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La femme est l'avenir de l'homme, par Simone Joseph Uzan

 

J'ai fait un bond arrière cette année pour Yom Kippour à la synagogue : j'étais assise loin de mon mari et j'étais séparée par des lattes de bois...j'étais chez les Lubavitch. Le choix était simple: ils venaient d'arriver dans notre voisinage et marcher vers une synagogue aux Etats-unis, le jour de Yom Kippour est un miracle...autant en profiter. Bien que le service fût trés agréable, je n'ai pu m'empêcher de penser aux années en arrière.

Depuis mon arrivée aux Etats-Unis, il y a plus de 25 ans, j'ai joint différentes synagogues, toutes appartenant au mouvement conservatif "masorti": hommes et femmes assis ensemble; femmes lisant la Tora, portant kippa et talith ; femmes conduisant une partie du service ; en quelques mots, femmes en charge autant que les hommes.

Pour une juive tunisienne, c'est un grand pas en avant que de rentrer dans un de ces temples : je me souviens de la toute première fois, étonnée que l'on m'ait donné un livre de prières et de me voir assise à côté d'un homme,, et j'étais tellement époustoufflée, que j'en étais restée muette pendant tout le service.

Les années ont passé et les enfants sont nés. Quand mon fils a eu un an, mon père (déjà âgé) était venu me voir à Washington DC où nous vivions. Il voulait absolument visiter une synagogue "américaine". Nous vivions non loin d'une synagogue réforme et nous avions profité du vendredi soir pour assister à l'office : la synagogue était pleine, jeunes et moins jeunes chantaient "shalom aleichem", le hazzan avait une guitare, et le temple était tout simplement illuminé : qui étaient donc tous ces fidèles qui avaient trouvé le temps de passer une soirée entière à chanter et prier? Mon père, très moderne vis à vis de la religion, avait adoré ce côté exotique et peut-être quelque part exhubérant, de ces quelques juifs américains.

Mon pére aurait tant désiré que la religion se modernise ; il voyait la difficulté que les non-juifs avaient à se convertir ("pourquoi sommes nous si stricts, nous avons besoin de plus de juifs!") ou encore protestait-il devant les strictes règles du shabbat ("il y a 2000 ans, les frigidaires n'existaient pas".) Mon pére était un homme très moderne, très en avance sur son époque. Il aurait tant aimé voir plus de femmes à la tête de gouvernements, en un mot, il aurait désiré voir l'égalité des deux sexes. (Et bien sûr, il aurait tant aimé savoir que sa petite fille "l'américaine" avait fait sa batmistvah à Jérusalem et que la famille l'avait fêtée comme elle l'aurait fait pour un garçon. )

Comme tout enfant juif américain, mes enfants allaient au talmud torah du dimanche où filles et garçons étaient mélangés : ils apprenaient les mêmes choses, lisaient les mêmes prières, apprenaient à faire le pain du shabbat ou construisaient les décorations de la Succah. Bref ils se préparaient à leur majorité religieuse de la même façon.

L'année précédant la barmitzvah de mon aîné, j'ai fait ma propre batmizvah : j'ai appris l'hébreu des livres de prière, j'ai préparé mon discours de batmitzvah, j'ai lu et touché la Torah, presqu'interdite d'approche, dans ma Tunisie natale. Soudainement j'avais autant accompli qu'un homme. Subitement, j'avais, quelque part, un sentiment de libération: j'avais vécu l'angoisse de la lecture en public, et en hébreu, que nos fils, maris ou frères avaient vécue. J'avais atteint le sommet de la connaissance de certains passages hébraïques, j'avais partagé avec un (vrai de vrai) rabbin les discussions propres aux érudits des livres saints.

Je me souviens que l'annonce de ma batmitsvah n'avait pas été très bien accueillie : "ah oui ça te sert à quoi cette égalité ? Que cherches-tu vraiment en lisant les livres sacrés" m'avait dit un très bon ami. "C'est du "tmenik" quelqu'un d'autre avait ajouté. Des amis m'ont tourné le dos parce qu'à leurs yeux, je n'étais pas normale. Je me conduisais comme une révolutionnaire à leurs yeux.

En accomplissant cette tâche surhumaine (je travaillais à plein temps, je m'occupais de ma maison et de ma petite famille, je sortais etc.) je me souviens tout simplement de ma propre satisfaction et j'étais prête à aider mes enfants à accomplir de même quand leur moment viendra.

Vous qui lisez encore cet article, je n'ai que quelques questions à vous poser :

Qu' est-ce qui est le plus important : une synagogue pleine de monde où parfois les prières sont entre mêlées d'anglais et d'hébreu (ou de français bien sûr selon le pays où vous êtes) ou une synagogue vide de fidèles ?

Une synagogue où tout le monde est la bienvenue ou une synagogue uniquement conçue pour les juifs qui suivent la religion à 100%.

Une synagogue pour les gens qui veulent aller de l'avant avec le modernisme ou une synagogue encore d'il y a 2000 ans ?

Une synagogue qui donne autant de droits à nos filles ou une synagogue qui n'ouvre que les portes aux garçons?

Je vous mets au défi de croire en l'avenir des Juifs si vous condamnez les femmes à un rôle subalterne car ce n'est pas moi qui l'ai dit mais il est évident qu'au 21e siècle "la femme est l'avenir de l'homme."

Simone Uzan Joseph
Sljoseph@earthlink.net

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