Âge du monde: science et Torah disent la même chose !
Ce texte est une traduction libre de l’article The Age of the Universe de Gerald Shroeder, de l’Université Hébraïque de Jérusalem.
L’âge de l’univers semble être un point de contradiction notoire entre Torah et science. Le monde est-il vieux de plusieurs milliards d’années, comme l’affirment les données scientifiques, ou a-t-il été créé voilà seulement quelques millénaires, comme le rapporte le récit biblique ? L’addition des générations des hommes de la Genèse à nos jours, s’élève à moins de 6 000 ans ; tandis que le téléscope Hubble mesure l’âge de l’univers à 15 milliards d’années, plus ou moins 10%.
Pour tenter de résoudre ce conflit apparent, je ne vais utiliser que des commentaires bibliques anciens, rédigé par des Sages qui ne connaissaient pas la science astronomique moderne et qui n’ont donc pas pu être influencé par elle.
Il s’agit donc du texte biblique en lui-même (il y a 3 300 ans), la traduction araméenne de la Torah par Onkelos (100 de l’ère courante), le Talmud (rédigé vers l’an 400 de l’ère courante), et les trois principaux commentateurs, accrédités par tous, que sont : Rashi (France, 11ème siècle), qui apporte l’explication directe du texte, Maïmonide (Egypte, 12ème siècle), qui aborde les concepts philosophiques, et Nahmanide (Espagne, 13ème siècle), le plus important des kabbalistes.
Ces commentaires sont figés depuis des centaines, voire des milliers d’années, et il n’y a donc évidemment pas de possibilité qu’ils aient été influencés par la perception scientifique moderne concernant la conformation ou l’âge de l’univers. Ceci constitue un élément clé dans le raisonnement qui suit, afin d’en garantir son objectivité.
Le commencement de l’univers
En 1959, un sondage fut proposé aux principaux scientifiques américains. Parmi les nombreuses questions, on trouvait « Quel est votre conception de l’âge de l’univers ? ». Or en 1959 l’astronomie était populaire, mais la cosmologie — les notions physiques profondes qui étudient la structure de l’univers — n’en était qu’à ses balbutiements. Les résultats de ce sondage ont été publiés récemment dans Scientific American — la revue scientifique la plus lue au monde. Deux tiers des scientifiques — une écrasante majorité — donnèrent la même réponse : « L’univers n’a pas d’âge car il n’a pas de commencement. ». Le récit biblique était considéré par la communauté scientifique comme une jolie fable, mais se ralliait à l’enseignement d’Aristote et Platon, voici 2 400 ans, selon lequel l’univers est éternel.
En 1965, Penzias et Wilson découvrirent l’écho du Big Bang au fin-fond de la nuit étoilée, et la conception du monde changea d’un univers éternel pour un univers possédant un commencement. La science avait opéré un changement considérable dans sa compréhension du monde.
Bien entendu, le fait que l’univers ait un commencement ne prouve pas qu’il ait un Créateur. La Bible dit (Genèse 1:1) « Au commencement D.ieu créa les cieux et la terre ». Nous ne disposons pas d’élément scientifique au sujet de la deuxième moitié de ce verset, mais depuis 1965 la cosmologie apporte une preuve de la première partie « Au commencement »…
Tout commence avec Rosh haShana
La question que nous nous posons est de savoir quand ce « commencement » s’est produit. Etait-ce il y a 5760 ans, comme le relate la Bible, ou bien s’agit-il des 15 milliards d’années généralement acceptées dans le monde scientifique ? La première chose à comprendre est l’origine du calendrier biblique. L’année juive, 5760, s’obtient par addition des générations depuis le premier homme Adam. De surcroît, il y a également les 6 premiers jours, entre la création de l’univers et la création du premier humain, c’est-à-dire le premier être doué d’une âme humaine (par opposition au premier humanoïde, doué de l’apparence de l’homme ou de son intelligence, mais à qui il manque l’âme de l’humanité, la neshama).
Nous avons une horloge de 6 000 ans qui débute avec Adam. Les Six jours sont séparés de ce décompte. La Bible a deux décomptes distinct ; ceci n’est pas un concept moderne, le Talmud débattait déjà de ce point il y a 1 600 ans.
