Arno Klarsfeld : « Jean-Luc Mélenchon a un discours antisémite ! »
Le 7 octobre, le Hamas lançait une offensive terroriste de grande ampleur, multipliant les actes barbares ciblant les Juifs en Israël. Arno Klarsfeld, avocat spécialiste d'Israël, évoque ces événements pour Livre Noir, et dresse un portrait du spectre politique française sous ce prisme.
Attaque terroriste en Israël. Arno Klarsfeld, avocat spécialiste de la question juive, évoque ces événements pour Livre Noir. Entretient Crédit : Livre Noir
Comment avez-vous vécu vous personnellement ce qui s’est passé ce week-end ? Avant de répondre, je voulais vous faire part de la réaction d’un colonel israélien qui parlait de « nouvelle Shoah » pour les attentats de ce week-end orchestrés par le Hamas. Qu’en pensez-vous ?
Je suis d’accord. J’ai discuté à de nombreuses reprises par téléphone, lui en Israël, moi à Paris, avec Olivier Rafowicz [Ndlr : le colonel en question], un bon ami à moi que j’ai rencontré quand j’étais à l’armée israélienne. Je lui ai dit que ce qu’il s’était passé ce week-end, était comparable à l’arrivée des Einsatzgruppen en Ukraine en 1941, lorsqu’ils tuaient toutes les familles juives. C'est tout à fait la même chose : prendre les enfants, les tuer devant les parents, tuer les parents, violer les femmes, prendre des otages…
Il y a un sentiment de révolte et de haine à voir une telle barbarie et de voir qu’un gigantesque pogrom s’est déroulé sur la terre d’Israël, alors que l’on avait dit « plus jamais ça ». C’est un coup au moral. Pourtant, quand on regarde ces événements avec une perspective historique, il faut noter que pour la première fois depuis dix-neuf siècles, il y a un État juif puissant. Il n’y a plus de risque existentiel pour Israël comme il y a pu en avoir en 1973 lorsque les tanks syriens ont failli débarquer.
En comparaison donc, la situation des juifs est bonne partout dans le monde. Ils ne sont plus persécutés nulle part. Ils peuvent accéder à toutes les positions qu’ils veulent selon leur mérite. Cependant, en parallèle, les gens comprennent bien ce qui arriverait aux juifs d’Israël si des groupes terroristes comme le Hamas, le Hezbollah ou d’autres, prenaient le pouvoir. Ça serait une nouvelle Shoah.
Lors du rassemblement au Trocadéro, les Français n’étaient pas nombreux à la manifestation, il n’y avait que des juifs et des hommes politiques. Ceci étant dit, les Français comprennent très bien, eux aussi, qu’ils courent de grands risques depuis les attentats de 2015, quand la même haine islamique s’est abattue sur la jeunesse française.
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Peut-on être anti-sioniste sans être antisémite selon vous ?
Anti-sioniste, c'est-à-dire nier le droit aux juifs d’avoir un État : Israël, c’est d’une certaine manière antisémite.
D’ailleurs, on voit bien qu’un leader politique comme Jean-Luc Mélenchon, leader charismatique — la France Insoumise, n’existerait d’ailleurs pas sans lui car c’est lui qui mobilise — a un discours antisémite. Plusieurs de ses prises de paroles laissent peu de doute. Par exemple : « Jésus fut crucifié par ses compatriotes », alors qu’il fut condamné à mort par Ponce Pilate, un châtiment romain. De la même façon, lors des émeutes de Sarcelle en 2014, il avait dit de la communauté juive qu’elle était « agressive », alors que c'était cette dernière qui venait de se faire agresser. Et enfin, très récemment, lorsque qu’il ne condamne pas le Hamas, alors que l’on a assisté aux pires actes de barbaries commis depuis des décennies. Il ne condamne pas fermement, en disant, par exemple, que c’est une vision cauchemardesque.
Pour lui et une partie de ses troupes, ces événements s’apparentent à de la « résistance palestinienne ».
