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Les champions juifs dans l’Histoire : des sportifs face à l’antisémitisme, par Philippe Assoulen (*)

 

 

Voici un livre tout simplement extraordinaire : par l’originalité du sujet, par la multitude d’anecdotes inouïes qu’il propose et par l’angle de réflexion qu’il propose.

 

Les ouvrages sur les sportifs juifs ne sont pas légion (1). À travers les siècles, les Juifs ont souffert de l’image complètement fausse véhiculée par les antisémites selon laquelle un Juif ne saurait, par définition, être capable du moindre exploit physique. En témoigne l’assertion du général Charles H. Scherrill, représentant américain au Comité International Olympique, formulée au Madison Square Garden de New York en 1935 : « Il n’y a jamais eu de grand athlète juif dans l’Histoire ». Une assertion contre laquelle s’inscrit en faux la réalité depuis les temps bibliques. Bien avant l’ère chrétienne, Jérusalem possédait un gymnase. Hérode, roi de Judée, fit construire l’un des premiers stades dont on ait le souvenir. Resh Lakish, le fameux gladiateur devenu rabbin y connut des heures de gloire. Plus près de nous, au XVème siècle, c’est un Juif, Ott, qui est considéré comme le meilleur lutteur de l’époque. Sans oublier le boxeur de légende, l’Anglais Daniel Mendoza (1764-1836), « Étoile d’Israël » et « père de la boxe scientifique ».

 

Pour Philippe Assoulen, c’est en Hongrie que « tout à commencé ». À Budapest, où naît, le 1er février 1878, Arnold Guttmann, fils d’un modeste colporteur brillant nageur qui, pour s’intégrer et gravir tous les échelons sportifs de son pays, se métamorphosera en Alfred Hajos. C’est à Budapest aussi, que naît Theodor Herzl qui, en 1896, peu avant le début des premiers Jeux Olympiques s’apprête à publier son État des Juifs. Le petit Juif Hajos, en remportant, lors de ces Jeux, deux médailles d’or, va devenir l’idole de tout un peuple. Il n’est pas le seul. D’autres grands nageurs juifs sont à ses côtés : Neumann et Herschmann. L’auteur mêle, d’une manière astucieuse et convaincante les destinées d’Hajos et de Herzl. On découvrira par ailleurs, au fil des pages, la contribution exceptionnelle des Juifs hongrois à la grande épopée du sport international, notamment en escrime.

 

Le chapitre consacré à « Hitler face aux champions juifs » est particulièrement édifiant. « Il est frappant de retrouver chez Hitler, presque mot pour mot, la pensée de Herzl : le corps au service de l’esprit pour gagner des batailles », nous dit l’auteur qui ajoute, fort heureusement : « La haine, toutefois, fait la différence ». On découvre le personnage déroutant de la championne allemande d’escrime, Hélène Mayer, Juive de père, qui clamera haut et fort qu’elle est allemande avant tout et poussera l’identification au régime jusqu’à faire le salut hitlérien aux Jeux de Berlin en 1936. Ce jour là, fait exceptionnel, trois Juives seront sur le podium : la Hongroise Ilona Elek, médaille d’or, Hélène Mayer et l’Autrichienne Ellen Preis, médaille de bronze. D’ailleurs, on l’oublie souvent, à ces J.O. de Berlin, seize médailles seront remportées par des Juifs !

 

Fait peu connu, le baron de Coubertin, si souvent encensé, n’a pas toujours été digne : « Mais le baron, à l’amorce des nouveaux jeux olympiques, s’égare un peu. Il se sent proche d’Hitler. Il admire le dictateur et échange même avec lui de nombreux courriers. Il soutiendra le dossier olympique de l’Allemagne nazie. Hitler, reconnaissant, lui versera une rente jusqu’à sa mort, en 1937 ».

 

La tragédie des champions juifs qui moururent dans les camps de concentration est également narrée avec talent : le boxeur franco- tunisien Young Perez, bien sûr, mais aussi les sabreurs Janos Garay, Oszkar Gerde, Attila Petschauer et Endre Kabos et tant d’autres encore.

 

On lira avec intérêt la reconstitution minutieuse du drame de Munich en 1972 avec l’invraisemblable amateurisme de la police allemande et, par la suite, si l’on en croît les déclarations du responsable palestinien d’un détournement d’avion pour le moins bizarre, une connivence quasi certaine des autorités allemandes avec l’OLP pour la libération des terroristes palestiniens responsables du massacre encore en vie. Des jeux endeuillés qui verront le Juif américain Mark Spitz réaliser son exploit de remporter sept médailles en natation.

 

Un précieux « Petit dictionnaire des champions juifs » par discipline et la liste des médailles israéliennes aux Jeux (Sept en tout depuis Barcelone en 1992, dont une seule d’or, celle de Gal Friedman en planche à voile en 2004 à Athènes) est proposé en fin d’ouvrage.

 

De nombreuses photographies agrémentent ce livre très intéressant. À découvrir absolument.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Imago. Préface de Philippe Grimbert. Février 2009. 192 pages. 20 euros

(1) Cependant, le lecteur intéressé par le thème des Juifs dans le sport pourra consulter avec profit : pour ce qui est de la boxe et plus particulièrement de Young Perez, de Jean-Pierre Allali, « Young Perez, champion du monde de boxe » in « Les Arabesques de la destinée. Histoires étonnantes du peuple d’Israël », Éditions Gil Wern, 1996, d’Émile Brami, « Histoire de la poupée », Éditions Écriture, 2000, de Paul Steinberg, « Chroniques d’ailleurs », Éditions Ramsay, 2000, d’André Nahum, Quatre boules de cuir », Éditions Bibliophane, 2002 et de Noah Klieger, « La Boxe ou la vie », Éditions Elkana. Jérusalem, 2008. On pourra lire également, toujours pour la boxe, de Didier Elbaze, « Deux poings pour une étoile. L’épopée des boxeurs juifs », 2004 ou encore les ouvrages plus généraux, de Raymond Meyer et Claude Girard, « La boxe », Éditions de la table Ronde, 1965 et de Dominique Zardi, « Les Immortels de la boxe », Éditions Dualpha, 2003.

Pour ce qui concerne le football, d’André Tuil, « Les plus belles années sportives des Pieds Noirs. Union Sportive Tunisienne. UST », Éditions Cérès, Tunis, 1996. Par ailleurs, « Le Guide Juif de France » de Roger Berg, Chalom Chemouny et Franklin Didi, Éditions Migdal, 1971, consacre une vingtaine de pages illustrées à ce thème (Liste non exhaustive

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