La raison pour laquelle ces six jours qui précèdent la création d’Adam sont en-dehors du calendrier, est que durant ces Six jours de la Genèse la mesure du temps est décrite différemment. « Il fut soir, il fut matin », sans relation avec le temps humain. Ce n’est qu’à partir d’Adam que l’écoulement du temps est exprimé dans la Bible en termes relatifs à l’homme. Adam et Eve vivent 130 ans avant d’avoir Seth, qui vit 105 ans avant d’engendrer Enosh, etc. (Genèse chapitre 5). Depuis Adam, le flux temporel est un concept humain. Mais avant la création du premier homme, le temps est un concept abstrait ; « Soir et matin », comme si on regardait les événements selon un point de vue cosmique.
Une lecture plus approfondie
Pour comprendre cette notion particulière de l’écoulement du temps pendant ces six jours de la Création, il faut avoir à l’esprit que la Genèse décrit ces événements en seulement 31 versets. Les Six jours de la Création, qui ont fait couler tant d’encre, sont confinés en 31 versets ! A titre de comparaison, la bibliothèque Hayden du MIT compte quelque 50 000 ouvrages traitant du développement de l’univers : chimie, cosmologie, thermodynamique, paléontologie, archéologie, physique des hautes énergies. Un peu plus en amont sur la rivière à Harvard, la bibliothèque Weidner renferme plus de 200 000 livres sur ces mêmes sujets. La Bible quant à elle, nous donne 31 phrases. Nul étonnement donc qu’il nous soit impossible de comprendre la Création dans ses moindres détails, par la simple lecture de ce texte si compact. Pourtant ce texte contient tout, et il nous faut le creuser en profondeur pour en extraire les secrets.
Qu’est-ce qu’un « jour » ?
La réponse courante à cette question est de considérer le « jour » de la Genèse comme étant une période arbitraire de temps, suffisamment longue. On courbe la Bible pour la plier à la science. Heureusement, Rashi (Hagiga 12a) et Nahmanide (Gen. 1:3) nous expliquent que le terme « jour » signifie 24 heures, indifféremment du lever et du coucher de soleil. Les Six jours ont chacun 24 heures, et la durée totale de la Création ne dépasse pas celle des six jours de la semaine de notre temps humain. Et pourtant, ces six jours de 24 heures contiennent tous les âges du monde. Comment est-ce possible ?
Einstein a enseigné au monde que le temps est relatif : dans des zones de haute célérité ou de forte densité gravitationnelle, le temps passe plus lentement que dans des zones de moindre vélocité ou de moindre gravité. C’est le phénomène de l’étirement de l’espace. L’univers commença par un point minuscule, probablement pas plus gros qu’un grain de moutarde, et s’est étiré à partir de ce point. L’espace, tout entier, s’étire. Une conséquence de cette expansion est que, lorsqu’on observe un événement qui s’est produit dans un lieu très éloigné de notre galaxie, la lumière qui nous en provient et qui a parcouru l’espace, a subi elle aussi cet étirement.
La création du temps
Chaque jour de la Création est numéroté. Pourtant on observe une discontinuité dans la façon dont ils sont énumérés. Le verset dit d’abord « Il fut soir, il fut matin, jour Un. » Mais plus loin, le jour suivant est introduit ainsi : « Il fut soir, il fut matin, deuxième jour. » Et la Torah continue sur ce modèle : « troisième jour, quatrième jour » etc. Cette distinction met l’accent sur la différence qualitative entre « un » et « premier », ainsi que Nahmanide l’explique. « Un » est absolu, « premier » est relatif. La Torah ne peut pas parler de premier jour avant même qu’il n’existe un autre jour qui vienne se positionner après le premier. Si la description biblique de ces Six jours avait été donnée selon le point de vue du Sinaï, ou même d’Adam, c’est-à-dire en regardant rétrospectivement sur la Création, la Torah aurait écrit « premier jour ». C’est que la perspective biblique de la Genèse est au contraire donnée depuis le point de vue du Commencement, en regardant vers l’avenir. Puis, au moment de la création d’Adam et Eve, l’âme de l’humanité, la Bible change de perspective et le récit bascule sur la base de temps humain.
