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Elle est juive, je suis musulmane : la mode nous unit

Bien loin des guerres de religion, Souad Gojif raconte une simple histoire d'amitié, au-delà des croyances. Une parenthèse de légèreté dans ce monde de brutes.
 

Par Souad Gojif
 

Les guerres de religion, les prétextes à l’incitation à la haine, on ne connait pas. Anael et moi partageons deux choses. Deux passions. Un amour pour la mode et un amour pour Dieu. Elle est ashkénaze, je suis musulmane.

 

Je l’ai rencontrée par hasard, une fin d’après-midi dans l’atelier d’un jeune styliste. Je me suis arrêtée. J’ai crié "Rudy". Il m’a ouvert énervé comme d’habitude. Les stylistes c’est comme ça ! Rudy me dit : "J’ai une question, pourquoi tu ne sonnes pas ?". Je réponds : "Rudy, ta sonnette est cachée… je ne la trouve jamais !".

 

Elle était présente. Elle a ri. Je me suis retournée. Une jeune fille… rayonnante. Son rire me fait rire, elle rit tout le temps, elle est d’un naturel éclatant. Son sourire est magnifique. Elle est d’une élégance intrigante. J’avais également remarqué un goût prononcé pour la mode. Elle est modèle, elle adore, elle s’amuse.

 

On échange nos premiers mots comme des fillettes : "J’aime bien ta veste, elle est belle !". "Moi ce que j’aime, c’est ton rouge à lèvres !". Je crée des vêtements mais je suis loin de ce que fait Rudy. Je n’ai pas d’atelier, je ne participe pas aux défilés, je commence à peine. Le milieu de la mode ne m’est pas totalement inconnu et je l’approche d’un pas naïf, tranquillement sans me poser de question. Je lui propose un shooting, elle accepte sans même avoir vu la collection.

 

Quelques semaines plus tard nous dînons ensemble pour parler du projet. Il se concrétise en voyant son visage refléter une telle joie, un amour pour la vie. J’imaginais déjà mes créations, des petits chemisiers en coton, portés par cette femme qui deviendrait l’égérie de ma marque.Peut-être un jour… Sa féminité, sa légèreté, sa personnalité, elle possède une véritable aura.

 

Nous discutons, je ne bois pas d’alcool, elle me demande si je suis musulmane. Je réponds "oui". Elle me dit en riant : "Je suis juive et pratiquante, enfin un peu". Je réponds "et alors ?". Elle se reprend : "non mais ça peut déranger". Elle n’a malheureusement pas tort. Je réponds : "je suis musulmane, ça dérange aussi parfois." Elle rit et me fait rire ! Un moment de bonheur. De partage.

 

Ce que j’aime chez elle, c’est sa manière spontanée de passer d’un rire à un silence puis à la réflexion. Elle me parle de son amour pour Dieu. "Dieu est universel, le principal c’est d’éprouver 'quelque chose de positif, un amour pour Dieu' quelle que soit la religion et surtout, surtout, cet amour de Dieu, c’est aussi l’amour des autres". Elle m’interpelle. Je la regarde.

 

Elle me parle de son agacement. Elle aime beaucoup de gens de religions différentes et évoque une lassitude, un désœuvrement qu'elle ne supporte plus d’entendre les uns parler des autres avec autant de haine. Elle est fatiguée de cette absurdité humaine. Elle rêve d’entendre un jour des propos tolérants vis-à-vis des autres.

 

J’ai adoré cette phrase : "Les juifs et les musulmans ne s’aiment pas, mais nous on a la mode". Elle a ri. Nous passons à un autre sujet et nous savons dorénavant que nous avons elle et moi un autre point commun que celui de la mode. Un amour pour l’autre. Je lui ai dit qu’elle faisait partie de mon aventure. Elle a aimé.

 

Anael transmettra mes inspirations et transmettra sa beauté, sa personnalité, son regard, son rire, sa tolérance, sa féminité à travers des valeurs propres aux miennes. La mode nous a unies.

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