Les Arabes vus par un Japonais
Ayant passé quarante années de sa vie "à voyager dans les capitales arabes, les campagnes et villages (...) et à suivre et traduire la littérature arabe", Nobuaki Notohara offre un témoignage intéressant sur le monde arabe, dans son livre "Les Arabes, un point de vue japonais".
Nobuaki Notohara est un écrivain japonais. Il a étudié la littérature arabe au Japon, et a contribué à la promotion de la culture arabe au pays du soleil levant.
Parmi les principaux problèmes dont souffre le monde arabe figure, selon l'auteur, l'honneur. Et de citer l'exemple d'un conflit qui a eu lieu, devant lui, entre deux membres d'une même famille, et qui a abouti à une longue période de froid entre les deux, chacun refusant de s'excuser, "car chacun estimait son honneur bafoué". La notion d’honneur est certes universelle mais dans le cas des pays arabes, elle relève également, lorsqu’elle est exacerbée, de la survivance de la mentalité tribale.
L'oppression, une spécificité
"L’oppression est la seule chose qui n’a pas besoin d’être prouvée dans les pays arabes", écrit l'auteur. "La première chose que j'ai découverte dans les sociétés arabes, écrit-il, est l'absence de justice sociale". Ce qui conduit, selon lui, à l'irresponsabilité.
"Les habitants arabes saccagent les parcs, les rues, les fontaines publiques d’eau potable, les moyens de transport public, estimant qu’ils détruisent la propriété du gouvernement, et non la leur".
L'absence de solidarité, corollaire de l'irresponsabilité, est également pointée du doigt: "La responsabilité face aux prisonniers politiques qui se sont sacrifiés pour la société est insuffisante; la société elle-même a abandonné ces êtres courageux. Les gens dans les pays arabes considèrent le problème des prisonniers politiques comme exclusif aux familles des prisonniers".
L'auteur oppose l'irresponsabilité dans le monde arabe à la responsabilité des Japonais. Il raconte l'histoire de l'un de ses amis arabes qui, en voyage au Japon, rentrait à son hôtel à une heure tardive. En marchant dans la rue, il s'étonne de retrouver un ouvrier travaillant, seul, sans contrôle aucun, et en parle à l'auteur du livre.
Corruption, irresponsabilité
Nobuaki Notohara parle, également, de la corruption régnant dans les pays arabes. Et de relater une expérience qu'il a eue, à l'aéroport de … Rabat: "un employé de l'aéroport m'a demandé 100 dirhams, que je lui ai donnés, croyant qu'il s'agissait d'un taxe d'entrée au territoire marocain. Mais peu après, j'ai vu un autre employé venir vers le premier et le réprimander, laissant entendre qu'il m'a volé (...) mais aucun des deux ne m'a rendu les 100 dirhams"
"La notion de gouvernance s'articule de la sorte chez nous: tout citoyen a une mission, grande ou petite. Le dirigeant a une mission plus grande, et des possibilités limitées. Les gens ont confiance en lui, mais il est naturel que (...) ses points faibles se révèlent durant l'exercice du pouvoir. (...) Nous ne reprochons pas à ceux qui échouent d'avoir échoué, lorsqu'ils fournissent tous leurs efforts (...) mais nous les remplaçons et leur demandons de rendre des comptes, si a négligence est la cause de leur échec".
Comment le Japon a évolué
L'auteur explique l'évolution du Japon par le fait d'avoir "admis nos erreurs et avons décidé d’y remédier", au sortir de la seconde guerre mondiale, poursuivant: "Nous avons expulsé les militaires et entrepris de reconstruire ce qui avait été détruit par l’oppression militaire. Nous avons appris que l’oppression conduit à la destruction des ressources nationales et au meurtre d’innocents".
Et, répondant à ses amis, qui lui demandent: "Les Etats-Unis vous ont détruit en larguant deux bombes atomiques sur vos villes. Pourquoi ne haïssez-vous pas l’Amérique ?" Il dit : "Nous devons reconnaître nos erreurs. Nous étions impérialistes. Nous avons conquis des peuples et détruit plusieurs pays. (...) Nous devons procéder à notre autocritique afin de rectifier nos erreurs. Quant aux sentiments, ils sont l’affaire personnelle de chacun et ne contribuent pas à la construction de l’avenir."
MISE A JOUR : Certains de nos lecteurs nous ont signalé que nous ne recensons que les points négatifs relevés par l'auteur du livre "Les Arabes, un point de vue japonais". Nous publions donc une partie de ce que l'auteur a écrit de positif.
Parmi les choses qui ont le plus marqué l'auteur, la campagne arabe, "qui diffère totalement de celle du Japon ou d'Europe". Il dira aussi qu'il "n'y est pas allé en quête d'exotisme, mais en quête de sens". Cette expérience lui a permis de "découvrir, très tôt, le degré d'occultation exercé par les médias occidentaux", et les "clichés orientalistes, ou les stéréotypes anti-arabes présentés par le cinéma".
L'auteur louera, longuement, l'accueil chaleureux qui lui a été réservé par ses hôtes arabes. Il reviendra à maintes fois sur le sujet, et consacrera deux paragraphes à la générosité arabe.
Le livre de Notohara a également traité de la question palestinienne. L'auteur raconte qu'il a aperçu, à Yarmouk "une maison dont le plafond est fait de matériaux légers. (...) Cela m'a étonné. J'ai donc posé la question au propriétaire, qui m'a répondu "Nous n'habitons ici que temporairement. Tot ou tard, nous retournerons chez nous. Si nous installons un véritable plafond ici, cela veut dire que nous abandonnons l'idée du retour". L'auteur estime que toute l'humanité est responsable de ce qui se passe en Palestine, car s'il y a "des crimes auxquels nous n'avons pas participé, nous devons tous en assumer la responsabilité. (...)"
Concernant son engagement pour la promotion de la culture arabe, il dit: "Dois-je prouver, par un discours sentimental, mon amour pour la culture arabe? J'y ai consacré la totalité de ma vie. (...) C'est, à mon sens, la plus grande preuve d'amour".
L'auteur a aussi révélé que s'il a écrit son livre en arabe, c'est pour "engager le lecteur arabe dans le débat. (...) J'espère que ma modeste contribution permettra (aux pays arabes) de s'acheminer vers un avenir meilleur".
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