Moi, juif de gauche, admirateur de Ken Loach, je renonce à son film
Le cinéaste aime le genre humain à une exception près, celle d’Israël, et je ne ne m’y résous pas.
Je n'irai pas voir Moi, Daniel Blake, le nouveau film de Ken Loach. Je l'ai attendu pourtant, comme j'attends depuis des années chaque œuvre de cet homme merveilleux, qui a nourri aussi bien mon imaginaire que ma conscience sociale, qui a soutenu l'amour indéfectible que j'éprouve pour la classe ouvrière britannique, éradiquée par l'horrible MmeThatcher, rayée de la carte politique par ces libéraux cyniques qui nous guettent ici aussi.
Je n'irai pas voir Loach, en dépit du peuple des stades de football et des mineurs dispersés, en dépit de ces poussières d'hommes que le système humilie, en dépit des chômeurs et d’une robe de première communion qu’un père ne sait pas payer à sa fille et des pierres qui tombent sur la tête des pauvres, en dépit d’un maillot de Cantona, en dépit des trotskistes de Barcelone l’insurgée, en dépit de moi-même…Je n'irai pas, parce que Loach me blesse. De toutes ses colères, il en est une que je ne supporte plus, ou plutôt: dont je ne supporte plus les conséquences. Par amour des Palestiniens, Loach a décidé que l'État d'Israël devait devait être retranché de l'humanité commune. Il fait partie des organisateurs du boycott de l'État juif. Un boycott complet définitif, n'excluant pas même les artistes, les universitaires, les intellectuels, tous renvoyés à une culpabilité commune, tous n'étant que des déclinaisons ou des appendices de la politique de Benjamin Nétanyahou.
L'amalgame
Cela fait des années que cela dure. Que Loach répond méchamment à ses admirateurs israéliens qui lui demandent de faire la différence, de comprendre qu'ils ne sont pas la politique de leur gouvernement. Il n'en démord pas. Il ne va pas en Israël, refuse que ces films soient célébrés là-bas, encourage ici le rejet de ces Israéliens qui pourtant, sur la question palestinienne, pensent comme lui, et je précise comme moi: que le peuple palestinien ne doit pas être privé de ses droits nationaux et que la colonisation, le cynisme de Nétanyahou, l'hubris des bigots idiots et des ultras qui peuplent le gouvernement de Jérusalem, la tentation folle de l'annexion d'une partie de la Cisjordanie, sont des catastrophes –pour Israël comme pour la Palestine.