Israel : vers un renouveau orthodoxe ?
Le 22 janvier 2013 auront lieu les élections législatives en Israël. Si l’actuel premier ministre Binyamin Netanyahou est le grand favori, le système de scrutin en Israël, proportionnel à une seule circonscription, qui constitue tout le pays, fait que les coalitions pour former un gouvernement sont toujours nécessaires car aucun parti ne réunit une majorité absolue à lui seul. Une trentaine de partis sont en lice, parmi eux, un nouveau parti tenu par un rabbin orthodoxe, mais qui entend bien faire une petite révolution.
Israël connaît de multiples partis qui se composent et se recomposent depuis de nombreuses années. Certains se définissent principalement en fonction de l’économie, d’autres en fonction de leur position de politique extérieure, d’autres en fonction de leur position quant au judaïsme ou à la laïcité. Il va de soi que, de plus en plus, tous les partis doivent donner leur avis sur toutes ces questions. Deux partis représentent depuis plusieurs années l’orthodoxie juive : le plus gros est Shass, un parti qui se définit comme orthodoxe et sépharade, le second est Yaadout Hatorah (Judaïsme de la Torah), qui se définit comme orthodoxe et ashkénaze. Ce sont des partis qui défendent une vision orthodoxe du monde et de l’Etat hébreu, ils défendent des positions le plus souvent liées à leurs conceptions religieuses. Chacun entend défendre plus ou moins sa communauté, même si, en particulier pour Shass, ils cherchent aussi à l’élargir.
Shass est un parti relativement important, crédité de 12 sièges selon les sondages, sur 120. A titre de comparaison, le Likoud Beitenou, la liste avec à sa tête le premier ministre Binyamin Netanyahou, est créditée d’environ 35 sièges. Eli Ishaï, du parti Shass, est actuellement ministre de l’intérieur. Shass cherche traditionnellement à réunir les orthodoxes d’origine sépharade et plus largement les traditionalistes sépharades. Récemment, les propos de certains leaders du parti sur les ashkénazes et les immigrés d’ancienne Union soviétique, ont fait scandale. Mais, bien que plus gros parti orthodoxe d’Israël, la philosophie du Shass a subi historiquement l’influence de l’orthodoxie ashkénaze lituanienne. C’est au sein d’écoles religieuses ashkénazes que ses leaders, avant la création du Shass, ont été instruits. Si bien que l’antisionisme de la philosophie orthodoxe ashkénaze lituanienne, qui s’est traduite historiquement par le parti Agoudat Israël, dont Yaadout Hatorah est l’héritier, se fait encore sentir. Shass entretient depuis plusieurs années une position ambigüe quant au sionisme, qui se traduit notamment par le refus de porter le fardeau national : l’armée. C’est cette position ambiguë qu’on peut nommer a-sioniste : ni tout à fait sioniste, ni tout à fait antisioniste.
Mais c’est cette position et l’influence de l’orthodoxie ashkénaze antisioniste que le rabbin Haïm Amsellem, ancien membre de Shass, a contesté publiquement depuis 2010. Car il est difficile d’assumer au quotidien une position a-sioniste ambiguë lorsqu’il faut prendre des décisions concrètes. En cherchant à faire réformer leurs enfants de l’armée pour les faire étudier en écoles religieuses (yeshivots), en partie payées par l’Etat, alors que la population laïque a l’obligation de faire l’armée, Shass s’ancrait alors plus profondément dans l’antisionisme. En 2010, suite à sa brouille et à ses propos contestataires, le rabbin Haïm Amsellem a été exclu du parti Shass. Il a créé à présent son propre parti appelé Am Shalem (Peuple entier) qui entend dépasser cette ghettoïsation ultra-orthodoxe et sépharade. S’il existe depuis les débuts du sionisme un mouvement sioniste religieux, la position d’Amsellem relève d’une nouvelle forme : une rébellion à l’intérieur du monde ultra-orthodoxe sépharade.
Le changement orthodoxe en Israël viendra-t-il d’un rabbin orthodoxe lui-même? S’il n’est encore que relativement peu connu et crédité que de 2 sièges aux prochaines élections, nul doute qu’il a créé déjà une mini-révolution.
par Misha Uzan