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La fin des mythes(1ère et 2eme parties)(info # 012011/15)[Analyse]

Par Stéphane Juffa © MetulaNewsAgency

 

Avec Jean Tsadik

 

L’urgence

 

"Nous allons mener un combat, il sera impitoyable", c’est ce qu’avait déclaré le Président Hollande dès vendredi lors de sa visite au Bataclan, peu de temps après la pacification des lieux.

 

Oui mais un combat contre qui ? C’est la grande question qui se posait alors et qui se pose encore. Certes, elle ne se pose pas en ce qui concerne la nécessité absolue d’intervenir contre les djihadistes armés en train d’agresser la population parisienne. A ce propos, on parle effectivement d’une situation de guerre dans laquelle il est indispensable, par tous les moyens disponibles, de neutraliser les terroristes ; ce, d’autant plus que des informations fondées indiquent qu’ils préparent d’autres attaques.

 

Il est intéressant d’observer, sur ce point, un passage de l’interview accordée par le chef du RAID, Jean-Michel Fauvergue, expliquant que, face à la nouvelle forme de terrorisme à laquelle ses hommes sont confrontés, le RAID avait modifié ses méthodes d’intervention, en se servant "de l'expérience de nos amis étrangers et notamment des techniques utilisées en Israël (…)".

 

Les commandos de police effectuent un travail considérable depuis vendredi, rendu particulièrement périlleux à cause de l’absence de temps suffisant pour préparer les interventions, et, partant, du manque d’informations suffisantes en provenance du Renseignement. Pour illustrer ce propos, il faut savoir que, quelques heures avant l’assaut, les Français ignoraient totalement l’éventuelle présence d’Abdelhamid Abaoud dans l’appartement de Saint-Denis.

 

Au Bataclan et à Saint-Denis, les hommes du RAID et de la BRI ont plus fait appel à leur courage et à leurs capacités techniques qu’à une connaissance précise des risques qui les attendaient sur les théâtres d’affrontements. Ils ont notamment eu à gérer des surprises face à la quantité d’armes et de munitions aux mains des adversaires et à leur mode opératoire.

 

 

Pas la guerre au terrorisme, la guerre à l’islam radical

 

Cela, c’est pour l’urgence, et elle ne pose pas problème. Les problèmes et la confusion se situent au niveau de l’appareil politique de l’Etat français ; ils apparaissent de manière criarde dans la description du "combat impitoyable" qu’il y a lieu de mener. Tous les responsables politiques de l’Hexagone, sans exception notable, répètent comme un vinyle rayé qu’ils ont déclaré la "guerre au terrorisme" ; or cette définition est erronée, au point de conduire la France à la poursuite de la politique qu’elle a conduite jusqu’à présent, qui a abouti aux attentats de Paris, et qui, si le gouvernement ne se ressaisit pas, va continuer à exposer la France à de nouvelles agressions en nombre croissant.

 

Parce qu’on ne fait pas la "guerre au terrorisme" mais aux terroristes ; parce que le terrorisme est l’arme, le moyen choisi par l’ennemi pour s’attaquer à la France et à l’Occident, de la même façon que les Rafales constituent l’arme, le moyen choisi par la France afin de frapper DAESH en Syrie.

 

On pourrait alors rectifier le tir, en précisant que Paris fait la guerre à DAESH, mais, contrairement aux apparences que défendent les membres du gouvernement, la "guerre à DAESH" ne constitue pas non plus la solution du problème. Par solution du problème, j’entends : les mesures appropriées pour réduire considérablement le risque d’actions terroristes en France.

 

Ok, les Rafales et les Mirages bombardent Raqqa quotidiennement. Ils s’en prennent à des centres de commandement et à des bases de formation des combattants de cette organisation. Il se peut même que certains de ses commandants, voire des commanditaires des attaques de vendredi, aient été neutralisés, de même qu’il se peut que des élèves terroristes, qui auraient pu prochainement être envoyés en Europe, ainsi que leurs professeurs, aient été mis hors de combat.

