La Shoah ou l’Armée du Silence
Par
Thérèse Zrihen-Dvir
Chaque année, après les fêtes de la libération du peuple juif de l’esclavage, à quelques jours à peine des liesses glorifiant l’Eternel, Moise, les Tables de la Loi et la Liberté, le jour de la commémoration de la Shoah nous précipite un peu trop rapidement à notre triste réalité : Nous sommes encore et toujours les prisonniers de l’absurde.
Les guerres, les haines, les fausses accusations nées d’un dégoût simple de l’autre, ou d’un fossé créé par l’incompréhension et la méchanceté panachée d’un manque de compassion, nous propulse vers ces vents trop familiers de l’agonie lente et pénible de l’Armée du Silence.
Il existe des soldats et des armées qui mènent fièrement leurs combats sous plusieurs drapeaux et emblèmes. Ceux de la Shoah n’avaient que ceux de la survie dans les conditions les plus inhumaines. C’était le réveil brutal à la violence, aux travaux forcés, à la faim, à la maladie, à l’humiliation douloureuse physique et morale, à la perte de conscience quand le bourreau n’en avait même pas un brin.
C’est à ces matins là que je pense lorsque je regarde ce défilé décharné de spectres humains qui n’avaient plus rien d’humain. Cadavres ambulants qui luttaient pour conserver un tant soit peu de vie, de souffle, de force pour se lever et crier d’une voix éteinte « Je vis encore… ».
« Oui, je vis encore et je veux encore vivre… vous m'avez arraché tant de ligaments, mais vous ne réussirez jamais à éteindre en moi ma soif d’être, ma soif d’aimer la vie et celle de croire à un meilleur lendemain… ».
Car l’armée du silence est celle de la persévérance, de la foi, de la justice et elle ne s’éteindra jamais comme cette flamme qui nous anime avec le premier souffle de la vie.
Nous allumerons demain ces petites étoiles électriques sur nos toits pour hurler aux sourds que nous n’oublierons jamais l’affront qui fut infligé à ces âmes mortes dans le silence et le noir hideux de l’inhumanité. Que ces morts sur un champ de bataille bien insolite paraderont sous nos yeux pour nous rappeler que même la mort n’a pas réussi à les vaincre. Ils ont gagné leur éternité dans la douleur et dans l’accusation de leur meurtre.
L’allemand criminel n’est plus… il a depuis longtemps été substitué par d’autres qui s’évertuent avec un sourire sarcastique au coin des lèvres, à réanimer les braises du mal que l’on croyait vacillantes ou éteintes.
Mais nous sommes tous l’armée du Silence… celle qui aura toujours le dernier mot dans le combat pour la vie.
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