Pourquoi devrait-on s'interdire de s'inquiéter de la montée des Frères musulmans ? par Gilles William Goldnadel
«Je crois que le musulman a le devoir de faire revivre l’islam et que la bannière de l’islam doit couvrir le genre humain et que chaque musulman a pour mission d’éduquer le monde selon les principes de l’islam. Et je promets de combattre pour accomplir cette mission tant que je vivrai et de sacrifier pour cela tout ce que je possède. »
Ceci est le credo des Frères musulmans cité par Olivier Carré et Michel Seurat (L’Harmattan 2003), dans leur livre consacré à un parti dont l’importance pour l’islamisme est comparable à celle que le parti bolchevique a représenté pour le communisme.
Cette confrérie sert de référence idéologique à tous les groupes islamistes, en ce compris Al Qaida : ainsi, Sayid Qutb, un des principaux théoriciens des Frères, a été surnommé « le cerveau de Ben Laden ». Gilles Kepel considère les Frères telle une « matrice de l’islamisme moderne ». Il suffit de lire les ouvrages qui leur sont consacrés par les auteurs les plus modérés pour apprendre que la confrérie a été fondée en 1928, dans le contexte du désarroi ressenti par l’abolition du califat ottoman d’Istanbul par Kemal Ataturk en 1924.
Celui-ci était décrit par eux comme un crypto-juif, et il suffit de se donner la peine de lire « Notre combat contre les juifs » écrit par Qutb dans les années 50, pour se convaincre de leur haine des chrétiens, des juifs et de l’Occident.
Le Hamas est l’émanation politique des frères en Palestine. Le mufti de Jérusalem, grand-père de Leila Shahid, était l’allié de Hal Bana, fondateur du mouvement à Ismalia. Il l’était également d’Adolf Hitler. Ce sont les Frères qui ont accueilli le mufti à son retour de captivité, lui épargnant un procès pour les crimes de guerre commis en Bosnie contre les Serbes et les Juifs par la division Handzar. Le petit-fils de Hal Bana, un certain Tariq Ramadan, l’a reconnu (« Aux sources du renouveau musulman », p.206)
Au lendemain du premier tour des élections législatives égyptiennes, les islamistes, dont les salafistes qui sont une sorte de Frères musulmans plus impatients, représentaient 65% des votants. Les démocrates libéraux n’ont recueilli que 15% des suffrages.
Comme l’écrit le même Ramadan le 30 novembre dans le « Parisien » : « Finissons-en avec la diabolisation !»
Ainsi, l’éditorialiste de Libération, une semaine avant, le 28 novembre se faisait l’écho de « l’inquiétude et de la colère » « de blogueurs militants, juristes ou intellectuels égyptiens » réunis à Lyon lors d’un forum organisé par le journal devant la méfiance qui caractériserait l’opinion française a l’égard du processus en cours.
Guéant, inquiétant, vraiment ?
L’inquiétude, la méfiance était manifestement ailleurs. Là où elles se devaient d’être.
Le même Libération assimilait le lendemain Guéant à Le Pen, pour cause de prétention de vouloir réduire de 10 % l’immigration légale. Plus fort encore, la veille, France Inter ouvrait son édition de 8h sur le cri prêté au ministre de « haro sur l’étranger ! », pour avoir notamment refusé le projet socialiste d’accorder le droit de vote aux immigrés non français aux élections municipales.
Peu importe que ceux qui prônent sans retenue ce qu’ils considèrent comme une avancée démocratique foulent aux pieds le principe érigé par la Révolution Française et qui lient le vote et la citoyenneté, la démocratie et la nation.
Mais l’objection la plus fine à l’octroi du vote à des étrangers aura été apportée par Caroline Fourest dans le Monde du 3 décembre : « Traversons-nous une période où la mondialisation est vécue comme heureuse au point de donner envie de s’ouvrir et de s’adapter ? Ou, au contraire, une période ou cette adaptation peut être vue comme une trahison supplémentaire de l’Etat-nation, et donc générer plus de mal (la xénophobie) que de bien (l’ouverture) ? »
Une occasion de convoquer l'Histoire la plus noire ?
L’Allemand, voilà l’inquiétant. Arnaud Montebourg, toujours fin historien, voyait en Frau Merkel la réincarnation du chancelier Bismarck. Il reçut pour récompense un brevet de germanophobie. Harlem Désir est venu à son secours pour reprocher au gouvernement sa xénophobie envers les immigrés. Les socialistes sont comme cela. Lorsque les Allemands sont allemands et les Français, français, ils ne peuvent pas s’empêcher de convoquer l’Histoire la plus noire. N’est-ce pas le même Montebourg qui comparait, après le discours de Grenoble, Sarkozy à Vichy ? (mon article dans le Figaro du 13 septembre 2010).
