Affaire Zeitouni : un des deux Français reconnaît avoir été au volant
Un des deux Français qui se sont enfuis après avoir été impliqués dans un accident mortel de la route à Tel-Aviv, en septembre 2011, a reconnu qu'il était au volant dans un film diffusé, lundi 17 janvier, sur la chaîne privée de télévision israélienne Channel 2. "C'est moi qui conduisais. C'est moi (...), ça me fait mal, tout ça. J'ai fait l'accident, je ne l'ai pas fait exprès", affirme Claude Khayat dans ce film tourné à son insu dans le cadre de l'émission "Uvda" ("Fait") de la journaliste Ilana Dayan, spécialisée dans les enquêtes.
Le 16 septembre, M. Khayat conduisait un 4×4 à bord duquel se trouvait son ami Eric Robic, quand il a renversé une femme de 25 ans, Lee Zeitouni, tuée dans la collision. Tous deux ont ensuite regagné précipitamment la France, suscitant un tollé en Israël, où un collectif, Justice pour Lee, s'est créé pour réclamer que les deux hommes soient jugés en Israël. Le fiancé de la jeune femme, Roï Peled, épaulé par Ilana Dayan a entrepris de retrouver les deux fuyards en France. Il a pour cela notamment eu recours à Yossi Ayache, un juif français qui les connaissait, et a accepté de s'équiper d'une caméra invisible.
CONFESSION ENREGISTRÉE
Comme le montre la vidéo de l'émission ci-dessous à partir de 32 minutes et 50 secondes, M. Khayat s'est ainsi fait piéger, et a d'abord raconté sa version de l'accident à M. Ayache, après s'être préparé un joint de haschish en plaidant : "Après le choc, il n'y avait rien. La petite, elle est passée de l'autre côté de la voie, et Eric hurlait." Puis il explique qu'il serait prêt à rencontrer Roï Peled, le fiancé de la victime. "Mais qu'il fasse pas de traquenard. On va pas rentrer dans ça, je vais pas amener mes amis les Gitans et les Arabes contre des juifs avec qui j'ai un conflit de cœur pas un conflit d'argent", précise-t-il. Mis en confiance, M. Khayat a ensuite accepté de parler à Roï Peled par téléphone, qui se trouvait dans une voiture en bas de l'immeuble, la scène étant filmée et le son enregistré, toujours à son insu. C'est alors qu'il a formellement reconnu avoir été au volant le jour de l'accident.
Au cours de l'enquête de la télévision, diverses personnes ont accusé, anonymement, les deux Français d'être mêlés à la pègre israélienne, notamment à un de ses patrons, Charlie Aboutboul, un fait que reconnaît Claude Khayat, qui affirme dans le film qu'il lui doit de l'argent.
Plusieurs témoins les ont qualifiés de "voyous", indiquant notamment qu'ils seraient mêlés à des escroqueries dans des affaires de publicité et de cartes de crédit et qu'"ils travaillent avec des Serbes". Un autre témoin a affirmé que quelques heures avant l'accident, tous deux passablement éméchés voulaient s'offrir un spectacle spécial après la fermeture d'un club de strip-tease à Ramat Gan, près de Tel-Aviv.
Roï Peled s'est déclaré "content que de nouveaux détails aient été dévoilés, le grand public comprendra mieux qui sont les gens qui ont tué Lee (...) C'est un scandale que la France continue d'offrir un abri à ces criminels".
Pour l'avocat d'Eric Robic, Michel Apelbaum, "c'est un témoignage direct sur les circonstances mais qui ne change pas la donne juridique". "On ne peut que regretter qu'il ne se passe toujours rien sur le plan judiciaire et que ce soit l'opinion publique et les médias qui tentent de faire avancer l'affaire. La justice se rend dans un tribunal pas dans la rue", explique-t-il ajoutant que son client est "terrifié" par l'ampleur que prend cette affaire. Quant aux relations supposées des deux Français avec la pègre israélienne, Me Apelbaum assure "ne pas être au courant" indiquant que "ça n'a rien à voir avec l'accident" et qu'"il faut se garder de faire des amalgames qui n'apportent rien à la douleur des familles."
IMBROGLIO JURIDICO-DIPLOMATIQUE
La France n'extradant pas ses ressortissants hors de l'Union européenne, et aucune plainte n'ayant été déposée dans l'Hexagone, les deux hommes sont au centre d'un imbroglio juridico-diplomatique : ils pourraient éventuellement être jugés en France, à condition que la justice israélienne accepte de renoncer à les poursuivre.
Cette affaire a suscité une très vive émotion dans l'opinion israélienne et a écorné l'image de la France. L'ambassadeur de France en Israël, Christophe Bigot, est venu en personne expliquer la procédure légale française il y a une semaine devant la commission de l'immigration et de la diaspora du Parlement. Les débats ont été diffusés en direct à la télévision. Le collectif Justice pour Lee a organisé plusieurs manifestations, notamment devant l'ambassade de France, et a interpellé des personnalités françaises en visite en Israël.
Contacté par Le Monde.fr, le ministère des affaires étrangères français rappelle que "l'affaire est suivie au plus haut niveau", indiquant que "le président de la République a évoqué ce drame dans une lettre au premier ministre israélien et les autorités françaises sont en contact permanent avec les autorités israéliennes, tant en France qu'en Israël". Romain Nadal, porte-parole adjoint du ministère, précise : "Nous avons fait savoir aux autorités israéliennes, dès le lendemain de l'accident, que la justice française agira activement afin que les deux personnes concernées répondent de leurs actes conformément au droit applicable dans le cadre de la coopération judiciaire entre nos deux pays. C'est donc aux autorités israéliennes ou à la famille de la victime qu'il appartient maintenant de saisir la justice française pour qu'un procès puisse avoir lieu en France".