Cette haine aveugle contre Israël est dictée certes par ses convictions — car ils pensent que les Rothschild contrôlent le monde et qu’Israël tirent les ficelles, mais elle est également motivée par des calculs électoralistes. Tout cela me fait dire, sans risque d’être condamné, que Jean-Luc Mélenchon à un comportement antisémite. L’Assemblée Nationale a adopté une résolution en 2019 qui définit l’antisémitisme selon l’Institut pour la Mémoire de l’Holocauste. Dans cette définition, une haine aveugle d’Israël est considérée comme de l’antisémitisme. Critiquer Israël, ou bien sa politique, bien sûr, mais nier le droit aux Juifs d’avoir un État, est un comportement antisémite.
D’un regard extérieur, nous avons l’impression que la haine entre les différentes communautés en Israël est omniprésente. Vous qui avez été soldat là-bas et qui êtes citoyen d’Israël, est-ce vraiment un État rongé et divisé par la haine ?
Non, quand j’étais à l’armée, j’étais dans l’unité combattante des gardes frontières, une unité de gros durs. Il y avait des noirs, des Falashas, des Russes et il y avait beaucoup de Bédouins et de Druzes. Au-delà de l’armée, il y a sept millions de juifs en Israël et il doit y avoir plus de deux millions d’Arabes. Ces derniers, ont les mêmes droits que les juifs, aux mêmes services sociaux, il n’y a pas de différences entre les différents citoyens. Ainsi, la plupart du temps, ils vivent très bien en Israël.
« La détestation vient des groupes islamistes et de l'éducation antisémite »
Néanmoins, ils ne se marient pas ensemble. Il y a des communautés, mais il n’y a pas de détestation entre elles. Il y a évidemment des troubles et en fonction des événements, il peut avoir une détestation entre ces différentes communautés. La détestation vient des groupes islamistes, notamment du Hamas, mais également de l’éducation, de la haine, qui transforme des enfants qui naissent innocents en zombies. Pour apaiser tout cela, il faut trouver un compromis. Chacun à sa légitimité, le peuple juif et le peuple palestinien.
Politiquement, les juifs depuis 1948 ont accepté tous les compromis. En 1936 s’est tenu une commission, la commission Peel, qui avait proposé un partage, les juifs l’avaient accepté. En 1948, les juifs ont accepté le plan de partage validé par l’ONU, ce qui n’était pas le cas des Arabes, qui ont attaqué Israël. Entre 1948 et 1967, les territoires palestiniens, comme la Cisjordanie, avaient été annexés par la Jordanie. Quand Israël a pris Gaza et la Cisjordanie, Jérusalem a proposé pour un temps qu’il y ait un échange de territoires, à condition qu’il y ait la paix. Les Arabes ont refusé. Quand j’étais à l’armée, les kamikazes se faisaient exploser dans les restaurants, les anniversaires, dans les bar-mitsvah etc. Tous ces événements s’expliquent par le fait que leaders palestiniens refusent la présence d’un État juif au Moyen-Orient. S'ils l’acceptaient, alors il y aurait la paix immédiatement !
Faut-il considérer que le Hamas est en réalité l’armée palestinienne ? Est-ce une attaque terroriste ou militaire ?
« Israël cherche à causer le moins de morts civils. Le Hamas le maximum »
C’est une opération terroriste, un massacre ! Ils rentrent comme les barbares au Néolithique, lorsqu’ils arrivaient dans une autre tribu pour massacrer tout le monde. Ce n’est pas un combat, mais un massacre. Il faut appeler un chat, un chat. Ils ne veulent pas d’un État d’Israël. Les terroristes sont donc obligés de raviver la haine de leurs troupes par des massacres de la sorte. Ils doivent aussi semer la terreur au sein de la population israélienne. Israël cherche à causer le moins de morts civils, le Hamas : le maximum. Voilà la différence entre une armée et un groupe terroriste. Israël doit faire attention dans sa réponse car il doit exister avec un certain niveau de conscience morale.