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Nuit debout et "banlieue" : pas le même combat(info # 012204/16) [Analyse]

Par Patricia La Mosca © MetulaNewsAgency

 

Lorsque l’on arrive place de la République et que l’on regarde les gens qui participent aux Nuits debout, on s’aperçoit immédiatement que ce sont des Souchiens, comme les qualifie Houria Bouteldja, la porte-parole du parti des Indigènes de la République. Ceux qu’elle avait désignés, lors de l’émission "Ce soir (ou jamais)" comme des "Blancs à qui il faut inculquer l'histoire de l'esclavage, de la colonisation…". Bref, ce sont les "Français blancs". Si l’on croise quelques représentants de la population immigrée des banlieues sur la place, c’est en nombre dérisoire.

 

Je sais bien que cette observation suffit, par les temps qui courent, à vous classer dans des catégories de personnes stigmatisées, soupçonnées d’appartenir à la droite réactionnaire et antisociale, aux proches du pouvoir, ou, pire encore, à l’imperceptible courant islamophobe.

 

En ce qui me concerne, si je n’ai ni l’habitude de marcher les yeux fermés, ni de m’abstenir, par réserve politiquement correcte, de parler de ce que je vois, c’est sans doute parce que, depuis trois ans, je passe trois jours entiers par semaine dans les banlieues-territoires perdus de la République, dont l’observation constitue le sujet principal de mon activité professionnelle.

 

Je ne rame pour personne, ne déteste personne et, a priori, n’ai de sympathie pour personne, même si le troisième volet de ce triptyque m’est venu précisément à force de fréquenter ces quartiers. Il est vrai que l’on n’y croise pas beaucoup de sentiments positifs et que l’on peut y observer l’étiolement régulier des valeurs républicaines, doublé de la segmentation de la société française, qui me semble depuis longtemps irréversible.

 

Or si j’ai l’habitude de voir souvent des "jeunes des quartiers", lisez des individus issus de l’immigration, s’en prendre à la propriété privée aussi bien que publique, s’attaquer aux flics et détruire leurs véhicules, je note que cela faisait bien longtemps que je n’avais pas vu de près des "Français blancs" descendre dans la rue à l’occasion d’un vaste mouvement politique et faire valoir leurs revendications.

 

Cela n’a pas beaucoup d’importance affirmeront certains, c’est un détail de cette histoire, ajouteront d’autres. Je ne le crois pas.

 

Le phénomène des Nuits debout, à mon sens, instille une cassure durable entre les deux populations ; la première, celle des banlieues, étant incapable de se sentir concernée par les revendications de ces "intellos précaires", comme les identifie le politologue Gaël Brustier. Ceux que l’on rencontre sur la place de la République sont des "reconstructeurs" de la société ; ils l’aiment, mais la voudraient plus juste, plus horizontale, mieux partagée. C’est cette gauche et l’hyper-gauche qui se cherchent des lieux communs avec les habitants des quartiers, pas eux.

 

Eux, ce qu’ils veulent, c’est surtout détruire une société qu’ils détestent, proférant des valeurs nationales qu’ils détestent, une identité qu’ils détestent, des origines religieuses qu’ils détestent ; mais aussi, et c’est remarquable, ils nourrissent une véritable exécration également pour les gens qui la composent. Et le fait que les Souchiens jettent des pierres dans les façades de quelques succursales bancaires ne les rend pas pour autant plus sympathiques aux yeux des rebeus.

 

Rien, en effet, dans leur organisation sociale, ne ressemble à ce dont on discute à la République. Tandis que les nuitards s’entourent de mille précautions afin de préserver l’horizontalité dans les prises de décisions, la participation de tous – c’est même un principe pilier du mouvement : on veut participer aux décisions, on ne veut plus être des laissés pour compte -, la société issue de l’immigration est exclusivement verticale. C’est le chef de tribu, le caïd, le grand trafiquant, l’imam qui décide, à partir d’un piédestal social qu’il a atteint presque toujours en écartant son prédécesseur par une forme ou une autre de violence, ou parce qu’il a été serré par les keufs.

 

La marge de décision de tous les autres habitants des "banlieues" est pratiquement inexistante et se limite à répercuter la volonté du chef, en suivant pour cela le code de comportement que chacun connaît par cœur dans la cité.

 

A l’opposé diamétral de ce que l’on constate chez les dormeurs debout, qui rejettent et méprisent l’usage de la force, le terrorisme et les guerres, dans les territoires abandonnés par la République, la force brutale est vénérée, elle est l’apanage du boss et des bandes les mieux armées et les plus brutales et impitoyables.

 

Mohamed Merah, les frères Kouachi, Coulibaly sont des héros intouchables. DAESH est admiré, particulièrement les frères européens, dont on envie le courage, notamment celui de faire sauter leurs ceintures explosives. Le massacre du Bataclan est considéré comme une grande victoire, à l’issue de laquelle les Blanc ou les Français "n’ont eu que ce qu’ils méritaient".

