Drancy, le discours et la méthode.
Émouvant et sincère, le discours du Président de la République, François Hollande, à Drancy : un brin de l’Histoire de la Shoah, quelques pincées de vérité sur la collaboration, l’indifférence, les salauds, les justes et, surtout l’interrogation : Pourquoi ? Pourquoi la déportation et la mort de milliers de juifs ? Pour quelle raison ces 76.OOO hommes, femmes et enfants raflés, emprisonnés, humiliés puis conduits aux trains de la mort par des policiers et des gendarmes français.
Pourquoi ?
Certes, l’évocation de la shoah, suscite, la honte, l’indignation, l’embarras ou l’émotion chez la plupart des Français qui ne se sont peut-être jamais posé la question : « Pourquoi avoir fait ça à des hommes, des femmes, des enfants qui n’ont fait de mal à personne ?
Bien sûr, la réponse est et sera à jamais prisonnière de la question, enfermée comme la stupeur dans le regard des enfants arrachés à leurs mères à Auschwitz.
Mais au moins que chacun la fasse sienne, cette « question » puisqu’il ne s’agit pas de trouver une réponse à ce qui dépasse l’entendement mais d’inviter le citoyen à l’affronter ; c’est le rôle et la responsabilité des maîtres et des parents. Les hommes ne valent que par les questions qu’ils se posent.
L’autre aspect de ce discours, est que tout en reconnaissant la responsabilité de la France
d’hier, il avoue l’embarras de la France d’aujourd’hui, admettant en somme que l’antisémitisme est une sorte de spécificité française, une maladie opportuniste qui accompagne ses fluctuations sociales : hier l’occupation, aujourd’hui l’incitation à la haine de prédicateurs « importés », sans oublier le conflit israélo-palestinien qui prête si bon dos aux dérives antisémites d’une extrême gauche en mal de clientèle
Mais revenons à Drancy, aux mots si justes du Président, derrière lesquels on pouvait ressentir, le désarroi d’une nation à la recherche d’un remède, d’une solution à la honte, à la fatalité devant la violence, à cette tendance désespérément humaine à s’habituer peu à peu à tout, jusqu’à l’inadmissible.
La France des lumières qui s’est vue, entraînée dans « la Nuit et le Brouillard » au vingtième siècle, devrait se méfier de l’obscurantisme annoncé du XXIe siècle.
Nous n’en sommes pas encore là, bien heureusement. Cependant, Il faut dire que la droite au pouvoir a donné de la voix à ce sujet, plus que la gauche n’avait su le faire. Mais le discours de François Hollande venu se placer aux côtés du bouleversant discours du Président Chirac au Vél D’hiv, réconcilie.
Honneur à eux, à leur insigne volonté de proclamer haut et fort la faute de la France, d’exhiber les cadavres des victimes que l’orgueil de De Gaulle et la prudence de Mitterand avaient choisi de conserver bâillonnés dans les placards de l’Histoire de France.
La France traîne derrière elle le boulet de l’antisémitisme et du racisme depuis trop longtemps. Elle ne peut plus se permettre de laisser aux associations le soin de veiller à un problème qui blesse son quotidien, qui plonge ses citoyens juifs ou musulmans dans l’indignation et l’interrogation. L’expérience a montré que les associations, vite débordées par leurs rivalités, se retrouvent dans la situation du berger amené à faire la part du loup.
Alors, on a envie de dire : Monsieur le Président, la meilleure réponse à ce problème serait la création d’un ministère pour le « racisme et l’antisémitisme », oui un délégué ministériel, chargé spécialement de rapporter le propos, l’injure, les actes et les violences, de proposer des solutions, de suggérer des lois. Oui, un homme à la détermination et au courage de Manuel Valls et, comme lui, peu soucieux de déplaire aux précautionneux qui parlent de « stigmatiser » dès qu’il s’agit de montrer du doigt.
Pol-Serge Kakon –Ecrivain -septembre 2012