Share |

Répondre au commentaire

Haïm Amsalem : le député-rabbin hérétique ?

Par DAVID HOROVITZ 

“Le peuple juif doit être un exemple, pour lui-même, de tolérance, d’acceptation de l’autre, de non-persécution des autres pour leurs croyances.”
 

 

Né en Algérie, Haïm Amsalem, 51 ans, déménage très jeune en France, avant de s'installer en Israël avec sa famille, à l'âge de 11 ans. Sa relation avec Yossef remonte à des décennies, explique-t-il : "J'ai toujours été très proche de lui... Jeune homme, j'ai été testé par lui". Et c'est aussi le Rav Yossef qui lui a délivré son ordination rabbinique. "Mes livres ont rencontré son approbation. J'ai été cité dans ses ouvrages plus d'une fois."

Avant d'entrer à la Knesset, Amsalem avait officié comme rabbin de communauté, dans le sud d'Israël et à Genève. S'il est entré en politique, explique-t-il, c'est pour avoir compris que "seul le monde politique peut permettre de faire changer les choses aujourd'hui, en Israël, même dans le domaine religieux. Le monde rabbinique, malheureusement, a perdu sa capacité d'influence." Il devrait pourtant connaître sur le bout des doigts le parti qui l'a accueilli dans ses rangs. En particulier tous ceux qui siègent de longue date dans l'entourage de Yossef. Alors, pourquoi cette attaque soudaine et indignée à l'égard de la politique du Shas ?

Ce n'est pas aussi simple que cela, rétorque Amsalem. Il pensait qu'en tant que député, comme cela avait été le cas quand il était un rabbin, il aurait toujours "la possibilité d'aller rencontrer le Rav, pour discuter avec lui, lui faire entendre mon opinion et écouter ses avis."
En pratique cependant, selon lui, "le processus de dégradation" a commencé "à partir du moment où je suis entré en politique. Il y avait ceux" - dont, même s'il n'est pas nommé expressément, Yishaï en tête de liste - "qui n'appréciaient pas ce lien personnel entre moi et Harav Ovadia - qui reposait sur une base rabbinique, non pas politique, et qui pouvait l'influencer profondément."

De fait, Amsalem est l'un des deux seuls rabbins ordonnés (avec Nissim Zeev) parmi les 11 députés du Shas. Et sa capacité à interagir avec Yossef à ce niveau, en tant qu'"homme de la Halakha qui a écrit des livres sur la Halakha... constituait apparemment un problème pour certains." Le fossé - d'abord idéologique puis personnel - entre le parlementaire et son parti, note-t-il, s'est creusé très progressivement. Parmi les pommes de discordes, le sujet de la conversion. "Vous ne pouvez pas rester indifférent quand il s'agit de soldats de Tsahal, dont certains risquent leur vie pour nous, dont certains ont donné leur vie pour nous, et qui sont de 'la semence d'Israël' - Zera Israël - c'est-à-dire, d'origine juive."

Alors que le Grand Rabbinat, toujours davantage sous la coupe ultra-orthodoxe, a fixé des normes strictes pour les conversions de tous ces immigrés de l'ex-Union soviétique, de descendance juive patrilinéaire, le conflit est ouvert sur la validité des conversions réalisées dans le cadre de Tsahal. Amsalem, lui, suit "la ligne des grandes autorités rabbiniques qui m'ont précédé" et qui veut que dans ce cadre, les candidats "doivent être traités différemment. Une approche halakhiquement plus indulgente est recommandée, fait-il valoir. "Du sang juif coule dans leurs veines", ajoute-t-il, et ignorer cela, "n'est ni halakhique, ni humain".

Travail à temps plein vs. étude de la Torah

"Dans l'Etat d'Israël, nous avons presque un demi-million de personnes dans ce cas. Ceux qui ont un père ou un grand-père juif. Ils portent des noms juifs, mais ne sont pas juifs, parce que leur mère ne l'est pas. Partout dans le monde juif, il y a des millions de personnes de cette catégorie. Je n'exagère pas. Des millions. Que dois-je faire avec eux ? Devrais-je les repousser, à l'encontre des injonctions du prophète Yehezkiel ? Non, je dois proposer des solutions."

Second sujet qui lui tient à cœur : Amsalem abhorre l'enseignement, et fait part de son insistance pour que les élèves du Talmud Torah du Shas étudient le programme scolaire général aussi bien que la Torah. "Ces études sont non seulement importantes en terme de capacité des élèves à s'assurer un avenir dans les professions d'ordre général", explique-t-il, "mais aussi pour le bien de l'étude de la Torah elle-même : vous devez comprendre les matières de base pour mieux comprendre la Guemara".

Selon lui, certains pilpoulim (textes sujets à discussions) de Guemara - dans Massekhet Shabbat, Massekhet Kil'ayim, Massekhet Erouvin, ou Massekhet Soucca - ne peuvent s'aborder correctement "sans une compréhension plus large."
Ce qui l'amène à la question extrêmement controversée du travail à temps plein contre l'étude à temps plein. "Pour moi, la capacité de gagner sa vie avec honneur est un principe primordial", souligne-t-il. "La Torah ne nous oblige pas à créer une société paupérisée. La Torah exige de nous de créer une société de qualité, qui observe les commandements et étudie la Torah à un niveau élevé." Mais elle ne dispense pas de l'impératif de travailler.

Amsalem vient de rentrer, précise-t-il, d'un voyage aux Etats-Unis, au cours duquel il a délivré un cours de Halacha à un groupe d'industriels. "J'ai été surpris par le niveau de la discussion, un niveau que je ne vois pas en Israël", rapporte-t-il. "De retour ici", observe-t-il avec une provocation calculée, "un Talmid Haham qui étudie dans un bon Kollel, possède un bon niveau. Mais celui qui n'étudie pas dans un Kollel a un niveau très faible. Ce modèle que j'ai rencontré aux Etats-Unis, ce modèle qui a prévalu pendant des générations - quand les Juifs travaillaient pour gagner leur vie tout en maintenant l'étude de la Torah - pourquoi ne peut-il s'appliquer ici" ?

Amsalem sait exactement pourquoi : parce que les dirigeants ultra-orthodoxes ont dévié de cette voie avec insistance au sein de l'Etat moderne d'Israël, via de nombreuses exonérations du service militaire pour leurs jeunes, et en les envoyant en masse étudier. "Vous définissez cela comme "une déviation", fera-t-il remarquer. "Et bien moi aussi. Si cela était resté la norme du seul monde lituanien [orthodoxe], soit, c'est leur position, et je n'interviens pas dans leur monde. Chez eux, ce n'est pas une déviation. C'est leur vision des choses. Mais pour le public séfarade, qui ne souscrit pas à ce point de vue, et où cela crée une société paupérisée, sans composante de travail pour gagner sa vie honnêtement, et bien, il faut y mettre un terme. L'alarme doit être déclenchée."

Répondre

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.
CAPTCHA
Cette question permet de s'assurer que vous êtes un utilisateur humain et non un logiciel automatisé de pollupostage (spam).
Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.

Contenu Correspondant