 

Il s’agit certes d’une riposte légitime visant l’entité ayant assassiné des Parisiens innocents, mais l’incidence de ces raids sur la sécurité en France est marginale. D’abord, parce que l’Etat Islamique reste debout, et que, faute d’une action déterminée au sol, cela va durer. Ensuite, parce que ces opérations aériennes renforcent évidemment la volonté d’ISIS de répliquer à son tour par de nouvelles agressions dans l’Hexagone, tant qu’il est en mesure de le faire. De répliquer en utilisant des méthodes plus radicales encore que les précédentes, des informations ont abouti sur la table de Manuel Valls lui faisant craindre publiquement l’usage de gaz ou de produits chimiques.

 

Dès lors, quand bien même DAESH serait déraciné de Syrie et d’Irak, et on en est loin, tout indique que cette organisation pourrait continuer d’agir à l’étranger grâce aux nombreuses cellules et aux arsenaux qu’elle y a essaimés.

 

Autorisons-nous un pas de plus dans cette analyse, en imaginant l’hypothèse actuellement peu probable d’une éradication totale de l’Etat Islamique, y compris de toutes ses structures étrangères au Moyen-Orient. La "guerre contre le terrorisme" sera-t-elle gagnée pour autant ? Non, évidemment.

 

 

A tous les islamistes

 

Parce que l’ennemi, ce n’est pas DAESH, DAESH constituant l’une de ses armées uniquement ; l’ennemi, c’est l’islam radical, l’islamisme et, dans une large mesure, le salafisme, que professent des dizaines de millions de musulmans de par le monde.

 

Ces courants disposent de leurs propres réservoirs de partisans et de "soldats". Non seulement ils ne sont pas plus paisibles que le Califat Islamique, ni moins bien dotés en hommes et en moyens, mais ils sévissent déjà, tant au Moyen-Orient qu’en Asie, en Afrique et en Europe. Ils ont signé, rien qu’en 2015, des dizaines d’attentats meurtriers aux quatre coins de la planète et n’ont aucune intention de s’arrêter en si mauvais chemin.   

 

Il y a al-Qaeda, bien sûr, qui rêve de supplanter le Califat Islamique, s’il était fortement diminué, à la tête du djihadisme mondial ; il y a cinq ou six organisations militaires actives rien qu’en Syrie et en Irak, marquées par la même idéologie, certaines comptant jusqu’à 20 000 combattants et des centaines de milliers d’adeptes. On dénombre, de plus, une bonne soixantaine de groupuscules, toujours dans les mêmes contrées, dont certains sont encore plus islamiquement radicaux que l’EI et al-Qaeda, et qui disposent chacun de quelques milliers de miliciens fanatisés. Pour ne rien arranger, cette idéologie – ce mot constitue le chaînon dramatiquement manquant du discours français – peut toujours s’appuyer sur des "loups solitaires", à l’instar de Merah et du tueur de Saint Quentin-Fallavier, imbibés de ces théories et prêts à sacrifier individuellement leur existence au profit du "triomphe de l’islam".

 

Bien pire encore pour l’avenir des peuples civilisés, cette croyance selon laquelle l’islam doit dominer le monde, y compris par la force du glaive, est répandue dans les autres pays arabes ou musulmans, plus peuplés que l’Irak et la Syrie. Elle y dispose aussi, comme dans l’ensemble du Maghreb, de milices armées déjà à pied d’œuvre, et de sympathisants par dizaines de millions.

 

Il faut surtout éviter de croire – on y perdrait de l’efficacité dans l’analyse - que tous les mahométans sont dégoutés par les assassinats de Paris, car on commettrait une impardonnable erreur. Il suffit pour nous en convaincre de jeter un œil sur les péripéties du match de foot qui s’est déroulé, il y a trois jours, entre la Turquie et la Grèce, au stade de Başakşehir à Istanbul. L’immense majorité des spectateurs, selon des témoins grecs présents, a sifflé et hué la minute de silence réclamée en mémoire des victimes des attentats collectifs de Paris, des cris nourris d’Allah hou Akbar fusant des tribunes. Et Istanbul n'est pas Raqqa ni Mosul.

