Yvan Attal face au racisme
Pour son retour sur les planches, il défend un client blanc accusé d’avoir violé une jeune femme noire.
Vingt-cinq ans qu’il attendait ce retour au théâtre. Et encore, à l’époque, n’avait-il passé que deux soirées sur les planches. Yvan Attal s’en souvient encore très bien : "C’était dans le cadre des auditions de fin d’année du cours Florent." Un moment important pour le comédien : parmi les spectateurs se trouvait le réalisateur Éric Rochant, qui allait lancer sa carrière en l’engageant pour Un monde sans pitié au côté d’Hippolyte
Girardot. "Après, je me suis laissé embarquer par le cinéma. J’ai bien eu quelques propositions au théâtre mais les rôles ne me correspondaient pas. J’attendais une pièce vraiment forte."
Race, du prestigieux dramaturge scénariste et réalisateur américain David Mamet correspond pleinement à ses attentes : "J’y incarne un avocat qui voit débarquer dans son cabinet un riche client blanc accusé d’avoir violé une jeune femme noire. Je pense tout de suite aux gros honoraires alors que mon associé noir sent immédiatement les problèmes qui ne vont pas tarder à se pointer." Cette pièce "jubilatoire", qu’Yvan Attal a découverte à New York, aborde un thème auquel l’acteur est particulièrement sensible : la discrimination.
"On hérite de la souffrance de son peuple, c’est inscrit dans mes gènes"
"Je suis juif mais je pourrais être noir. Il y a ce racisme de tous les jours, ces blagues que l’on n’a pas envie d’entendre, ces accents sous couvert de l’humour. On hérite de la souffrance de son peuple, c’est inscrit dans mes gènes. Ce n’est pas de la parano, mais si je me trouve dans un restaurant bruyant et que l’on prononce le mot 'juif' à une table, je l’entends." Et Yvan Attal de regretter que "lorsqu’il y a un conflit entre deux personnes de race différente, c’est le symbole qui l’emporte et non pas les faits. Pour autant, Race est avant tout une excellente pièce avec beaucoup de manipulation comme souvent chez Mamet, et non pas un étendard."
La profession d’avocat ne lui est pas non plus indifférente. À tel point qu’il y songea sérieusement au cours de ses études. "J’aime bien chez eux leur obstination, leur volonté de chercher la faille. Cela correspond à mon goût pour démonter les choses et ne pas prendre ce qu’on vous dit pour une vérité première." L’itinéraire du comédien a souvent croisé l’univers du dramaturge. "J’ai vu tous ses films et, déjà au cours Florent, j’avais travaillé quelques-unes de ses pièces. J’aime beaucoup son écriture sèche, sans fioritures." Hasard, sa compagne, Charlotte Gainsbourg, a fait ses débuts au théâtre dans Oleanna d’un certain… David Mamet.
Quand Yvan Attal s’est rendu la première fois sur la scène de la Comédie des Champs-Élysées, il reconnaît qu’il avait les jambes qui tremblaient. Aujourd’hui, à quelques jours de la première, il ne ressent pas de pression particulière. "Le trac, oui ; mais celui qui galvanise. En fait, c’est quoi le théâtre si ce n’est un long plan séquence d’une heure et demie. Une chose est sûre, je n’attendrai pas vingt-cinq ans pour m’y remettre."
Race, Comédie des Champs-Élysées, 15, avenue Montaigne, Paris (8e). À partir du 25 janvier. Réserv. : 01 53 23 99 19 ou www.comediedeschampselysees.com