En quoi les musulmans sont-ils utiles à l’humanité?
Kamel Daoud
Hirsute, violent, édenté, sale, yeux exorbités, rageur, ongles courbés, intolérant, affamé, cannibale et impossible à fréquenter. C’est le portrait imposé de « l’arabe », alias le musulman de souche, de l’Océan à l’Océan. De quoi vous donner envie de préciser l’essentiel de l’avenir : je suis algérien et pas arabe. Je suis humain et j’ai le choix d’être musulman ou pas. A ma manière, discrètement, entre moi et le ciel, Dieu et le murmure.
Car pour le reste, je n’en veux plus ! Je ne veux pas le dire, le répéter, y insister ni le revendiquer, ni le proclamer. Sur la scène de la création vaut mieux se proclamer aujourd’hui extraterrestre que musulman. Car cette nationalité céleste détient désormais le monopole de la bêtise, de la capacité d’être manipulable jusqu’à l’absurde, de l’idiotie, de la détresse et du meurtre et des fatwas surréalistes. Bien sûr ceux qui ont tué l’ambassadeur US, en Libye il y a quelques jours, sont dix ou vingt et ceux qui manifestent contre les ambassades de l’Occident en les incendiant ne sont que quelques milliers sur le total du milliard mais n’empêche : les autres se taisent, reculent, ne disent rien et laisse faire ou regardent ailleurs. Du coup, les arabes/musulmans n’ont pas la nationalité du plus intelligent mais celle du plus fou de leur village. Du coup, il faut assumer la confusion puisqu’on la laisse faire. Puisqu’on préfère culpabiliser devant les islamistes. Puisqu’on choisit de s’exiler pour leur laisser les pays. Puisqu’on n’ose pas leur répondre, qu’on s’écrase, qu’on acquiesce et qu’on glisse avec eux sur leur pente folle de leur interprétation moyenâgeuse du sacré. Puisqu’aussi on n’ose même plus écrire un mot sur eux chez soi et qu’on leur concède le droit de parler en notre nom, avec l’Occident et avec Dieu et même avec nos femmes et nos corps.
Si on se laisse faire, c’est qu’on est dans la complicité et donc dans l’acceptation. C’est donc que dans l’île déserte et étroite du monde, on accepte la négritude confessionnelle comme une fatalité. Face à Robinson, on revendique presque le statut du sauvage qui mange l’arbre, l’oiseau et veut hâter la fin du monde.
Et qu’on ne vienne pas dire ensuite que tout le monde ne ressemble pas à tout le monde. Qui ne tue pas, consent. Qui ne dit rien, approuve. Qui croit que ces gens là ont raison, mais seulement pas dans les manières, les aide. Car aujourd’hui, c’est évident : l’Islam tel que vécu, vendu, parasité est une menace pour l’esprit et la raison. Et les islamistes qui montent, voleurs de printemps ou simple affidés sont une arme de destruction massive de notre humanité chancelante. Nos écoles sont donc une menace, ainsi que nos silences, interprétations, exils et démissions, livres et avis. Qu’on laisse de coté la manipulation grossière et les enjeux stratégiques et les coups de pub genre Charlie hebdo et ne retenons que la capacité incroyable de nos religieux à être idiots et violents. Le Film en question ? A peine un détail et il paraît qu’il n’existe même pas (comble de la moquerie !). On aurait pu y répondre par le silence, par un autre film, par un sourire ou par un plus grand effort à reconstruire nos pays et nos nationalités.
A quand un Luther musulman ?
L’Islam est à revoir, repenser et redéfinir et à ramener à la raison ou à l’aire de l’intimité ou à déclarer inapte. L’enjeu est notre place et notre utilité au reste de l’humanité qui avance ou qui souffre sans se proclamer le centre du monde ni le « peuple de la vérité ».
Et qu’on arrête de crier au complot, de se croire victime d’une théorie mondiale, de voir les juifs partout même dans mon nom de famille et de multiplier les analyses fumeuses : l’évidence est là. Sur vos télés et dans les rues. Il faut choisir vite : rejoindre l’humanité ou pas. Repenser l’Islam ou pas. Car pour le moment il y a de quoi pleurer et rire en regardant des hirsutes brûler un drapeau allemand pour dénoncer l’Amérique et confondre un Etat et un malfrat, un clip Youtube et une hystérie. Dieu et une barbe. Musulman/Arabe ? Non, ce qui est écrit sur mon passeport est clair : « algérien ». Cela ne tombe pas du ciel ni ne me vient de mes ancêtres. C’est quelque chose que je fabrique moi-même pour mes enfants.
Depuis presque un siècle, la bonne question est celle de « A quoi servent les musulmans au reste de l’humanité ? » En quoi faisons-nous avancer le progrès, le mieux, le Droit, la justice ? Qu’avons-nous inventé, musulmans de croyance ou musulmans par la culture, depuis le dernier Astrolabe ? Quand allons-nous enfin admettre que nous sommes devenus un poids mort pour l’humanité et un problème pour la collectivité ? Car s’il est vrai que le monde est un jeu d’adversités et de rapines, il faut admettre qu’aujourd’hui il s’agit d’un problème plus profond qu’un clip, une caricature ou une manip : si nous sommes aussi manipulables c’est parce que nous sommes les êtres d’un malaise. Les habitants d’une planète qui a un pied dans l’Iphone 5 et un autre dans les babouches ancestraux. C’est qu’il y a irrésolution, fausse naissance, inadaptation et décalage et donc douleur et donc violence.
Les deux dernières semaines, entre faux film, manifs, meurtres et manips, ont résumé presque les six siècles qui ont suivi la chute de Grenade. Rien depuis l’astrolabe. Des « Arabes » travaillent à la Nasa ? Oui mais il leur faut l’Amérique et la Nasa comme arrière-scène pour pouvoir briller. Tout les « arabes ne sont pas des musulmans et tout les musulmans ne sont pas terroristes et salafistes ? Oui, mais les uns naissent du silence des autres, des compromis, des peurs ou, au moins, des mauvaises réponses au monde présent. Il faut repenser l’Islam dans ta totalité et ses fondements très vite et savoir très vite si l’on veut rejoindre l’humanité ou l’au-delà. Tout le reste est blabla et jeu de rétrospectives sur les splendeurs d’autrefois.
C’est le long résumé d’une semaine de bêtises, de haines, d’insultes, de bigoteries. On peut y retenir le feuilleton d’une croisade assise ou d’une guerre de civilisations tordues. Mais on peut aussi aller à l’essentiel : se poser la bonne question de notre place au sein d’une humanité que nous nions et qui nous nie.