Guerre Israël-Hamas : au Maroc, les tiraillements de la communauté juive
L’attaque menée par le Hamas le 7 octobre a ravivé l’inquiétude d’une communauté, qui dit se sentir en sécurité au Maroc mais craint les conséquences d’un mouvement populaire opposé à la normalisation avec Israël.
Par Alexandre Aublanc(Casablanca, correspondance)
Les disparus ne sont plus là, alors c’est à ceux qui restent, dans les affres du deuil ou de l’attente qui frappent jusqu’au Maroc, de raconter les proches tués ou kidnappés. C’est Henri*, qui a perdu une cousine, caporale de 19 ans dans l’armée israélienne. Enlevée par le Hamas, elle est morte en captivité. Son corps sans vie a été retrouvé près de l’hôpital Al-Shifa de Gaza. C’est Daniel*, dont un parent éloigné, âgé de 91 ans et malade du cœur, a été épargné dans le kibboutz de Beeri, « mais pas sa femme, ni son fils et sa belle-fille ». D’autres rapportent un frère blessé, une tante assassinée, un neveu tombé sous les balles.
Dans ces histoires pleines de morts surgissent des rescapés. La voix brisée, Miriam* dépeint les treize heures qu’une amie marocaine a passées avec ses enfants et son mari dans un abri, pendant que ses voisins « se faisaient massacrer » dans la communauté agricole de Netiv Haasara. Tous charrient dans leurs récits un mélange de stupeur et d’incompréhension scellé depuis « le 7 octobre », une date qu’ils prononcent sans autre mot, comme si la seule énonciation de ce jour suffisait à révéler l’ampleur du drame.
Aussi brutale que sanguinaire, l’attaque du Hamas, qui a fait 1 200 morts selon le gouvernement israélien, est venue rappeler les liens étroits qui existent entre les Marocains juifs et Israël. Le ministre marocain de l’intérieur estimait que « 800 000 juifs » d’origine marocaine étaient installés en 2018 dans l’Etat hébreu, soit la seconde communauté de Marocains à l’étranger, derrière la France et au coude-à-coude avec l’Espagne. Par contraste, la communauté juive au Maroc s’est réduite comme peau de chagrin : 1 500 âmes, dont la très grande majorité vit à Casablanca. Un chiffre dérisoire – ils étaient plus de 250 000 au lendemain de la seconde guerre mondiale – , mais qui fait de cette population juive la plus importante dans un pays arabe.