 

Que méritaient-ils ? Pour quelles raisons ? On ne s’embarrasse pas de ces questions de détail, on ne va pas aussi loin dans la réflexion. Dans ce monde parallèle, dans cette vérité parallèle, la protopensée règne en maîtresse au royaume du non-dit, de ce que "tout le monde sait", de ce qui est évident, au point qu’il est parfaitement inutile de l’énoncer.

 

Les Juifs ? L’ennemi satanique, des non-hommes, ceux qui tirent les ficelles, ceux "qui s’opposent à nous", des cibles à abattre. Ceux qui, "lâchement", massacrent quotidiennement des milliers d’enfants palestiniens. Les Palestiniens : les frères fédérateurs, l’exemple absolu, le mythe. Les terroristes palestiniens qui poignardent des vieilles dames dans les rues de Jérusalem : des Superman.

 

C’est une sous-civilisation de barbares, dans laquelle les livres sont des ennemis écrits "pour nous embrouiller les idées". Une bonne dose de chichou pour se ramollir le bocal, et les paroles du rap, en guise d’unique philosophie.

 

Les femmes ? Les Souchiennes sont toutes des putes, sans exception, les non-voilées, des putes qui cherchent à se faire pécho (chopper), celles qui ne sont pas mariées et que l’on soupçonne automatiquement d’avoir des relations, des putes aussi. La meuf est un accessoire de distraction et de reproduction qui s’évalue au kilo.

 

A Paris, on tente de faire passer la description de ce mode de vie pour une caricature, un amalgame, des préjugés, la réalité d’une infime minorité non-représentative, de désœuvrés, de casseurs. C’est le fameux filtre des media français, une infirmité pathologique, qui agit aussi place de la République ; il consiste à priver d’existence ce que l’on ne peut pas gérer.

 

Existe-t-il, dans les "banlieues", des personnes qui s’opposent à ce système ? Oui. Mais on ne les entend pas, leur voix ne dispose d’aucun espace pour être écoutée. Plus une société est violente et moins les objecteurs ont droit à la parole. On tend vers l’uniformité de la pensée, si l’on peut appeler cela une pensée.

 

Naturellement, le monde que je décris n’est pas "de gauche". D’abord parce que le débat gauche-droite ne le concerne pas, l’affrontement se situe entre "eux et nous". Accepter de se prêter au jeu démocratique c’est trahir, admettre la prééminence de l’Etat, son existence, sa durabilité. Ensuite, parce que ce modèle de microsociété, dans ce qu’il a de tribal, de vertical, de traditionnel, de religieux, et par son économie, est bien plus proche, intrinsèquement, de la droite que de la gauche. Il se base sur la distinction raciale, sur l’origine, sur l’immiscibilité. A ces titres, il ressemble même à l’extrême droite et à la mafia. 

 

C’est pour toutes ces raisons que la nécessité du courant des Debout, exprimée par le philosophe Vincent Cespedes et beaucoup d’autres, de s’ouvrir aux populations des cités de banlieue, n’a aucune chance d’aboutir. Au fond, ils n’ont rien en commun.

 

Place de la République, il y a aussi des casseurs, mais ce sont des amateurs comparés à ceux des cités ; et pour le compte, ils sont vraiment marginaux.

 

L’essentiel, c’est refaire la Révolution, la Commune, Mai 68. Multiplier les assemblées constituantes et légiférantes pour refaire le monde, qu’ils nomment assemblées générales et qui se tiennent une fois par jour.

 

Le niveau est navrant, bobo, naïf, chiant. L’impact mobilisateur est à l’extra-gauche et derrière le soutien à l’abrogation de la "Loi Travail" de Myriam el Khomri, qui leur a servi de point de rassemblement ; les quelques décisions prises lors des assemblées générales sont insignifiantes et donc sans avenir. On veut surtout travailler moins et recevoir plus de droits. Ceux qui veulent remettre la France au travail, la rendre compétitive, à l’instar de Manuel Valls, sont des adversaires.

 

On veut ne rien foutre, et d’ailleurs, on ne fout rien. Des jours sans bosser à jouer aux Che Guevara des grands boulevards. Beaucoup de fils et filles de bourgeois, de déçus du "socialisme", d’écolos et d’excentriques, parfois sympathiques.

 

Mais la place de la République est devenue un immense cloaque puant. On y urine partout, on jette ce que l’on ne peut pas manger, on détériore le monument en mémoire des victimes de novembre. On enlève les dalles de granit de ce bel endroit de Paris, récemment restauré à grands frais, pour planter des arbres de rien, qui ne serviront à rien, qui seront évidemment arrachés.

 

Les commerçants du quartier n’en peuvent plus des dégradations, de la drogue, du bruit et des odeurs insupportables. Quel client s’attardera face à leurs devantures dans des conditions pareilles ? Les flics, qui se contentent d’entourer la place, se font prendre à parti matin et soir. Ils ont ordre de ne rien faire, alors, ils regardent les détériorations écœurés. Certains refusent carrément les ordres qu’on leur donne, devant ce condensé de déclin de la République.

