Dégoûtant et répugnant (info # 010905/13) [Analyse]
Par Sandra Ores © Metula News Agency
Le 25 avril dernier, le site Internet d’information Atlantico dévoile une vidéo montrant un affichage singulier dans les locaux du Syndicat de la magistrature. Il s’agit d’un "mur des cons", principalement composé de portraits d’hommes politiques, d’intellectuels ou encore de journalistes français. Au palmarès, entre autres : Jean-François Copé, Jacques Attali, Béatrice Schoenberg. A la photo de certains sont également accolées des mentions du type "l’homme de Vichy", pour l’ex-ministre UMP Brice Hortefeux, ou "le fossoyeur du 92", pour le magistrat Philippe Courroye.
Cette vidéo a été prise à l’aide d’un IPhone, le 5 avril, par le chroniqueur juridique de France 3, Clément Weil-Raynal. Le journaliste, à qui la présidente du Syndicat de la magistrature (SM) avait expressément demandé de ne pas filmer ce pan de mur.
Le journaliste affirme ne pas avoir directement transmis la vidéo à Atlantico mais à un magistrat. Atlantico est un site qui se targue d’apporter "un nouveau vent sur l’info", et dont la ligne éditoriale est politiquement marquée à droite.
Pour Le Monde, c’est Gilles-William Goldnadel, le président de l’Association France-Israël, également chroniqueur régulier d’Atlantico, qui aurait diffusé la vidéo prise par le journaliste de France 3.
Lequel Weil-Raynal affirme qu’il a proposé à France 3 d’en faire un sujet ; il rapporte que sa rédaction lui a toutefois répondu qu’il ne s’agissait pas d’un sujet nécessitant une couverture à l’antenne.
Ce refus d’antenne ainsi que le prétexte avancé par la rédaction afin d’envoyer le reportage à la corbeille ont de quoi inquiéter ; on s’en convainc en relevant les centaines de réactions outrées parmi l’intelligentsia française : à l’instar de l’éditorialiste Philippe Tesson, qui, sur France 24, définit le procédé du mur des cons du SM comme "dégoûtant" et "répugnant". L’ex-ministre UMP Nadine Morano, pour sa part, demande la dissolution du Syndicat de la magistrature.
Dans la presse, le débat tourne également autour de l’ontologie du dévoilement de ces images par le journaliste, autant que sur l’existence du fameux "mur des cons".
L’essentiel de la polémique, particulièrement dans les media de gauche, aborde la question du comportement professionnel de Weil-Raynal. Le fait de savoir s’il aurait dû diffuser ces images discréditant la justice française, et s’il a commis une faute vis-à-vis de sa hiérarchie en ne les lui proposant pas en exclusivité avant de les remettre à un tiers.
Dans cette affaire, les syndicats de journalistes français, le SNJ (Syndicat National des Journalistes)-CGT et le SNJ de France Télévisions, ne se rangent pas du côté de leur confrère mais de celui du Syndicat de la magistrature. La SNJ-CGT accusant même Weil-Raynal de "vol d’images" au lieu de soutenir sa démarche journalistique consistant à avoir révélé une information touchant indubitablement à l’intérêt du public de savoir.
Les syndicats de journalistes ne s’insurgent pas non plus contre le fait que des professionnels de leur branche étaient épinglés sur ledit "mur des cons", à l’instar de David Pujadas ou d’Etienne Mougeotte.
Quelles explications peut-on fournir quant à ce comportement surprenant et illogique de la part des journalistes syndiqués ? A la Ména, nous en voyons deux.
Premièrement, l’existence d’une connivence idéologique, de gauche, voire d’extrême gauche, entre les syndicats de journalistes de France Télévisions et le Syndicat de la magistrature.
Au sein de France 3, "l’ambiance est particulièrement politisée", nous rapporte une journaliste de France Télévisions sous le couvert de l’anonymat. "Très socialiste, tendance Besancenot, voire Mélenchon", explique-t-elle, poursuivant : "si on ne pense pas dans le moule, il faut sans cesse se battre pour exprimer ses idées".
Quant au Syndicat de la magistrature, il affiche lui aussi traditionnellement des idées de gauche, depuis sa création en juin 1968. Ce syndicat fédère le tiers des magistrats français.
