CONNAIS-TU LA KAHÉNA, UNE REINE JUIVE ?
Comme tu l’as certainement appris à l’école ou au Talmud Thora, il y a eu, dans l’antiquité, de nombreux rois juifs. Par contre, les reines juives sont une exception. Parmi elles, la Kahéna. Née vers l’an 620 aux environs de Bizerte, en Tunisie, elle s’appelait, de son vrai nom, Damia ben Nifak Cohen. On la disait fille d’un prince gouverneur d’une province nord-africaine.
En ces temps-là, initiés par des Juifs venus de Syrie, de nombreux Berbères pratiquaient le judaïsme. Parmi eux, les tribus des Néfoussa, des Fendelaoua, des Médiouna, des Bahloula, des Ghiata, des Fazzaz et des Djéraoua. C’est parmi ces derniers que vivait la Kahéna, jeune veuve d’un roi de l’Aurès dont elle avait eu deux fils.
Très tôt, la Kahéna prend la tête de sa tribu et ses sujets lui portent une véritable vénération. Elle a quarante ans lorsqu’elle décide de s’opposer, par le fer et par le feu, aux envahisseurs arabo-musulmans emmenés par Hassan Ibn Noumane El Ghassani, gouverneur de l’Égypte dépêché par le calife Abd El Mélèk.
La Kahéna harcèle les troupes du calife, occasionnant des pertes décisives chez l’ennemi qui s’enfuit dans la débandade. Cette guerre sans merci fait de l’Aurès et du Sud tunisien un territoire dévasté où les épidémies se propagent et où le cheptel s’amenuise.
Pendant cinq ans, les offensives d’Hassan se renouvellent, toujours plus dures, plus meurtrières. Montée sur un cheval noir, dans son armure grise recouverte d’un burnous rouge, une petite hache à la ceinture, la Kahéna, son épée à garde d’argent à la main, harangue ses troupes, encourage ses hommes, les Berbères juifs d’Ifrikya, auxquels se sont joints des nomades et des montagnards. Hassan est refoulé en Tripolitaine. Pendant six ans on n’entendra plus parler de lui. La population juive se prend à espérer et vaque à nouveau à ses occupations premières, labourant et pâturant, redonnant vie aux campagnes et aux forêts.
C’était sans compter sur l’opiniâtreté de l’adversaire qui, dans l’ombre, organise sa revanche. Elle sera terrible. En 694 (an 74 de l’Hégire), Hassan revient à la charge, à la tête de dizaines de milliers de combattants, attaquant les troupes de la Kahéna avec un avantage numérique de cinq contre un.
La bataille décisive se déroule à Thysdrus - El Djem, en Tunisie.
Certains la situent au pied des Aurès, à Bougie, en Algérie ou encore à Gabès, dans le sud tunisien. Voyant la situation se dégrader, la Kahéna ordonne une politique de la terre brûlée. On ravage la campagne, on démolit les édifices, on déterre les arbres, on détourne les cours d’eau.
Rien n’y fait. L’ennemi avance, contourne, conquiert, occupe le terrain. Inexorablement. Des milliers de Judéo-berbères sont tués. Au cours d’un assaut, la Kahéna reçoit une grêle de flèches qui la transpercent de part en part. Elle réussit à s’adosser à un rocher et à attirer l’attention des siens. Son sang coule à flot. La Kahéna sent ses forces décliner. La mort est proche. Elle fait mander ses enfants et les derniers officiers juifs encore valides.
« Promettez-moi de vous rendre et d’adopter la foi de nos vainqueurs. Ainsi, je sais que vous vivrez et, après vous, vos descendants ! ». « Nous promettons ! » Et la Kahéna rendit son dernier souffle. Le lieu supposé de sa mort porte encore, de nos jours, le nom de « Bir El Kahéna » (Puits de la Kahéna).
Noémie Wagman