La liturgie synagogale : Le Cantique des Cantiques de Salomon
La liturgie lit le texte, traditionnellement, le 7e jour de la fête de Pâque, à partir du 1er siècle lorsque le livre a été introduit dans le Canon des Ecritures juives (avec Qohélet) après Yahvné ; il fait le lien avec l’Exode.
Puis le Cantique entre dans la liturgie de la synagogue sous l’influence de la tradition mystique représentée par la Kabbale. Chanté dans «l’accueil du shabbat», le vendredi soir, au début de la célébration du sabbat. Il y a une différence importante entre les traditions espagnoles et allemandes.
Le rituel des ashkénazes mentionne qu’il est possible de dire le Cantique pour accueillir le sabbat. Il propose de réciter une prière courte, «Yedi nephesh...Aimé de mon âme...», qui est une paraphrase du Cantique.
Le rituel sépharade est plus explicite. Il prévoit le chant du Cantique pour accueillir le shabbat comme une fiancée. La cantilation est précédée par la prière: «Viens, mon Bien-aimé, au devant de la Fiancée, le Sabbat paraît, allons le recevoir... » (Lekha Dodi …). Ensuite, le Cantique est psalmodié. Le rituel note que si ce n’est pas possible de dire tout le Cantique, il faut dire une prière composée de quatre versets du cantique:
« Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche. Tes amours sont plus délicieuses que le vin (1,2)
Lève-toi, aquilon, accours autan ! Soufflez sur mon jardin, qu’il distille ses aromates ! Que mon bien-aimé entre dans son jardin, et qu’il en goûte les fruits délicieux (4, 16).
J’entends mon bien-aimé, voici qu’il vient, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines (2, 8).
Je descends dans mon jardin, ma sœur, ô fiancée, je récolte ma myrrhe et mon baume, je mange mon miel et mon rayon, je bois mon vin et mon lait (5,1). »
Cette pratique liturgique dépend de la lecture de la Kabbale et remonte au XVe, mais elle a des antécédents dans le Talmud qui parle d’un accueil du sabbat qui se fait sur le mode nuptial.
Les kabbalistes du XVIe ont clairement élaboré tous les éléments dans la présentation d’une “personne” quiidentifie la Fiancée, la Shékinah et le Shabbat. Cette identification repose sur les personnifications opérées par la Kabbale.
Un héritage de cette tradition se voit aussi dans la tradition hassidique d’Europe centrale. Les thèmes du masculin et du féminin en Dieu sont vécus par le couple humain, dont l’amour est alors sacré. Marc Chagall s’est enraciné dans cette tradition. Mais il serait trop hâtif de réduire son œuvre à une illustration de cette philosophie du sacré.
De l’étude de la tradition juive on peut cependant retirer une remarque méthodologique importante. La diversité des interprétations est grande. On peut considérer qu’il y a une interprétation assurée et sûre: celle qui lie les paroles d’amour du Cantique à la relation entre Dieu et son peuple.
Mais on voit naître un type de commentaire qui n’est plus lié à l’exigence de comprendre le texte; il se développe pour lui-même comme doctrine philosophique et religieuse et pour cela il puise des images dans le cantique. On ne cherche plus ce que l’Ecriture veut dire, mais ce qui peut stimuler ou conforter une affirmation doctrinale, une pratique liturgique ou une philosophie.
[1] Hymne composé par l’école de Safed au 16e.
[2] Cf Ct 7, 12.