Demain je sortirai avec une kippa
Par Bernard Darmon
Selon certains, la laïcité signifierait donc qu’une femme musulmane ne puisse vêtir un voile sur ses cheveux ni qu’un homme juif ne puisse porter une kippa sur la tête, dans un lieu public. A ces deux signes, il faudrait en toute logique rajouter les vêtements des prêtres ou des nonnes, la coiffe des sikhs, les habits des moines bouddhistes, etc.
A moins que, à moins que… la laïcité ne soit liberticide que pour les musulmans et les Juifs ?
Pour les faux laïcs qui utilisent ce concept pour masquer leur antisémitisme ou leur racisme, je propose que la définition de la laïcité ne soit plus la séparation de « l’église » et de l’Etat, mais la suivante : « les musulmans et les juifs doivent s’assimiler au christianisme lorsqu’ils sont en dehors de leurs lieux de cultes ou de leurs domiciles ». On pourrait d’ailleurs rajouter : « Pour le moment !».
A titre personnel, croiser dans la rue ou faire la queue dans un magasin aux côtés d’une nonne, d’un rabbin, d’un imam, ou de toute autre personne qui arbore sa croyance non seulement ne me dérange pas, mais me rassure.
Oui, en tant que croyant, il est rassurant de vivre dans un pays comme la France qui accepte parmi ses citoyens les hommes libres de pratiquer le culte de leur choix aux côtés d’autres libres de ne pas croire.
En tant que croyant, il est rassurant de croiser des femmes libres de se vêtir comme elles l’entendent et non en fonction d’obligations dogmatiques contraignantes.
Une foule bigarrée, c’est la liberté et la vie. Une foule uniforme c’est la dictature.
Le voile de la femme musulmane pratiquante ni la kippa du juif religieux ne sont incompatibles avec la laïcité, au contraire ils y participent. Pour séparer la religion et l’Etat, encore faut-il qu’il y ait des religions et des croyants.
Mais alors qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?
Ce qui ne va pas, c’est que des citoyens disent haut et fort qu’ils font passer leur Loi religieuse avant les Lois de la République.
Ce qui pose problème c’est que des manifestants hurlent le 15 septembre dernier à Paris « Egorgez les Juifs », et comme par hasard le lendemain deux grenades ont été jetées dans un supermarché casher.
Ce qui pose problème, c’est que dans nos prisons, des voyous de droit commun soient pris en charge par des officines djihadistes pour en faire des bombes à retardement.
Ce qui pose problème, c’est qu’au nom de Dieu ou d’un prophète on utilise et prône la violence contre son pays, sa police, ses bâtiments, ses concitoyens.
Ce qui pose problème, c’est que dans certaines banlieues, la seule Loi en vigueur soit la Sharia et qu’une jeune fille ne soit pas autorisée, par les milices religieuses locales, à s’habiller comme elle le désire, au risque de se faire violer, lapider ou brûler.
Ce qui me dérange, c’est l’utilisation débilisante du nom de Dieu lorsqu’on prétend qu’IL se ravirait d’un sacrifice humain.
Ce qui m’effraie, c’est lorsque j’observe à Téhéran ou ailleurs des foules uniformes hurler la haine.
Ce qui m’effraie, c’est lorsque dans certains pays on refoule un touriste qui a une bible dans ses bagages.
Ce qui m’effraie, c’est de voir les communautés chrétiennes d’Orient qui vivent là-bas bien avant que l’Islam ne naisse, obligées de fuir par peur d’être massacrées.
Ce qui m’effraie ce sont ces chrétiens qui ne sont plus tolérés par des fanatiques religieux locaux en Irak, en Syrie, au Liban, en Iran, en Egypte, à Gaza sous autorité du Hamas, à Bethléem sous autorité palestinienne, mais aussi au Maghreb, au Mali, au Nigéria, et j’en passe.
Ce qui m’effraie, c’est la stigmatisation et l’amalgame réalisés par ces « religieux du Diable » qui voudraient punir un groupe pour l’éventuel crime d’un seul homme.
Mais qui est Dieu ?
En tant que croyant, je sais que Dieu n’est pas religieux.
Si Dieu avait voulu créer toutes ses créatures identiques, nul doute qu’IL l’aurait fait.
Dieu demande à chacune de ses créatures de choisir la Vie.
Les candidats au martyre devraient se souvenir qu’IL refuse le sacrifice humain. Nous le savons depuis qu’Abraham, qui avait accepté de sacrifier son fils Isaac sur demande de Dieu, en fut empêché. IL retint sa main et fit apparaitre un bélier pour qu’il soit sacrifié à la place de son fils.
Dieu n’accorde aucune importance à l’habit qui couvre le corps. « Il sonde les cœurs » et attend que ses créatures se jugent positivement entre elles au-delà des apparences.
Depuis que Caïn le premier Homme engendré a tué son frère cadet, Dieu attend que ses enfants fraternisent.
Pour conclure sur ceux qui voudraient interdire le port de la kippa en France:
A-t-on déjà vu une foule de juifs avec kippa hurler qu’il faut égorger les musulmans ou les chrétiens ?
A-t-on déjà vu une foule de juifs avec kippa brûler des voitures et détruire des biens publics en sortant d’une synagogue ?
A-t-on déjà vu un juif entrer dans une école chrétienne pour tuer des enfants au nom de Dieu ?
A-t-on déjà vu des rabbins venir dans les prisons pour faire du prosélytisme, laver des cerveaux et faire l’apologie du martyr ?
Les juifs sont en France depuis 2000 ans, ils ne sont ni meilleurs ni pires que les autres français. Comme les Bretons, les Normands ils ont un pourcentage de délinquants et d’abrutis.
Au nombre de juifs parmi les prix Nobel français, les chercheurs, les professeurs, les écrivains, les artistes, les capitaines d’industrie, on comprend bien que les Juifs participent paisiblement et souvent efficacement à la vie et au rayonnement de la France.
Alors demain, je n’ai pas l’habitude de le faire, mais je sortirai avec une kippa.