La loi de la relativité d’Einstein
En regardant l’univers pour déterminer son âge, on trouve environ 15 milliards d’années. Ceci correspond à notre point d’observation, en regardant rétrospectivement le point de naissance de l’univers. Mais, vu de la Bible, à quoi ressemble le temps écoulé depuis ?
Nahmanide nous enseigne que, bien qu’il s’agisse bien de jours de 24 heures, ils contiennent col yemot ha olam — tous les âges et tous les secrets du monde. Il dit qu’avant l’univers il n’y avait rien… et que soudain toute la Création est apparue sous forme d’un grain minuscule. Il donne les dimensions de ce grain, un point très petit, de la taille d’un grain de moutarde. Contenant tout l’univers ! Et il explique que cette apparition est le seul acte de création physique. Il n’y a pas eu d’autre création de matière. Toutes les autres créations furent spirituelles. Le nefesh (l’âme animale) et la neshama (l’âme de la vie humaine) sont des créations spirituelles. Il n’y a eu qu’une seule création matérielle, et ce fut un grain minuscule et d’une formidable densité. Dans ce grain se trouvait toute la matière qui allait servir à façonner absolument tout le reste. Nahmanide décrit cette substance comme dak méod, ein bo mamash — très fine, sans consistance. Et à mesure de l’expansion de ce grain, cette substance, si fine qu’elle n’a pas d’essence, s’est transformé en matière telle que nous la connaissons.
Nahmanide continue : misheyesh, yitfos bo zman — dès l’instant où cette matière s’est formée à partir de cette substance sans consistance, le temps a pris effet. Non pas « a commencé ». Le temps fut créé dès le commencement, mais il n’a pris effet qu’avec la condensation de la matière, à partir du grain primordial. C’est ici que démarre l’horloge biblique.
La science a montré qu’il n’existe qu’une seule « substance sans matérialité » qui puisse se changer en matière : il s’agit de l’énergie. La fameuse équation d’Einstein E=MC2 parle d’énergie, et dit qu’elle se change en matière. Et lorsqu’elle se change en matière, le temps prend effet. Nahmanide avait énoncé ici un principe phénoménal. Nous ne saurons jamais s’il avait connaissance des lois de la relativité. Mais nous les connaissons aujourd’hui, nous savons que l’énergie — le rayonnement lumineux, les ondes électromagnétiques, les rayons gamma, X, etc. — voyagent à la vitesse de la lumière, 300 millions de mètres à la seconde. A la vitesse de la lumière, le temps ne s’écoule pas. L’univers était en train de se développer et de vieillir, mais le temps n’a pris effet que lorsque la matière a émergé. Cette phase avant le démarrage de l’horloge biblique, dura environ 1 / 100 000ème de seconde. Une durée infinitésimale. Mais pendant cette durée, l’univers s’est étiré, d’un grain de moutarde à environ la taille du Système solaire. A partir de cet instant la matière existe, et le temps s’écoule. L’horloge commence.
Cependant, le fait que la Bible parle du « soir, matin, jour Un », vient nous enseigner ce qu’est le temps selon la perspective biblique, au voisinage du point de Création, en direction de l’avenir. La Torah, en se plaçant à l’instant de la Création, regarde vers l’avant, et dit : quel âge l’univers a-t-il jusqu’à Adam ? Six jours. Adam, lui, se retourne vers la création et dit que l’univers a 15 milliards d’années. Mais tous les scientifiques savent qu’en prononçant l’affirmation « l’univers a 15 milliards d’années », nous omettons toujours la deuxième partie de la phrase, qui est : « l’univers a 15 milliards d’années tel qu’observé au sein des coordonnées spatio-temporelles dans lesquelles nous existons. »
Regard vers l’avant
La clé de compréhension est que, tandis que nous portons un regard en arrière sur les origines du monde, la Torah porte un regard vers l’avant, et depuis des coordonnées spatio-temporelles très différentes, lorsque l’univers était très petit. Mais depuis lors, l’univers s’est élargi, l’espace s’est étiré, ce qui a profondément altéré la perception du temps.