Les journalistes de la télévision publique et les juges syndiqués se trouvent ainsi liés idéologiquement. Dangereux amalgame, périlleux mélange des genres s’exprimant dans une dynamique de clique, au détriment de la société et des adversaires politiques.
Témoin la chasse aux sorcières lancée contre Clément Weil-Raynal, qui ne se limite pas uniquement à la lutte pour la préservation des acquis d’une classe de gauche intouchable ; l’attaque en règle visant le chroniqueur juridique serait aussi teintée d’un antisémitisme sournois cultivé par cette "classe", à en croire notre informatrice qui côtoie ce microcosme quotidiennement et depuis de longues années.
"L’antisémitisme antijuif n’est guère absent des couloirs de France Télévisions. A titre d’exemple, dans le traitement du conflit israélo-palestinien, la ligne éditoriale est toute tracée, et nombre de journalistes refusent catégoriquement de qualifier Jérusalem de capitale d’Israël", rapporte la même source journalistique.
Elle ajoute, décrivant l’ambiance dans les cours de justice : "les dossiers pour plaintes contre les actes antijuifs se retrouvent régulièrement en-dessous de la pile à traiter ; les demandeurs doivent chaque fois insister lourdement pour que leur plainte soit jugée recevable".
Journalistes antisionistes, magistrats, même combat ? L’attitude des syndicats de France Télévisions relativement à la découverte du "mur des cons" oblige à y réfléchir.
L’autre raison, c’est qu’à France 3, Clément Weil-Raynal se trouve dans le collimateur depuis un certain temps déjà. Parce qu’il n’appartient pas au schéma de la bienpensance ; parce qu’il s’était opposé au corps journalistique français, lorsqu’il avait mis en doute la parole de Charles Enderlin en adhérant à la thèse de la Ména dans l’affaire Dura, la Controverse de Netzarim.
Selon l’enquête de la Ména, le reportage commenté par le correspondant de France 2, Charles Enderlin, constituait une mise en scène, et l’enfant présenté comme mort n’a pas été tué le 30 septembre 2000 au carrefour de Nétzarim. Dans cette affaire, l’ensemble de la presse française soutient Enderlin, sans avoir jamais remis en cause ses déclarations contradictoires, en dépit des nombreuses preuves irréfutables de l’imposture présentées par la Metula News Agency.
L’obligation d’adhérer publiquement à l’accusation fallacieuse de meurtre rituel portée par Enderlin-Fr2 contre l’Etat d’Israël est devenue une condition sine qua none pour qui entend faire carrière dans un media tricolore main stream ; un examen de passage. Or Weil-Raynal en récuse les fondements de façon active.
Le système de la bienpensance des journalistes a parfois trouvé son écho jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. Au cours du procès ayant opposé France 2 et Charles Enderlin à Philippe Karsenty, accusé d’avoir cité les conclusions de la Ména sur son site Internet Media-Ratings sans les avoir suffisamment vérifiées, le président Jacques Chirac et Bertrand Delanoë avaient fait parvenir des lettres de soutien à Charles Enderlin, louant sa probité. Des lettres que le juge avait accepté de laisser lire à l’audience. Le même juge et ses assesseurs, qui avaient ensuite condamné Karsenty, allant à l’encontre du réquisitoire du parquet qui réclamait sa relaxe.
Il est vrai qu’en France on n’a jamais bien compris la nécessité démocratique de la séparation des pouvoirs. Certains des magistrats ayant prononcé ce jugement font-ils partie du Syndicat de la magistrature ? Voilà une question qu’il faudra désormais se poser chaque fois qu’une décision sera rendue. En une question, l’on vient de résumer le malaise réel occasionné par la découverte du "mur des cons", interrogation que la rédaction de FR 3 ne considère pas suffisamment importante pour justifier de quelques secondes d’antenne.
Il se dit également, dans les prétoires du Palais de justice de Paris, que le procureur était juive. Voici de quoi accentuer mon dérangement personnel.
