Israel : Les ultraorthodoxes mis sur la touche
Serge Ronen
Nouveau gouvernement israélien • S’il n’y a aucune anicroche de dernière heure, Benyamin Netanyahou devrait mettre incessamment la dernière main à la formation de son nouveau gouvernement. Au terme d’une négociation marathon, Benyamin Netanyahou, flanqué d’Avigdor Lieberman, s’est entretenu hier après midi avec ses nouveaux partenaires: Yair Lapid et Naftali Bennett. Une discussion âpre et mouvementée qui aura sans doute pour résultat de modifier en profondeur la carte sociopolitique du pays. Une discussion qui a néanmoins mis au jour quelques écueils sur la voie d’une nouvelle coalition gouvernementale.
En tout cas, pour la première fois depuis des lustres, les ultraorthodoxes seront absents des postes de commande. Loin du pouvoir, ils siégeront sur les bancs de l’opposition. Ils devront céder les Ministères de l’intérieur et des affaires religieuses. Le ministère de l’interieur était une chasse gardée du parti séfarade Shas. Il y puisait à la fois son influence sur les collectivités locales et les municipalités en raison des subsides distribués par l’Etat et avait aussi la haute main sur l’état civil. Absents des instances gouvernementales, les ultraorthodoxes risquent de perdre une partie de leur électorat. Au parti ashkénaze «Unité de la Thora», comme dans les rangs de Shas, on fait grise mine. En revanche chez les laïcs des formations centristes, on exulte. On parle de «révolution culturelle», mais aussi de «tournant dans l’histoire de l’Etat d’Israël».
Les quatre formations du marais centriste – centre droit et centre gauche réunis – ont eu raison des atermoiements de Netanyahou; elles l’ont obligé à se séparer des ultraorthodoxes, à briser le lien «historique» entre le Likoud et les deux partis ultrareligieux. Il est vrai que dans la nouvelle Assemblée les centristes représentent un bloc de 39 parlementaires sur 120, alors que le Likoud ne compte que 31 députés. Les centristes sont les réels gagnants de la dernière consultation électorale. Ils ont fait campagne non pas sur les problèmes de grande politique comme le problème palestinien, mais sur des questions de société, comme la conscription des étudiants des instituts talmudiques… Ils réclament l’égalité des devoirs pour tous et la fin des privilèges dont jouissaient les ultraorthodoxes.
Yair Lapid, leader de la plus importante formation centriste Yech Atid – Il y a de l’Avenir – visait le poste de chef de la diplomatie israélienne. Il se contentera des finances. Naftali Bennett, leader de la formation du centre droit Maison juive – nombre de commentateurs la situent pourtant à l’extrême droite – recevra un super Ministère du commerce et de l’industrie. Porte-parole du centre gauche, Tzipi Livni, quant à elle, se verra confier le Ministère de la justice… Elle espère encore pouvoir conduire la délégation israélienne qui négociera avec les dirigeants de l’Autorité palestinienne. Rien n’est moins sûr: Naftali Bennett veille au grain. Il se dit opposé au démantèlement des blocs de colonies israéliennes de Cisjordanie. Cependant il n’exclut pas un partage territorial qui réduirait le futur Etat de Palestine à la dimension d’un Etat croupion.
La seule question qui reste en suspens est de savoir si le Ministère de l’éducation nationale retournera dans le giron du Likoud ou passera entre les mains d’une formation centriste. Les centristes veulent en effet limiter l’éducation religieuse au profit des matières civiles. Quoi qu’il en soit, il ne reste plus que quelques jours a Netanyahou pour boucler les négociations. Il espère être en mesure d’annoncer la formation de son nouveau gouvernement dans les heures qui viennent...