Heureux comme un Juif en Corse ?
Par Laëtitia Enriquez - ActuJ
Avec l’arrivée depuis cet été d’un Beth Hadad désormais permanent à Ajaccio, des projets de création d’infrastructures et une mentalité corse plutôt « jewish-friendly », la vie juive en Corse pourrait avoir de beaux jours devant elle.
Le 18 juillet dernier, le Beth Habad inaugurait ses locaux situés au 38 rue du Vitullo à Ajaccio. Autour du rabbin Lévy Pinson, fils du rav Yossef Its’hak Pinson, émissaire du Rabbi à Nice, une quarantaine de personnes étaient venues assister à cet événement communautaire sans précédent sur l’île de Beauté. Parmi eux, des touristes mais pas seulement. « Cela fait déjà une quinzaine d’années que mon père envoie régulièrement chaque été des délégués en Corse pour répondre aux demandes des touristes juifs. Petit à petit, nous avons également été présents au moment des fêtes tout au long de l’année. Désormais, nous serons ici de façon permanente, afin de permettre à la vie juive de se développer », explique le jeune rabbin.
Cet été, un deuxième Beth Habad officiait à Porto-Vecchio. Ici comme à Ajaccio, des offices étaient organisés pour le Chabbath et l’on pouvait commander des repas de chabbath ou se procurer des produits alimentaires cachers. Si à Porto-Vecchio, le beth Habad devrait fonctionner essentiellement selon la demande touristique, celui d’Ajaccio ambitionne d’installer les structures d’une vie juive organisée. « Outre l’épicerie cachère, nous avons des projets de restauration. On pense aussi à organiser un Talmud-Torah à l’année. On peut d’ores et déjà compter sur la présence d’une dizaine d’enfants, explique le rabbin Lévy Pinson. L’idée de construire un Mikvé fait elle aussi son chemin. De quoi inciter les Juifs du Continent à se rendre en Corse plus régulièrement. Le rabbin Pinson confie d’ailleurs recevoir un grand nombre d’appels de personnes potentiellement intéressées à venir passer quelques mois en Corse, sachant qu’il est désormais possible de vivre son judaïsme au quotidien.
À Bastia, le développement de la vie juive est plus à la peine. Daniel Bueno, officiant de la synagogue Beit Meïr (située rue du Castagno) n’a hélas pas souvent l’occasion de sortir les Sefer Torah le chabbath, faute de minyan présent. « Hormis lors des fêtes, où nous sommes plus nombreux, nous ne sommes que quelques-uns à l’office du samedi matin », explique ce retraité revenu s’installer en Corse en 1999. Pas question pour autant de laisser tomber les rituels. La synagogue commande chaque année plusieurs kilos de galettes de Pessah, de façon à pouvoir en distribuer aux familles qui en feraient la demande. Et pour se procurer de la viande cachère et des autres denrées alimentaires autorisées, le plus simple reste les commandes en grande quantité aux supermarchés cachers de Nice et de Marseille, que l’on stocke ensuite au congélateur.
Si la pratique juive semble limitée en Corse, l’esprit juif est lui, en revanche, palpable. « Je croise presque tous les jours des Corses qui me disent avoir des origines juives », raconte Daniel Bueno, qui souligne des similitudes entre les attitudes corses et juives. « Un sens du respect et de l’effort que nous avons en commun », explique-t-il. Force est d’ailleurs de constater que le sentiment pro-palestinien est bien moins en vogue sur l’île que sur le continent. Et dans la flambée des actes antisémites constatés depuis une quinzaine d’années, aucun d’entre eux n’a té perpétré en Corse non plus.