Salonique, épicentre de la destruction des Juifs de Grèce (mars-août 1943)
par Laurence Abensur-Hazan
Tel un séisme, la déportation des Juifs de la ville grecque de Thessalonique - toujours couramment désignée sous le nom "Salonique" - il y a 70 ans marqua la fin d'une communauté humaine florissante. C'est à cette page tragique et encore trop méconnue de l'histoire européenne que le Mémorial de la Shoah consacre sa nouvelle exposition inaugurée le 1er décembre.
Ce n'est pas un hasard si Salonique fut surnommée la "Jérusalem des Balkans" : 56 000 Juifs y vivaient avant la Seconde Guerre mondiale, représentant 70 % de la population juive du pays.
Déjà présents en Grèce 400 ans avant Jésus-Christ, les Juifs s'installèrent massivement à Salonique à partir du 15e siècle lorsque la ville était sous domination ottomane. Fuyant les ravages de l'Inquisition espagnole, les Juifs originaires de la péninsule ibérique y furent accueillis à bras ouverts par le sultan Bajazet II, comme dans le reste de l'Empire ottoman.
Rien d'étonnant donc à ce que certains documents présentés dans cette exposition soient rédigés en judéo-espagnol (forme d'espagnol médiéval auquel ont été ajoutés au fil des siècles des mots issus d'autres langues, notamment le grec et l'italien en ce qui concerne les Juifs de Salonique), langue qui reflète les pérégrinations des ancêtres des Juifs de Salonique. Afin de s'assurer que les règles imposées par les Allemands aux Juifs saloniciens soient bien comprises par tous, elles étaient même traduites en judéo-espagnol et diffusées par voie d'affiches que cette exposition donne à voir.
Pour montrer au public l'enfer que vécurent les Juifs de Salonique, le Mémorial de la Shoah s'est attardé sur la période allant de mars à août 1943, durant laquelle plus de 43 000 personnes furent déportées.
Il révèle également l'enfer quotidien qui se mit en place avant même cette période, dès le 9 avril 1941, jour où les Allemands entrèrent à Salonique.
Deux dates resteront gravées dans les mémoires familiales : celle du "Shabbat noir" du samedi 11 juillet 1942, lorsque les Allemands obligèrent les hommes juifs de la ville à faire longuement de la gymnastique en plein soleil, en leur interdisant de se couvrir la tête et de s'asseoir. Les Nazis choisirent, non sans machiavélisme, de les parquer pour cela sur la place de la Liberté, devenue aujourd'hui lieu de mémoire. Le 15 mars 1943 marqua, lui, le départ pour Auschwitz du premier convoi de Juifs saloniciens dont 78 % seront massacrés à leur arrivée.
C'est l'assassinat méthodique des membres d'une communauté qui contribua largement à la vie économique, sociale et culturelle de la ville, mais aussi la destruction de son histoire qui sont donnés à voir dans cette exposition : la quasi totalité des synagogues fut détruite, tout comme le cimetière vieux de plusieurs siècles. Les pierres tombales furent utilisées pour construire des bâtiments, dont l'Université. Il arrive de nos jours encore que l'on découvre ici et là dans la ville des fragments de pierres portant des inscriptions hébraïques... preuve que l'histoire des Juifs de Salonique est un sujet d'actualité.
Salonique, épicentre de la destruction des Juifs de Grèce (mars-août 1943), exposition du 1er décembre 2013 au 16 mars 2014. Entrée libre.
Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l’Asnier, 75004 Paris, tél. 01.42.77.44.72, courriel :contact@memorialdelashoah.org - Site web : www.memorialdelashoah.org
Ouvert tous les jours, sauf le samedi, de 10h à 18h, et le jeudi jusqu'à 22h.