 

 

Les bons musulmans, les méchants et les indécis

 

L’une des fautes commises par les gouvernants français (ils ne sont pas les seuls) consiste à classer les musulmans dans deux catégories : ceux qui respectent les autres croyances et entretiennent peu ou prou les mêmes valeurs de vie que nous, et les islamistes dépravés qui s’emploient à les combattre. C’est simpliste !

 

En réalité, particulièrement à l’intérieur des frontières européennes, parmi la population émigrée, il existe effectivement un groupe d’assimilés, ayant adopté les lois et les principes des pays qui les ont accueillis. Il existe aussi un groupe d’extrémistes, qu’il convient de répartir entre les sympathisants passifs et les actifs, qui constituent le réservoir naturel des prochains assassinats collectifs djihadistes. Mais il est également impératif de distinguer une troisième composante de mahométans issus de l’immigration, à savoir les indécis, ceux qui sont séduits par les actes des djihadistes, voire qui leur vouent une certaine admiration, mais qui apprécient aussi les bienfaits de l’Etat de droit, sa sécurité et les emplois qu’il offre.

 

Beaucoup des membres de ce ventre mou de la communauté immigrée sont partisans de la doctrine salafiste, qui prône un islam pur et dur dominant le monde, mais qui n’invite pas précisément ses adeptes à tout abandonner sans retard afin de mener le djihad planétaire. Il importe désormais de comprendre que ces croyants, s’ils ne sont assurément pas des terroristes, représentent, de par leur interprétation radicale du Coran, une catégorie à risque pour la sûreté des Etats.

 

L’amalgame n’a pas lieu d’être, la cécité non plus. Les enquêtes successives ont démontré que les criminels ne rencontrent aucune difficulté pour trouver des complices parmi la communauté musulmane, comme cela vient d’être à nouveau le cas à Saint-Denis.

 

L’ennemi, Monsieur Hollande, ce n’est pas le terrorisme, c’est l’islam radical et sa doctrine. Lors, cet islam radical fait partie de l’islam et il s’en nourrit. C’est un ennemi puissant, royalement financé par des monarques et des émirs salafistes ; ses partisans sont au moins aussi convaincus de leurs croyances, et depuis au moins aussi longtemps, que les Européens croient aux vertus de la laïcité, de la liberté et de la démocratie.

 

L’Occident a un véritable problème avec l’islam, même si, objectivement, tous les musulmans, loin s’en faut, ne sont pas des djihadistes. Mais si l’on regarde les statistiques des vingt dernières années, on est obligé d’observer que si tous les musulmans ne sont pas des terroristes, tous les terroristes étaient musulmans. Ce n’est donc pas dans les arbres qu’il convient de rechercher les terroristes, mais dans les mosquées et les banlieues.

 

Changer immédiatement de politique et abandon du causalisme

 

Dans ces conditions, si la France, au-delà des mots et des emportements, veut vraiment déclarer la guerre à quelqu’un, c’est à l’islamisme qu’elle doit le faire, y compris à tous ses composants, qu’ils se trouvent à Raqqa, à Istanbul, à Gaza, à Riyad ou dans le 93. Je ne prétends pas qu’il faille y envoyer les Rafales, mais il faut changer de politique, désigner adéquatement l’ennemi, agir sur les plans diplomatique et du renseignement, se montrer ferme et même inflexible. C’est dans ce changement de cap radical que l’on mesurera la volonté réelle de Paris d’atténuer fortement le risque terroriste et de protéger efficacement sa population, et non dans les discours pontifiants dans lesquels il manque des mots indispensables et courageux, ni en effectuant uniquement des frappes aériennes, qui ne servent à peine plus qu’à démontrer au peuple que l’on ne reste pas inactif.

 

Il existe un impératif à ce changement de mentalité : l’abandon du causalisme. Ce n’est pas, en effet, parce que des musulmans auraient subi des inégalités de traitement ou parce qu’ils auraient été blessés dans leur foi qu’ils assassinent des gens. Ce n’est pas en jugeant "quelque part légitime", comme vient de le faire John Kerry dans un semi-lapsus, d’avoir tué des journalistes de Charlie Hebdo pour la raison qu’ils raillaient le prophète, différenciant les morts de Charlie de ceux du Bataclan, que l’on gagnera cette guerre !

