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Le diagnostic des psys sur François Hollande

 

Par Martine Betti-Cusso

 

Cinq praticiens décryptent la personnalité du chef de l'État.

«Euhhh...»: l'onomatopée de la marionnette présidentielle des Guignols de l'info force le trait mais souligne ce que d'aucuns dénoncent comme de la gêne, de l'hésitation, voire de l'indécision. Trait de caractère ou stratégie? Prudence ou flottement? Flegme ou impuissance? Si les psychanalystes se gardent bien de trancher, ils donnent quelques indices sur la personnalité de l'indécis en général. Pour la psychothérapeute Isabelle Falardeau (1), celle-ci peut être imputable au contexte, aux pressions sociales, économiques, culturelles ou être inhérente à la personne et se manifester de manière récurrente. «L'indécis chronique est un anxieux qui n'affronte pas les situations mais les contourne. Il laisse le temps faire son oeuvre ou délègue la décision aux autres. Il va réfléchir longtemps, procrastiner, accumuler informations, documentations, consulter les uns et les autres.» Ce qui permet accessoirement de jouer la montre. Inversement, après une valse-hésitation, l'indécis peut agir par impulsion puis le regretter. «Décider, c'est s'enfermer dans un choix, prendre le risque de se tromper, poursuit-elle. Le sujet, souvent perfectionniste, craint cette situation et cherche l'évitement.»

Même analyse pour le psychanalyste Jean-Pierre Winter (2), pour lequel la figure de l'indécis est symbolisée par Hamlet, qui doit venger son père et tergiverse... «L'indécis a peur de perdre et de se perdre. Il veut être aimé de tous. Et en ne décidant pas, il conserve l'illusion d'une toute-puissance, d'une infaillibilité.»

Prudence, consensus, recul...

Voilà pour les caractéristiques de l'indécis. Notre Président relèverait-il de cette catégorie? «Je crois que nous avons un Président plus conciliateur que décideur, analyse le psychanalyste Jean-Pierre Friedman (3). Dès son enfance, il a été formé à atténuer les conflits entre une mère de gauche et un père de droite. Aujourd'hui, il se trouve dans une situation où il doit concilier l'inconciliable, les impératifs économiques et les exigences de ses électeurs, et il continue dans cette trajectoire. Cette façon d'agir n'est pas forcément la plus mauvaise dans la poudrière où la France se trouve. S'il prenait des décisions rapides, les réactions pourraient l'obliger à se dédire, ce qui serait du plus mauvais effet.» S'agit-il donc de prudence, de recherche du consensus, d'un impérieux besoin de recul pour ne pas confondre vitesse et précipitation? C'est l'analyse de Jean-Claude Liaudet (4), pour qui son attitude consiste à trouver les solutions en menant la réflexion avec tous les acteurs sociaux, en consultant avant de décider. «Sa soi-disant indécision est peut-être pure interprétation de ses opposants à partir de maladresses de communication.» Tel n'est pas le ressenti de Jean-Pierre Winter, pour qui cette stratégie du compromis a sans doute été efficace lorsqu'il dirigeait le Parti socialiste et devait concilier ses diverses tendances, mais s'applique plus difficilement à la direction d'un État. «Diriger un pays n'est pas diriger un parti. Si le chef de l'État se doit d'être consensuel, il lui faut néanmoins prendre des décisions et agir. Et l'indécision, qu'en termes analytiques j'appelle inhibition, me semble une erreur de stratégie.»

Quoi qu'il en soit, pareille approche attentiste s'inscrit-elle en adéquation avec les attentes des Français? Sont-ils en quête d'un décideur ou d'un conciliateur? Une question qui se pose au vu de le chute de la cote de confiance du Président dans les sondages de popularité. Selon Jean-Claude Liaudet, c'est une réaction caractéristique des Français qui, «en temps de crise, en appellent de manière un peu infantile à un homme qui décide et tranche pour eux». Pour Jean-Pierre Friedman, si la période requiert un conciliateur qui évite de mettre le feu aux poudres, point trop n'en faut. «Les Français répugnent aux décisions brutales, mais s'ils ont le sentiment que le capitaine ne dirige pas le bateau, cela ne fonctionne pas non plus. Actuellement, l'attitude de François Hollande peut être considérée comme de la prudence et de la diplomatie, mais à trop durer, cela peut passer pour de l'impuissance.»Le psychiatre René Major (5) va plus loin encore. «Une décision, c'est l'interruption d'une réflexion. Celui qui a du mal à prendre des décisions continue de réfléchir. Il se donne du temps pour mieux anticiper. Or, les derniers atermoiements sur les mesures prises suscitent un doute sur la réalité même de cette réflexion. Ainsi, le débat sur le mariage des homosexuels, ouvrant droit à l'adoption pour ces nouveaux couples maritaux, montre le peu d'analyse et d'anticipation sur le sujet.» Et l'absence d'une conciliation préalable...

(1) Sortir de l'indécision, d'Isabelle Falardeau, Ed. Fabert.

(2) Les Hommes politiques sur le divan, de Jean-Pierre Winter, Ed. Calmann-Lévy.

(3) Du pouvoir et des hommes, de Jean-Pierre Friedman, Ed. Michalon.

(4) La Névrose française, de Jean-Claude Liaudet, Ed. Odile Jacob.

(5) L'Homme sans particularités, de René Major, Ed. Circé

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