Pour illustrer ce concept, plaçons-nous mentalement aux origines de l’univers et du temps : supposons qu’il existait une petite communauté douée d’intelligence, qui se trouvait en ce point d’origine de l’apparition de la matière et du temps, et que cette petite communauté disposait d’un rayon laser et qu’elle tirait en l’air une salve de lumière chaque seconde. Supposons que ce rayon porte un signal électromagnétique disant « je tire toutes les secondes ».
La lumière voyage à 300 000 km par seconde. Au début, les tirs lasers de cette petite communauté sont espacés d’une seconde chacun, soit de 300 000 km. Mais nous sommes aux origines de la Création de l’Univers, et aussitôt après les tous premiers instants, l’espace s’étire à une vitesse exceptionnelle, la matière occupe le vide nouvellement créé, les distances s’allongent. Cela concerne également la distance entre deux de nos tirs lasers consécutifs. Si bien qu’au fil du temps et de leur voyage dans l’espace, les tirs sont de plus en plus éloignés les uns des autres.
Des milliards d’années plus tard, et à des milliards de kilomètres de distance à cause de l’expansion de l’univers, supposons que sur Terre nous disposions d’un capteur parabolique qui puisse recevoir ces rayons de cette nature. Qu’observerions-nous ?
Lorsque nous recevons un de ces messages, que nous décodons « je tire toutes les secondes », nous attendons impatiemment la seconde suivante, pour obtenir le message d’après… or pensez-vous que nous l’obtiendrons au bout d’une seconde ? Non. Un an plus tard ? Non plus. Plus probablement, le message suivant n’arrivera que des milliers d’années plus tard. Parce que l’espace s’est étiré considérablement pendant le voyage de ces deux rayons consécutifs. La durée d’attente entre les deux rayons vus de la Terre détermine la mesure de l’étirement de l’espace qui s’est produit depuis leur émission, c’est-à-dire la Création de l’univers.
Si l’illustration est évidemment fictive, le raisonnement lui relève des standards de la cosmologie.
15 milliards d’années, ou Six Jours
Aujourd’hui nous regardons en arrière dans le temps, et nous voyons environ 15 milliards d’années d’Histoire. En regardant vers l’avant depuis le point primitif, lorsque l’univers est encore minuscule — des milliards de fois plus petit qu’aujourd’hui — la Torah compte six jours écoulés. La vérité est que les deux versions sont correctes.
Ces quelques dernières années, par l’étude des seuils d’énergie des protons et neutrons (leur nucléosynthèse), la science cosmologique a permis de quantifier la relation entre le « point de vue du temps » depuis le commencement de la matière stable, et le « point de vue du temps » aujourd’hui. Ce n’est désormais plus de la science-fiction : la relation générale entre le temps au voisinage du commencement et le temps d’aujourd’hui est d’un million de millions (1012). Si bien que lorsque la petite communauté fictive tire un laser chaque seconde, nous réceptionnons les messages séparés d’un million de millions de secondes, presque 32 000 ans, comme conséquence de l’expansion de l’univers.
Le Talmud dit que l’âme d’Adam fut créée au milieu du sixième jour, soit cinq jours et demi après le début de la création de la matière et de l’expansion de l’univers. A cet instant, le calendrier cosmique cessa, et le calendrier terrestre prit effet. Comment verrions-nous ces jours étirés un million de millions de fois ? 5,5 jours x 1012 fois font environ 15 milliards d’années. La NASA trouve pour l’univers un âge de 14 milliards d’années. En considérant la quantité d’approximations impliquées dans ces calculs, la concordance entre ces deux résultats est à mon avis tout à fait extraordinaire.
Au cours de ces cinq jours et demi de la Genèse, qui sont d’égale durée d’après la Tradition, la vitesse d’expansion de l’univers n’a pas été constante. D’une rapidité considérable pendant les quelques premiers instants, elle a peu a peu ralenti : car même si la vitesse réelle d’élargissement des distances est approximativement constante, cela prend de plus en plus de temps à l’espace global de doubler de volume, à mesure qu’il grossit. Or chaque fois que la taille de l’univers a doublé, la perception du temps, vu en arrière vers le commencement, a été divisée par deux.
En conséquence, les premiers instants des Six Jours englobent la plus grosse partie des 15 milliards d’années de « rétro-histoire ».