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Michel Galabru : "Tous les hommes sont mateurs"

Rencontrer l'ex-gendarme Gerber, c'est aller au devant de deux heures de générosité et de truculence. Un bouillonnement que l'on retrouve dans le livre rempli d'anecdotes et de réflexions que publie ce jeune homme de 89 ans.

Un chapitre de votre ouvrage est intitulé " Naître ou ne pas naître ". On ne choisit pas ses parents, son pays, sa religion ?

Naître est arbitraire. On ne vous demande pas votre avis. Si vous naissez en Arabie Saoudite, vous êtes musulman. Si vous voyez le jour aux Indes, vous allez vous baigner dans le Gange. Si c'est à Nîmes, vous êtes protestant, à Montpellier, vous êtes catholique. Tous ces gens, très religieux, ne se doutent pas qu'à trois heures d'avion, la femme porte la burka.

Vous êtes plutôt né au bon endroit, non ?

Je n'ai pas à me plaindre. J'ai eu une mère exemplaire, ce qui est merveilleux. Mon père était ingénieur, c'était un milieu relativement aisé. Enfant, j'ai eu au Maroc une vie de rêve que j'ai toujours regrettée. Je n’ai plus jamais retrouvé ce climat. Je me baladais avec un petit âne, il y avait la mer. J’étais élevé par un mahjoub, un homme immense et noir, descendant d’esclaves. Je me souviens de son infinie tendresse.

Vous confessez avoir été un vrai cancre, mais quel bonheur lorsque vous avez découvert plus tard que Guitry, votre maître, l’avait été au moins autant que vous. Ça réconforte...

Ah oui ! Il n’a jamais dépassé la classe de sixième. J’ai fait sept collèges, j’ai donc eu l’occasion d’être en contact avec beaucoup d’enseignants. Avec le recul, je constate qu’ils n’avaient aucune psychologie. Un enfant qui n’écoute pas en classe, ce n’est pas de la mauvaise volonté. Il rêve, il n’est pas là. Il m’arrive encore d’être distrait. On me punissait, or ça ne sert à rien. Les retenues, les engueulades, c’est zéro ! Le cancre n'y peut rien. Il faut le prendre par la main, lui parler, comprendre pourquoi ça ne marche pas. C’est ça, le travail d’un professeur.

Vous écrivez : " Connaître les femmes, autant l’avouer, je n’y suis jamais arrivé ". Vous êtes intarissable sur le sujet...

L’homme a d’énormes défauts : il y a des prédateurs, on n’arrête pas de constater des brutalités, certains sont violents, une femme meurt pratiquement tous les jours sous les coups. C’est terrible. A côté de ça, face au féminisme, on ne peut rien dire. La femme n’a de cesse de se parer, c’est son obsession, et souvent elle s’habille d’une façon extrêmement provocante tout en ayant peur d’être attaquée par l’homme. Le string est une chose insensée.

Cela me fait penser à de Funès et Galabru " matant " les figurantes pendant le tournage d’un " Gendarme "...

Louis avait observé mon manège et m’a dit : " Ah, tu ne peux pas t’empêcher, hein ? " Alors qu’il se rinçait l’œil tout autant. Je lui ai répondu que je regardais, c’est tout. Et j’ai ajouté : " Quand tu passes devant une pâtisserie, tu t’arrêtes, tu tombes en pâmoison devant un millefeuille... " Quelques jours plus tard, je le vois remettre ça, alors qu’un défilé de jolies femmes passait entre nous. Il a vu que je l’observais et s’en est sorti par une pirouette : " Qu’est-ce qu’il y a par ici comme millefeuilles ! " Mais tous les hommes sont mateurs. Généralement, elles sont moulées à mort. Et puis, ça été la minijupe. Bon, peut-être, elles suivent la mode. Un défilé de mannequins, c’est de la provoc’. Je sais que moi, à partir de 14 ans, ça a commencé à me travailler. Alors, pourquoi ces questions ? Parce que je ne connais pas la femme. Je ne sais pas ce qu’elles ressentent, elles ne vous le disent pas. Et ce point G que personne ne trouve... Il y a cette espèce de barrage entre les deux sexes, l’un qui demande et l’autre qui offre. Il faut dire les choses comme elles sont.

Vous évoquez la théâtralité : " On se joue à soi-même. On se dupe, on croit être quelqu’un quand on n’est qu’un rôle. " On pense à la fameuse phrase " Tout le monde joue, sauf quelques acteurs. "

Elle est de Guitry. Mon esprit est toujours en éveil, et je pensais à Hitler : il s’inventait un grand festival de théâtre avec des croix gammées, des décorations, des drapeaux. Quand on voit défiler ça, avec des musiques ronflantes, des saluts... Parfois, un face-à-face politique se gagne sur une phrase : " Vous n’avez pas le monopole du cœur ! " Les politiques sont des théâtreux.

Cocasse, le règlement de la Comédie-Française : un pensionnaire n’avait pas le droit de passer devant un sociétaire, même lorsque la mise en scène l’exigeait...

Tout cela était d’un grotesque flagrant, mais personne n’y voyait de quoi rire. J’ai assisté à la fin de cette époque. L’atmosphère qui y régnait, c’était la cour de Louis XIV. Pendant sept ans, j’ai assisté à un festival d’intrigues, sans compter les bonnes femmes qui couchaient... L’administrateur m’avait avoué : « Avant d’être nommé, je n’avais jamais mis les pieds au Français, même pas comme spectateur ! »

Vous répétez toute l’admiration que vous aviez pour Michel Simon, et vous nous contez quelques anecdotes qui montrent qu’il n’écoutait rien ni personne.

Au moment de frapper les trois coups, le soir de la pré-générale, tout le monde l’attend. Un technicien vient le chercher dans sa loge, et il lui répond : « Si madame Simone Berriau ne me fait pas une faveur, je n’entre pas. » Il ne parlait pas d’une augmentation de salaire... Le régisseur court prévenir la directrice du théâtre. Laquelle, quelques instants plus tard, pénètre dans la loge de Michel Simon. On ne sait pas ce qui s’est passé, mais le rideau s’est levé. Sur le tournage de « L’ibis rouge », Mocky avait été d’une prévenance incroyable vis-à-vis de Michel Simon. Je ne suis pas sûr qu’un chef d’Etat ait jamais droit à tant d’égards. Après le tournage, Mocky lui demande : « Monsieur Simon, quelle prise préférez-vous ? La première ou la deuxième ? » Réponse : « Je les emmerde toutes les deux ! »

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