Munich : 40 ans après la tragédie des JO, les blessures encore à vif
"Ce jour n'était pas une attaque contre Israël, pas une attaque contre les Juifs. C'était une attaque contre nous tous. Contre l'idée olympique, la vision de la liberté et de la paix pour tous les êtres humains", a déclaré, très émue, Charlotte Knobloch, ancienne responsable de la communauté juive allemande, dans un discours.
Quelque 600 invités ont franchi mercredi après-midi les contrôles de sécurité importants pour assister à la cérémonie organisée sur la piste de la base militaire de Fürstenfeldbruck (sud de l'Allemagne) où s'était déroulé l'épilogue du drame, il y a 40 ans. Les prises de parole se sont succédées dans une atmosphère de recueillement intense.
Après un service religieux œcuménique juif, catholique, protestant, des voix moins consensuelles se sont élevées, traduisant la peine et le sentiment d'injustice qui habitent toujours les proches des victimes.
"Munich et l'Allemagne restent à jamais associés au jour le plus triste de notre vie", a déclaré Ankie Spitzer, veuve de l'entraîneur de l'équipe d'escrime Andre Spitzer.
Le 5 septembre 1972 à l'aube, huit membres de l'organisation palestinienne Septembre noir avaient pénétré dans un appartement de la délégation israélienne au village olympique, tuant deux athlètes israéliens et en prenant neuf autres en otage, espérant les échanger contre 232 prisonniers palestiniens.
L'intervention des services de sécurité allemands sur la base militaire de Fürstenfeldbruck, à une trentaine de kilomètres de Munich, s'était achevée par la mort de tous les otages, ainsi qu'un policier ouest-allemand. Cinq des huit membres du commando furent abattus et les trois autres capturés.
"Aujourd'hui (...) nous reviennent les souvenirs de la tentative de sauvetage désastreuse" des forces de sécurité allemandes, a dit Mme Spitzer depuis la tribune où était tendue une toile portant la photo des onze athlètes et du policier décédés.
Elle a critiqué "l'incompétence, la stupidité et l'arrogance" des autorités allemandes de l'époque, et le fait que les familles n'ont jamais eu accès aux documents officiels sur la tragédie. Elle a réclamé "une nouvelle enquête" sur ce fiasco, recueillant les applaudissements du public jusque-là complètement silencieux.
Après la cérémonie, lors d'une conférence de presse, elle a précisé qu'elle voulait que les autorités allemandes "ouvrent tout". "Elles le doivent non pas à nous mais à ceux qui sont morts", a-t-elle ajouté.
Cette quête qu'elle mène depuis 40 ans, "ce n'est pas (ma) profession, ce n'est pas un passe-temps, ce n'est pas une obsession, c'est juste (mon) droit à savoir ce qui s'est passé", a-t-elle expliqué.
Dieter Graumann, président du Conseil central des juifs d'Allemagne a dénoncé le "dilettantisme désastreux et inimaginable des forces de sécurité allemandes", mais aussi la "négligence" et la "légèreté" des dirigeants sportifs. "Aucun être humain ne peut comprendre" que les Jeux n'aient pas été interrompus immédiatement", a-t-il dit.
"Avons-nous été trop naïfs ? Avons-nous sous-estimé la menace terroriste ? Ces questions restent", a reconnu le ministre allemand de l'Intérieur, Hans-Pieter Friedrich, sans aller plus loin dans la critique. Le vice-Premier ministre israélien Silvan Shalom, également présent, a qualifié le 5 septembre 1972 d'un "des jours les plus tragiques du jeune Etat d'Israël". Plus tard, il a jugé "tout à fait légitimes" les demandes des proches des victimes.
Evoquant des documents récemment déclassifiés par Israël sur le sujet, il a suggéré qu'il était "peut-être temps que l'Allemagne en fasse de même".