 

Il est grand temps, au contraire, d’identifier que l’idéologie des djihado-islamistes participe d’une doctrine offensive et conquérante, qui exploite de prétendues justifications pour agresser ceux qu’elle désigne comme des infidèles. Car s’ils entendaient réellement corriger une injustice, ils s’expliqueraient, ils discuteraient, ils négocieraient, comme cela se fait pour régler un différend.

 

Mais ils ne couperaient pas la tête de leurs contempteurs, des femmes prétendument infidèles et des homosexuels, ils ne poignarderaient pas des Israéliens au hasard et ils n’exécuteraient pas de sang-froid les spectateurs d’un concert. Leur mode opératoire ainsi que leur rhétorique démontrent, au-delà de tout doute sensé, qu’ils tentent de déstabiliser les sociétés qui ne partagent pas leur façon de vivre et leur croyance afin de les détruire par la suite.      

 

Il a fallu attendre le samedi matin qui a suivi les massacres pour entendre Mohamed Sifaoui, sur BFM TV, tordre enfin le cou à cette incohérence qu’est le causalisme. On a enfin entendu parler de djihadisme, d’islamisme et du conflit des valeurs. Le journaliste a parfaitement résumé la situation, effectuant un parallèle salutaire entre les attaques de la nuit précédente et celles qui se déroulent en Israël, au Liban, en Inde, etc.

 

C’était la fin de la prééminence de l’ "ennemi sans nom" ainsi que des théoriciens de la presse française, qui s’époumonaient à trouver des raisons causales, notamment aux agressions que subissent les civils israéliens des mains de terroristes palestiniens.

 

La haine de ces gens est telle, qu’elle justifie à leurs yeux de mourir pour nous tuer. De nous tuer en bloc, sans distinction des victimes, dans le but qu’il y en ait le plus grand nombre possible. Sans distinction des victimes, certes, mais non de leurs occupations : les cibles de vendredi avaient été soigneusement sélectionnées ; une rencontre de foot – des gamins ont été récemment exécutés à Raqqa pour avoir regardé un match à la télévision -, des bistrots, dans lesquels les clients consomment de l’alcool et du porc, et une salle où se déroulait un concert, la musique, pour les islamistes, étant une expression de Satan, en écouter est également passible de la peine capitale.  

 

Les islamo-djihadistes s’en sont pris à Paris parce qu’elle est "la capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix (…)". Cela figure dans le communiqué que le Califat Islamique a diffusé pour revendiquer la réalisation des assassinats collectifs, quelle raison aurions-nous de ne pas le croire ? Quelle raison existerait-il d’invoquer une quelconque causalité alors qu’ils ne le font pas ?

 

Ces gens abhorrent ce que nous sommes, mais l’abysse qui nous sépare d’eux n’est pas réductible. La différence affecte même l’espace-temps : pour nous, la vie se termine avec la mort ; pour ces edennistes-extrémistes – et ils le croient vraiment, si vous entendez les combattre, il faut commencer par accepter de les comprendre et respecter leurs convictions -, la vraie vie commence avec la mort charnelle, et leur accession à la vie significative est conditionnée par le respect des préceptes du Coran et les efforts qu’ils ont concédés afin d’islamiser le monde. Ce sont des chahids, et ils sont persuadés, par-delà tout doute perceptible, que l’assassinat d’infidèles à la terrasse d’un café leur ouvrira les portes du paradis où 72 vierges les attendent les jambes écartées.

 

Faute d’adhérer corps et âme à cette idéologie, on ne s’entoure pas le corps avec une ceinture explosive, en sachant, au réveil, qu’on ne se couchera plus jamais dans un lit. Cette certitude déséquilibre le combat avec les forces de l’ordre, qui perdent tout effet de dissuasion et de menace, car on n’effraie pas quelqu’un qui aspire à mourir. Cela explique les modifications de méthodes transmises au RAID par les Israéliens, qui ont, malheureusement, l’habitude de se mesurer aux terroristes-kamikazes.      