 

Il y a de l’antisémitisme également, mais rien à voir avec celui des cités, ici c’est l’ "antisémitisme à la française". Ceux qui n’ont pas entendu crier "sale Juif" à la face de Finkielkraut sont décidément sourds. Simplement, ils ne l’ont pas fait juste à côté de l’académicien, car cela réclamait un certain courage. Finki facho ? De droite ? Ou simplement contre la déstructuration de l’Etat et de toutes ses valeurs, du grand tout à l’égout ?

 

Quelques islamisants ont suffi pour proposer aux personnes présentes de s’associer au mouvement BDS de boycott d’Israël. Brandissant un drapeau palestinien, ils ont hurlé : "Palestine vivra ! Palestine vaincra !". Réaction mitigée dans la foule, un quart des présents a applaudi.

 

C’est oublier que l’intention déclarée du créateur de BDS, Omar Barghouti, est l’instauration d’une Palestine "ethnique", "unitaire", d’"une terre musulmane pure, débarrassée des chrétiens et des Juifs".   

 

"Palestine vaincra !", dans le sens BDS, c’est simplement appeler à un nouveau génocide de sept millions de juifs et à l’établissement d’un Etat arabe et musulman du Jourdain à la Méditerranée. Pas d’opposition chez les Nuits Debout ; ce sont les enfants de la télé d’Enderlin, de Marius Schattner, de l’AFP, de Fr2, et de l’ensemble de la presse française.

 

Etre anti-israélien en France n’est pas devenu normal, c’est devenu la norme. Quelques jours après que la France, à l’UNESCO, a voté une résolution qui dissocie le judaïsme du Temple de Salomon, qui devient un lieu saint uniquement musulman, à l’instar du tombeau des Patriarches à Hébron, qui accuse les Israéliens d’être responsables de se faire assassiner par les terroristes palestiniens, et qui déclare que les Juifs enterrent des cercueils vides dans les cimetières musulmans de Jérusalem pour se les approprier, l’autorisation laissée à BDS de manifester sur la voie publique est presque anodine.

 

Les journalistes tricolores qui essaient par la force de leur occupation sans partage des media de transformer le conflit israélo-palestinien en guerre de décolonisation, en répétant à l’infini le mot colonie à la place d’implantation, devraient écouter ce qu’en dit l’écrivain algérien Boualem Sansal dans cette interview, à partir de 8 minutes 15. Et Sansal en connaît un morceau, en tant qu’intellectuel algérien, en matière de colonisation et des authentiques colons… français.

 

Si Sansal et la Ména, qui prétend la même chose que lui depuis seize ans, ont raison, on ose à peine envisager l’étendue monstrueuse de la responsabilité des intellos, des journaleux et des gouvernants français dans l’épouvantable crise d’antisémitisme qui ravage littéralement l’Hexagone. Et leur problème est que Sansal et Juffa ont indéniablement raison.

 

Un autre point nécessaire à la compréhension globale de la situation concerne la perception de la situation dans les zones de non-droit : j’ai pu me rendre compte qu’en dépit des centaines de morts innocents lors des attentats en France et en Belgique, de l’état d’urgence, de la répression qui vise les djihadistes, du démantèlement de plusieurs cellules terroristes, l’atmosphère n’est assurément pas à la contrition ou à la remise en question de la "justesse" de l’affrontement violent contre l’Etat et sa démocratie libérale.

 

Tout au contraire, la "banlieue" en tire un sentiment de fierté, accompagné de l’impression qu’elle est capable de dérégler le fonctionnement d’une société qu’elle exècre. Plus que cela, il existe une dynamique qui s’est encore renforcée à la faveur des actes de terrorisme récents, selon laquelle l’islam (pas uniquement la religion mais aussi l’environnement politique qui l’accompagne) avance inexorablement vers le contrôle du monde. Le manque de lucidité de la société civile, qui induit la mollesse de sa réaction, surtout par peur de l’amalgame, et qui se montre totalement incapable de renverser la tendance, sert naturellement d’encouragement pour cette conviction. En résumé, l'usage de la violence islamiste est ici généralement considéré comme la manière adéquate d’avancer vers l’hégémonie islamique. Le tout, enrobé dans un flou d’exaltation et de spontanéité qui fait l’économie de toute analyse objective ; le futur, c’est du moins la conviction la plus répandue, se trouvant dans les mains d’Allah et de son prophète Mahomet. Et leur marche ne peut être stoppée par des mortels infidèles. La mort des terroristes n’a aucune importance, puisqu’ils deviennent des martyrs et qu’ils trouvent la récompense de leur sacrifice dans l’au-delà.

 

Le fossé qui sépare le mouvement des Nuits debout de l’islamisme des cités tient dans la constatation que le premier est éphémère par nature, alors que le second est enraciné dans un mode de vie, une ghettoïsation géographique ainsi qu’une puissante énergie s’exprimant de façon universelle.

 

Loin d’être une groupie de Guy Millière, mes constatations rejoignent son diagnostic quant à une dégradation irréversible et violente des valeurs humanistes et républicaines. Cette détérioration est due à la corruption des intervenants de la société politique et à l’aveuglement de ses responsables, conduisant vers l’effondrement de ses défenses immunitaires, passant par la perte de la clairvoyance.      

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