LA MÉMOIRE DES VIVANTS
Voilà quatre mots que Jean D’Ormesson nous a laissé avant de nous quitter.
Il a si bien dit : « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des morts dans la mémoire des vivants ».
Que dire de la mort? Qu’elle n’est pas la fin de tout , puisqu’il y a le souvenir, que la plus formidable de toutes les forces spirituelles, c’est le souvenir. Ce même D’Ormesson , dans son ´Histoire du Juif errant’ nous a aussi averti qu’il n’y a pas de vie qui soit dominée par l’ombre de la mort. Il est donc recommandé de faire en sorte que l’effort de notre vie est de repousser l’idée de la mort par le jaillissement, par l’abondance, par l’accumulation de la vie.
Et moi qui voulait parler des vivants, me voila parlant de la mort. Il faut croire que la mort console. Est-elle l’espoir et le but de la vie? Peut-être que si nous la comprenons ainsi, elle nous fera moins peur . Si l’on regarde de plus près, n’est-il pas vrai de croire que le secret de la vie se confond avec la mort? En résumé, s’il y a quelque chose de plus fort que la vie, ce serait la mort.
Et que dire des vivants? Un mot de Tacite me revient: » Le vrai tombeau des morts, c’est le corps des vivants « . Et que dire du fameux Sartre qui a refusé le Prix Nobel, prétextant qu’« aucun homme ne mérite d’être consacré de son vivant “
Je viens d’apprendre aujourd’hui le décès d’un être cher de la famille, Victor. Je le nomme pour lui accorder sa valeur. Entendre cette nouvelle m’a fait crier le mot POURQUOI. Ce fameux pourquoi qui ne nous donne jamais la réponse que nous souhaitons . Je suis sûr que je vais garder en moi la mémoire de cet être cher. Je crois au profond de moi qu’une fois parti nous restons là.
Oui, nous avons en nous la force de garder présent parmi nous la mémoire de celui ou de celle que nous venons de perdre. Je corrige , perdre n’est pas le bon mot quand on pense sans cesse aux disparus. Ils sont avec nous par la mémoire.
Oui, c’est dans notre esprit que s’opère la conservation d’une connaissance antérieurement acquise. Nous avons tous la faculté du souvenir. Le souvenir c’est une image, une idée, une représentation que la memoire conserve. Je dirais même plus, c’est une autorité suprême. Par autorité j’entends ce pouvoir de commander, d’obliger notre esprit à garder présente la mémoire vivante du disparu.
Autrement dit, si je refuse d’accepter la mort , c’est parce que je préfère garder vivante en moi la mémoire du disparu. Je répète ce mot qui veut dire qui a cessé d’être visible. Ce mot s’entend physiquement . Notre personne est décédée et sa mort a été établie, mais elle est vivante en nous. Et c’est ce que j’appelle LA MÉMOIRE DES VIVANTS.
Jacques Hadida