Les derniers jours de Moïse, par Armand Abécassis
La Pâque pour les Juifs, célèbre la sortie d'Egypte, grâce au Prophète Moïse qui a libéré le peuple hébreu de l'esclavage.
Dans Les derniers jours de Moïse, qui vient de paraître chez Flammarion, Armand Abécassis donne une vision originale du prophète, avant sa mort, dans un singulier combat avec Dieu au cours duquel Moïse tente de le convaincre qu'il ne doit pas mourir, qu'il ne peut pas mourir, après tout ce qu'il a accompli, sa mort résonne comme une injustice criante. Il n'a même pas le droit de voir la terre de Canaan vers laquelle il a pourtant guidé son peuple. Dans un ultime face-à-face avec Dieu, Moïse refuse la mort et dans ce refus, se dévoile toute son humanité à travers sa mortalité. Grâce à des histoires tirées du Midrash, la tradition orale des Juifs, Armand Abécassis dévoile sa vision du médiateur qui est caractérisée par sa finitude, son incomplétude, son humanité même lorsqu'il est le plus grand révolutionnaire de la spiritualité et le porteur des dix Commandements.
Dans ce texte inspiré, métaphysique et romanesque se joue tout le drame de l'homme face à Dieu: Moïse a beau convoquer toutes les puissances alliées, la Terre, la Mer, le Nil, la Montagne, rien n'y fait : la nature ne peut rien faire pour lui. Comme l'explique l'auteur dans la postface « le mosaïsme est une rupture avec le paganisme qui divinise la force naturelle en sa totalité ou dans l'une de ses parties ». Les grands hommes qui plaident sa cause, Adam, et les Patriarches ne parviennent pas non plus à le sauver, ceux qui, dans leur vibrant réquisitoire, lui enseignent que Dieu est amour mais Dieu est aussi justice.
Moïse a accompli son œuvre, mais l'Histoire continue après lui : il n'est qu'un moment de l'Histoire de l'humanité. C'est pourquoi son absence et sa mort sont aussi nécessaires que l'a été son œuvre.
Ce que nous enseigne la mort de Moïse, c'est « qu'il n'est pas le Messie ni pour Israël ni pour l'humanité ». Et ce que nous enseigne ce beau texte d'Armand Abécassis, c'est que Pessah qui est la fête du Prophète Moïse, est toujours l'histoire d'une libération plus que d'une révélation, ou plus exactement la révélation est celle de la libération. De tous les dogmes, de tous les sacrés, de tous les dieux, y compris ceux que l'homme se crée, à travers la divinisation du médiateur. Car c'est bien là que se joue l'essentiel d'après ce texte, et l'avenir d'une religion.
Armand Abécassis, Les derniers jours de Moïse. Flammarion