États-Unis : les juifs orthodoxes pour un Net "kasher"
Dimanche dernier, quarante mille juifs orthodoxes se sont rassemblés au stade de l'équipe de base-ball de New York, avec chapeau et costume noir sur chemise blanche, donnant lieu à des images incongrues. Le but de l'opération ? promouvoir une plus grande régulation du Web. Pour que, selon eux, plus jamais une famille ne soit brisée par les méfaits de Facebook, ni un mariage par la pornographie ou encore des enfants détournés de l'étude de la Torah par l'avalanche de vidéos de YouTube.
Selon Eytan Kobre, le porte-parole de l'événement, "le moment est venu pour nous, en tant qu'individus rationnels, de nous demander dans quelle mesure les nouvelles technologies nous apportent encore quelque chose et si elles ne nous gâchent pas plutôt la vie".
Femmes interdites de stade
Il va sans dire que les femmes n'étaient pas admises dans l'enceinte du stade. Afin que soit respectée la tradition orthodoxe, les femmes, elles, se trouvaient dans des salles des fêtes et des synagogues munies de télés et d'ordinateurs diffusant la manifestation en direct, un peu partout dans l'État de New York et dans le reste des États-Unis.
Impossible donc de pénétrer dans le stade des Mets plus qu'un bref instant, le temps d'entendre le rabbin Ephraim Wachsman ouvrir la cérémonie par un retentissant : "Même muni d'un filtre, Internet est un champ de mines semé d'immoralité" devant une foule où plus d'un ultraorthodoxe est en train de consulter sa boîte mail. Un des organisateurs m'ordonne de sortir. "Les femmes ne sont pas admises". Et de m'accompagner jusqu'au tourniquet pour me regarder sortir.
"Facebook plus dangereux qu'une arme à feu"
Eytan Kobre, le directeur de la revue des familles juives Mishpacha, se veut le porte-parole de l'événement. Cet avocat de 52 ans, vêtu lui aussi de noir et de blanc est enthousiaste : c'est, dit-il, la toute première fois qu'une telle foule se réunit pour évoquer la question du danger que présente Internet : "Facebook est bien plus dangereux qu'une arme à feu, assène-t-il. Surtout dans la mesure où ce site remet en question le concept de vie privée, élément qui, à mon sens, distingue l'homme de l'animal."
Au sortir de la manifestation, quatre heures plus tard, les participants tous âges confondus font écho à ses préoccupations : Joshua, 29 ans, est venu du New Jersey pour "réfléchir à cette question sérieuse et déterminante". Son cousin de cinq ans son cadet affirme, quant à lui, couper sa connexion internet régulièrement. "La vie est plus belle sans alertes ni notifications", affirme-t-il la mine réjouie. Un homme de 69 ans, Salomon, en fauteuil roulant est, lui aussi, venu du New Jersey avec ses trois fils. Il se dit "très préoccupé". Il craint que l'avenir de ses petits-enfants ne soit gâché par le temps qu'ils passent à chatter dès qu'ils échappent à la surveillance de leurs parents.
Business
Mais plus que cette réflexion, l'objectif des rabbins et autres conférenciers présents à cette manifestation est d'encourager une pratique "kasher" d'Internet consistant à installer un filtre sur les ordinateurs et sur les smartphones. Ainsi, le rabbin Matisyahu Salomon, un des plus importants sponsors de la manifestation, a déclaré au quotidien Brooklyn Orthodox daily Hamodia qu'Internet sans filtre était "totalement non kasher", soit un péché. Et c'est ici qu'intervient le facteur "business".
Le groupe Ichud Hakehillos Letohar Hamachane, lui aussi un des sponsors principaux de l'événement, est en effet directement lié à une entreprise qui fabrique des logiciels de filtres internet "kasher". À la sortie du stade est distribué à chaque participant un flyer qui promeut les services de la société Koshernet qui vend des filtres internet kasher et met au point des "Kosher GPS App" permettant de localiser les synagogues et les restaurants kasher rapidement...