KAN YA MA KAN
Extrait de l'ouvrage :
''Le harraz, cerbère dans l'imaginaire marocain''
Fouad Guessous
KAN YA MA KAN
de A Batouli
chanté par Abdelwahab Doukkali
traduction Fouad Guessous
Jadis, naguère, il y'a bien longtemps,
Les vieux racontaient aux adolescents,
A l'heure ou sommeil se fait pressant,
Une histoire que narrait naguère
Un conteur aveugle légendaire.
Son histoire par ces mots débutant:
''Jadis, naguère, il y'a bien longtemps'',
Ma belle et moi vivions en amoureux,
Gardant les troupeaux nous étions heureux.
Et sur cette colline verdoyante,
Nos nuits étaient des veillées exaltantes.
Nous chantions nous rêvions délassés,
Et le matin nous sortions enlacés,
Cueillant récoltes et dons des buissons,
Rêvant dans les clos et sur les moissons,
De notre union et de nos descendants.
C'était notre rêve le plus ardent,
''Jadis, naguère, il y'a bien longtemps''
Un soir le fils de l'édile local,
Alors qu'il se promenait a cheval,
Perçut ma belle au bord de la rivière,
L'enleva puis s'en alla sans manière,
M'abandonnant pleurant et gémissant.
Mon chagrin mon dépit allaient croissant,
Mon cœur s'enflamma la nuit des noces:
Déflorée, le sang coula,c'est atroce!
''Jadis, naguère, il y'a bien longtemps''
Et avant que le jour ne se lève,
Les premières lueurs s'élèvent.
Je gagnais le palais, j'étais décidé
De reprendre ma mie, nous évader.
Mais la muraille était si haute
Que mon malheureux cheval capote.
Tous et toutes avaient suivi cette scène,
Et notre secret alors s'égrène.
Le soir même se réunit le clan,
La nuit même fut arrêté un plan:
Le verdict est décidé sans tarder,
Car nous serons tous les deux lapidés.
Sentence exécutée le lendemain,
Enlacés et la nuit. main dans la main,
Leurs yeux en pleurs de larmes imbus,
De la passion ils payèrent le lourd tribut.
Pleurèrent tous les amants du monde
Ce couple enseveli au bord des ondes.
Quelques jours plus tard au bord de la tombe,
S'éleva un arbre aux branches en grand nombre,
Branches enlacées et faisant de l'ombre
Aux amants enfouis sous les décombres.
Puis deux roses enlacées poussèrent,
Leur couleur d'un rouge incendiaire,
Déversant la rosée comme des pleurs.
Un oiseau vert les matins de bonne heure,
Nous rendait visite pour chantonner,
Priant le Très Haut de nous pardonner.
Plus tard ,les amants tous les vendredis
Venaient admirer l'arbre, tandis
Qu'ils arrosaient le site d'eau de rose,
Brûlant bougies et pleurs en bonne dose,
Nous couvrant d'un catafalque de soie...
Jadis naguère il était une fois...
Passent les jours, et a chaque instant,
Les vieux racontent aux adolescents,
A l'heure ou sommeil se fait pressant,
Une histoire que narrait naguère
Un conteur aveugle légendaire.
Son histoire par ces mots débutant
Jadis,naguère,il y'a bien longtemps.