Il n’est jusqu’au subtil Védrine pour reprocher sur France Inter aux Allemands d’éprouver encore à l’égard de l’Etat juif un sentiment de responsabilité historique, « en dépit du temps écoulé ».
Je comprendrais mieux l’argument, si tous les matins les amis de Messieurs Védrine et Montebourg ne me rappelaient la responsabilité historique de l’Occident à l’égard des anciens colonisés d’Orient. En dépit du temps écoulé.
Inquiétant les OGM ?
Excellent reportage de Michel Floquet, correspondant de TF1 aux Etats-Unis, qui n’hésite pas à dire que les Américains ne trouvent pas les OGM inquiétants. En vérité, beaucoup les considèrent comme un progrès technique et économique pour lutter contre la malnutrition.
En revanche, le Figaro du 30 novembre confirmait que la France persistait à refuser les OGM au lendemain de l’annulation par le Conseil d’Etat du moratoire mis en place en février 2008, dans la foulée du Grenelle de l’environnement. Le quotidien confirmait cependant que le gouvernement manquait d’éléments scientifiques pour justifier ce moratoire.
Moi, personnellement, je trouve inquiétante cette docile soumission de la droite à l’argumentation massue des amis de José Bové.
La Légion d'honneur refusée à Hélie de Saint-Marc
Pour terminer, je voudrais présenter mes excuses à Pierre Bouteiller.
On se souvient peut-être que dans mon bloc-notes du 21 novembre, j’avais gentiment chatouillé sa grande conscience de gauche pour avoir laissé Siné répandre dans les studios de TSF jazz son fiel peu ragoutant. J’avais tort. Car nous avons à faire à un grand résistant.
Ce lundi, l’aube à peine levée, Pierre B. a eu le courage de dénoncer la remise par le président de la république de la grand-croix de la Légion d’honneur « à un ancien membre de l’OAS ».
Il s’agissait, on l’aura compris, d’Hélie de Saint-Marc, combattant de la Résistance à 20 ans, arrêté, déporté à Buchenwald, puis saint-cyrien, officier sur tous les champs de bataille avec 13 citations au combat.
Ce qui fait sans doute la supériorité de la gauche, c’est son travail, un brin rancunier et unilatéral, de mémoire. Qui se rit de toutes les amnisties et de tous les pardons.
Un Raymond Aubrac, grand résistant, et un Stéphane Hessel, bien plus petit, ont pu appartenir ou fréquenter le parti le plus stalinien d’Europe ayant applaudi au pacte germano-soviétique, ils sont canonisés sans réserve ni examen de leur vivant. Mais « résistant de droite » relève toujours de l’antiphrase.
J’ai connu personnellement Alain Griotteray, le plus jeune chef de réseau de la France combattante, je l’ai vu taxé de fasciste, parce qu’homme de droite sans complexe, par des contradicteurs autrement plus intolérants, sans que ses états de service puissent aucunement servir à décharge.
J’ai eu également l’honneur de conseiller professionnellement Jacques Soustelle, qui fut un des chefs de la Résistance et ministre de l’information à la libération. Il fut également un grand ethnologue de la civilisation amérindienne. Malheureusement pour lui, marqué à droite et ayant voulu voir la France conserver le Sahara, il finit ses jours dans un ghetto politique et social dont ses mérites acquis dans la clandestinité furent impuissants à l’en sortir.
Enfin, pour se convaincre définitivement de ce que la Résistance sans la gauche ne confère aucune protection particulière, on se reportera à ce billet de Pierre Assouline, ordinairement mieux inspiré, publié dans le Monde, et dans lequel, la dépouille de Druon encore tiède, l’intellectuel progressiste déplorait un hommage posthume inconvenant , s’agissant d’un « réactionnaire et conservateur ». Il est vrai que ce grand résistant, coauteur avec son oncle Joseph Kessel, du « Chant des partisans » avait été ministre de la culture de Georges Pompidou et s’en était pris avec une vigueur inaccoutumée aux potentats culturels de gauche.
Comme pour me donner raison, France Inter, ce même lundi a eu l’obligeance de bien vouloir signaler l’existence d’une pétition de 300 personnes (fichtre !) qui entendaient protester contre le transfert de la dépouille du général Bigeard aux Invalides.
L’hypermnésie latérale est parfois une maladie de l’âme bien inquiétante.