 

 

On s’était trompé

 

La cruauté des violences parisiennes vient réveiller les esprits : il s’agit exactement de la même guerre, celle qui a ravagé les Tours Jumelles à Manhattan, dont on se refusait à prendre la mesure réelle en s’efforçant d’isoler et de marginaliser les auteurs.

 

Isoler et marginaliser les terroristes, en leur contestant tout lien avec l’idéologie salafiste, c’est l’erreur magistrale des gouvernants français, qui ont préféré le statu quo social après les assassinats de Mohamed Merah, et à nouveau après ceux de Charlie et de l’Hyper-Casher, à l’état d’urgence et aux perquisitions, là où ils savaient qu’ils trouveraient les armes du terrorisme islamiste et ses petites mains.

 

Deux ans et demi de perdus pour rien, par un manque sinistre de clairvoyance et de courage politique. Deux ans et demi qu’il convient maintenant, pour avoir une chance de gagner la guerre que l’on vient de déclarer, de rattraper, en envoyant le RAID et la BRI, chaque jour, dans les banlieues, pour y mettre la main sur les stocks d’armes de guerre et se réapproprier les territoires perdus de la République. Car tant que ces armes seront dans la nature – c’est presque une lapalissade – l’intégrité de la population ne sera pas assurée ; et tant que les terroristes pourront trouver abris et appuis dans des territoires qui échappent au contrôle de l’Etat de droit, il n’existera strictement aucune chance de réduire les menaces qu’encourt la société. 

 

 

Sur deux fronts

 

Dans la guerre qu’elle entend livrer, la France et ses alliés doivent ainsi combattre sur deux fronts : contre les entités djihado-islamo-salafistes à l’étranger – et pas uniquement contre DAESH ! -, même si certaines d’entre elles, à l’instar de l’Arabie Saoudite et du Qatar, financent aussi bien les islamistes que le Paris-Saint-Germain et le trou de la Sécurité Sociale. Et sur ce point au moins, nous avons d’excellentes raisons de ne pas croire Manuel Valls lorsqu’il prétend que ces Etats ne financent pas (ou n’ont pas financé) l’Etat Islamique. Le courage politique exige de faire des choix et de chercher des solutions malaisées.

 

Et contre les ennemis de l’intérieur, ceux qui se dissolvent dans les mosquées et les banlieues. L’identité des terroristes de vendredi démontre l’existence de ce double front mieux que tout autre exemple : près de la moitié étaient français ou européens, les autres provenaient de pays arabes.

 

 

Ne pas livrer l’Irak et la Syrie aux Iraniens

 

Ma dernière remarque dans mon analyse de ce jour est d’ordre stratégique, elle a trait au danger qui existe à éliminer DAESH de l’équation syrienne par des bombardements aériens français, et en allant chercher – M. Hollande se rendra à Washington puis à Moscou la semaine prochaine – des alliances pour parvenir à ce résultat.

 

En Irak et en Syrie sunnites et chiites se livrent à un affrontement – le plus long conflit de l’histoire humaine – dans lequel ils se disputent la suprématie territoriale. Cela n’a rien à voir avec l’Europe, et les attentats de Paris procèdent d’un avatar non-significatif du conflit principal. Les entités et les Etats impliqués dans les deux camps rivalisent de violence et de sauvagerie dont l’intensité est en tous points comparable. Leur rejet des valeurs humanistes charriées par les pays de culture judéo-chrétienne est lui-aussi semblable, il n’y a donc pas matière, en termes stratégiques, de favoriser un camp plutôt que l’autre.

 

L’intérêt des Etats civilisés consiste à ce que ces blocs du mal s’équilibrent et se contiennent. Que cet équilibre se brise, et l’on verra soit un califat islamique contrôler une immense région s’étendant de Bassora, sur les rives du Golfe arabo-persique, à la Méditerranée, soit ce sera le lot de l’Iran, qui contrôle déjà, par proxys chiites interposés, le gouvernement central de Bagdad, et sur lequel repose la survie à terme du pouvoir alaouite à Damas. Dans les deux cas, ce sont de sombres perspectives, plus difficiles à gérer pour les Occidentaux que la situation actuelle.