Clément Weil-Raynal est intimement mêlé aux procès Dura, car il avait interviewé, dans le journal communautaire Actualité Juive, le chirurgien Yehuda David. Le médecin israélien, retrouvé par la Ména au terme d’une enquête de trois ans, avait opéré en 1994 Jamal Dura, le père supposé de l’enfant donné pour mort par Enderlin-France 2. Jamal Dura affirmait que les cicatrices qu’il porte datent de l’incident survenu au carrefour de Netzarim le 30 septembre 2000, ce que contredit catégoriquement le chirurgien, de même que tous les spécialistes ayant analysé les cicatrices.
France 3, qui menace Weil-Raynal de mesures disciplinaires, de même que les syndicats, tentent désormais de régler leurs comptes avec leur confrère indiscipliné.
Ce dernier a toutefois commis quelques erreurs dans sa gestion de la vidéo du "mur des cons", des inattentions qui donnent maintenant du blé à moudre à ses détracteurs.
Ainsi, ce n’est pas avec son téléphone personnel qu’il a filmé le "mur", mais avec l’appareil fourni et payé par France 3. De retour à sa chaîne après le reportage, il ne parle pas à sa rédaction de la vidéo qu’il vient de tourner.
Prévoyait-il que son employeur allait protéger le Syndicat de la magistrature et lui refuserait le sujet, comme cela s’est avéré par la suite ? Weil-Raynal craignait-il que France 3 lui intime l’ordre de ne faire aucun usage des images qu’il avait prises avec son matériel ?
Le dilemme existe quelque part et il est pertinent : d’une part, la preuve de l’existence inadmissible du mur et la nécessité de diffuser les images, de l’autre, l’exclusivité vis-à-vis de son employeur, à laquelle un journaliste est tenu.
Entre les deux obligations, et en considération de la menace pour la démocratie constituée par la vitrine de portraits affichés au siège du SM, et des légendes qui les accompagnent, j’aurais sans doute agi de la manière qu’a choisie Clément. Je crois que tout journaliste digne de ce nom en aurait fait autant.
Dans notre démarche, l’on ne s’adresse pas, au fond, aux membres d’un syndicat ni même à son rédacteur en chef, mais notre objectif professionnel suprême consiste à servir le public en l’informant. Particulièrement lorsqu’il s’agit de faits exceptionnellement graves qui sont menacés d’occultation. Dans un cas comme celui-ci, la réponse se trouve dans la nuance et la déontologie.
Dans sa démarche, Weil-Raynal avait lourdement insisté afin de réaliser personnellement le sujet pour France 3. Cela attira l’attention de ses confrères, qui, en regardant de plus près la vidéo diffusée sur Atlantico reconnurent dans un reflet les visages du caméraman et du preneur de son qui l’accompagnaient ; les deux s’empressèrent de témoigner de ce que Clément Weil-Raynal est l’auteur de la vidéo passée anonymement sur le site d’information.
Sur ce coup Clément s’est enfoncé, en niant à sa rédaction être l’auteur des images, pour, quelques jours plus tard, affirmer le contraire, mais cette fois à l’occasion d’un article paru sur Atlantico.
Le SNJ-CGT, soutenu par le SNJ, l’accuse aujourd’hui de vol d’images. Pourtant, des émissions de caméra cachée, s’apparentant à la démarche de Weil-Raynal, sont diffusées sur France Télévisons, telle "Les Infiltrés", présentée par Marie Drucker sur France 2. Les syndicats des journalistes lui reprochent ainsi une pratique qu’ils acceptent par ailleurs.
Weil-Raynal risque une mise à pied pour faute grave, de la part de son employeur. France 3, comme France 2, Arte, France 24, TV5, la 3, la 4, etc. sont des chaînes appartenant toutes à l’Etat. Mis à la porte de France 3, dans ce système politico-médiatique interdépendant en vigueur dans l’Hexagone, le journaliste aurait du mal à se faire embaucher par une autre chaîne, qu’elle soit, d’ailleurs, publique ou privée. Par peur pour la suite de leur carrière de la part des responsables d’antennes, et par crainte des syndicats très présents.
La pression est donc lourde sur Clément Weil-Raynal. Pour avoir révélé au public un éclairage sur une pratique obscure au sein du deuxième plus grand syndicat de magistrats français. Pour avoir généré un scandale à la hauteur de la bêtise du "mur des cons". Et dire que ce sont ces gens qui vous jugent !