes devoirs de classe… ces petits nains qui n’avaient qu’un seul nom très chéri « Tata Renée ».

Ma gentille et incomparable tante, vient de nous quitter. Elle a été pour moi une grande sœur que j’ai aimée et que je regrette aujourd’hui, plus que jamais.

Que le Seigneur l’accueille dans Son paradis, Amen.

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