 

Ma crainte est, qu’à cause d’une fausse évaluation stratégique, influencée par un désir de vengeance – il faut éliminer DAESH parce qu’il constitue le danger principal menaçant les citoyens français ; plus de DAESH à Raqqa, plus de terroristes -, la France affaiblisse le camp sunnite au point qu’il ne pourrait plus se maintenir face à la poussée coordonnée d’Assad, du Hezbollah, des Pasdaran iraniens, tous déjà soutenus par les bombardements aériens de Poutine.

 

Si François Hollande obtient, comme il va le demander à Washington et à Moscou, l’appui des Américains et des Russes afin de coordonner avec eux la destruction du Califat Islamique depuis les airs, l’on risque un effondrement du front et un afflux de soldats iraniens dans la région [jusque sur les hauteurs du Golan où ils se trouvent déjà quoiqu’en nombre limité].

 

Or cette situation, de l’avis de la quasi-totalité des confrères occidentaux que j’ai consultés, est pire que celle qui prédomine actuellement, Téhéran possédant les moyens d’établir un empire sur la Syrie et l’Irak, et d’y introduire massivement des armes modernes, qui menaceront Israël, le Liban, puis l’Egypte, les monarchies arabes et l’Europe.

 

Je désire rappeler aux stratèges de l’Etat français que l’objectif de la Guerre Civile Syrienne n’est pas d’éradiquer les islamistes mais de chasser Bachar al Assad du pouvoir sanglant qu’il exerce. C’est cet objectif qui avait coalisé les Européens, les Américains et les Etats sunnites afin de soutenir l’opposition au régime. 

 

Or force est de constater que Bachar, qui, il y a deux mois, était au bord de la débâcle, coule aujourd’hui les jours les plus sûr qu’il a connus depuis le début de la Guerre Civile, il y aura bientôt cinq ans. Et nous, à la Ména, qui passons notre temps à comptabiliser les coups, nous prenons note qu’aucune frappe aérienne américaine, française ou coalisée, n’a jamais visé le régime d’Assad, tandis que Kerry, Fabius et les autres Occidentaux persistent à exiger le départ du dictateur et en font même une condition sine qua non aux négociations sur la Syrie qui se déroulent actuellement en Autriche.

 

En agissant sur le terrain comme le font leurs armées, ils font cependant le jeu des Russes, des Iraniens, d’Assad, ainsi que des supplétifs chiites de Téhéran au Liban, qui sont occupés à dépecer le pays aux cèdres.

 

Les Américains s’occupaient à ramollir l’Etat Islamique - en prenant le plus grand soin de ne pas l’anéantir -, pour l’empêcher de poursuivre son extension, tout en continuant à servir de rempart face aux desseins des Russes et des Iraniens.

 

Sachant que l’anéantissement de DAESH n’apportera pas la sécurité aux citoyens français, il serait préférable que, dans une semaine ou deux, Paris allège considérablement sa pression sur Raqqa et n’en fasse pas une idée fixe. Une idée fixe qui prendrait la place de la seule stratégie à même de renforcer la sécurité de sa population, qui passe par l’abandon de la théorie du causalisme, par l’opposition, à l’extérieur, à toutes les concentrations du djihadisme là où elles se situent et à ses bailleurs de fonds, et par la reprise du contrôle des territoires perdus de la République.

 

La guerre devient nettement plus simple lorsque l’on commence par en délimiter adéquatement ses objectifs ! Et si on se trompe, on se retrouvera avec un accroissement du péril terroriste en Europe, avec une radicalisation supplémentaire de ses méthodes et, en prime, si l’on peut dire, avec des missiles iraniens sur les plages du Liban et à Lattaquié, braqués en permanence sur Paris, Berlin, Rome, Bruxelles et Londres. Des missiles balistiques qui, au regard de l’ "excellence" mercantile du contenu de l’accord nucléaire avec les ayatollahs, seront, dans quelques années, dotés d’ogives nucléaires.   

 

 

 

Fin

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