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Mathias Niyonzima

 

Il est difficile d’expliquer en mots ces racines car elles apparaîssent, non pas à travers un système théorique cartésien, mais plutôt à travers les manifestations d’une mémoire ou spiritualité collective transmise de génération en génération par un processus ésotérique (dans le sens le plus positif de ce terme), c’est-à-dire une suite de rituels quotidiens de la vie pastorale, auxquels participent les « initiés » (tout Tutsi adulte est supposé initié aux rituels pastoraux) et leurs descendants. Le rituel permet à ces derniers l’acquisition spontanée des connaissances à travers les cinq sens. Nil intellectu quid nun prius in sensu : la participation au rituel précède la compréhension intellectuelle. La Loi des Anciens tutsi était donc contenue dans des « Codes ésotériques », qui, au vu de leur contenu, sont des « Codes hébraïques » prescrivant entre autres des règles strictes en matière alimentaire (la cacheroute tutsi) ainsi que divers autres commandements et interdictions divins (imiziro = mitsvot).

En comparant le judaïsme talmudique à leurs pratiques religieuses ancestrales, les Tutsi (ou une partie d’entre eux) se reconnaissent donc comme juifs à cause des nombreux points de convergence : un monothéisme strict très ancien (D. = I..mana = A donaï-ékhad) , la cacheroute, les « imiziro/mitsvot », la vache rousse , etc. mais également l’attachement à la Tradition, le refus du baptême chrétien (les derniers grands rois et chefs tutsi comme Mwezi, Mutaga, Maconco, Rwabugiri et Musinga ont combattu l’évangélisation jusqu’à en mourir pour certains) et de l’assimilation, l’hostilité de l’Eglise catholique romaine ainsi que l’expérience du génocide et la vie quotidienne dans un environnement dominé par des populations ethniquement différentes et souvent hostiles. Le judaïsme des Tutsi est cependant prétalmudique, comme celui des Patriarches, des rois David et Salomon.

Les Tutsi font partie d’un ensemble de peuples appelés « hamites » par les mis-sionnaires chrétiens qui, confrontés à la résistance des Tutsi à la conversion au christianisme, voulaient, à tort, faire retomber sur ces descendants de Cham (mais pas seulement de Cham vu les mélanges avec les hébreux depuis l’époque de Moïse jusqu’au Roi Salomon et plus tard encore) la malédiction de Noé alors que ladite malédiction est adressée à un des fils de Cham, à savoir Canaan (petit-fils de Noé), et pas à Cham lui-même ou aux trois autres fils de ce dernier (Cusch- père de Saba et Havila- Mitsraïm et Puth ; Gn 10, 6-7): “Lorsque Noé se réveilla de son ivresse, il apprit ce que lui avait fait son fils le plus jeune. Et il dit: maudit soit Canaan!” (Gen 9, 24-25) .
Les tutsi préfèrent la qualification de « Cuschites » (Tutsi = Kushi) en référence à l’ancien empire de Kusch où régna la Reine de Saba et son fils Ménélik 1er ( = David II, dont le père aurait été le Roi Salomon d’Israël). La tradition éthiopienne (voir le Kebré Neguest, le livre sacré de la  “Gloire des Rois” d’Ethiopie) veut que la Reine de Saba

( = la Reine Makéda en Ethiopie ) reçut de la part de Salomon un traitement spécial. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’elle représentait les ancêtres de la descendance de Moïse (Saba=grand-père), qui était marié à une éthiopienne, une union protégée par le Saint béni soit Il (lire NO 12, 1-15). Prenant comme référence le Roi Salomon, les tutsi se situent donc dans la tribu de Juda et adoptent, comme les empereurs d’Ethiopie, le Lion comme animal-symbole. On se souvient de Hailé Sélassié qui se nommait « Lion de Judée » et des cinq Rois Lion/NTARE (parmi les 17 rois au total) qu’a connus le Burundi depuis le 13ème siècle à peu près, lorsque les tutsi dits «Abanyaruguru/ben ruguru» (= les fils du Nord) descen-dirent de la Corne de l’Afrique pour se disperser « au-delà des rivières d’Ethiopie » (So, 3,10). Ainsi, la dynastie tutsi qui a été renversée en 1966 au Burundi a été fondéepar NTARE I RUSHATSI CAMBARANTAMA (= Roi Lion I « le Hirsute à la Tunique de bête ») vers 1270 de l’ère profane. NTARE aurait emmené avec lui la mémoire collective juive de l’époque du Roi Salomon. Beaucoup de noms de clans venus avec lui gardent toujours de nos jours des références à leur racine hébraïque « ben » (= fils de), comme par exemple les Ben-engwe, Ban-yakarama, Ban-yamurenge, Ban-yiginya, etc. L’influence de l’hébreu ne peut pas être confondue avec l’influence tardive de l’arabe, les arabes n’ayant jamais réussi à pénétrer dans les territoires contrôlés par les tutsi jusqu’au début de la colonisation européenne (1903). A l’époque des indépendances, la mémoire collective juive des Batutsi se concrétisa notamment par l’adoption de l’étoile de David sur le drapeau du Burundi.
Le terroir géographique des Tutsi est l’ensemble de toutes les régions qui entourent le Nil Blanc  (Pischon ; Gen 2, 10) près de ses sources les plus méridionales-l’Eden primitive?  Jadis, cette région constituait le prolongement naturel du Pays de Guihon (Nil bleu; Gen 2, 10-13) et formait avec ce dernier l’Abyssinie antique. Cette dernière aurait inspiré toutes les grandes civilisations antiques de l’Egypte au du Moyen-Orient. Bien avant la numérotation babylonienne sur base du chiffre 60 (tablettes de Nippur:-2200-1350), la numé-rotation égyptienne sur base de 10(papyrus Rhind : -1650), les kuschites connaissaient un système numérique sur base de 12 et des multiples de 4 (voir le bâton d’Ishango ; -20000 : les 4 noms de la dynastie, les 12 mois,ou plutôt, les 12 « lunes » de l’année, les 12heures de la journée, etc.) qui auraient été ensuite adopté par le peuple hébreu. Kusch, espace du premier homo sapiens est aussi celui du pays de NIMROD, comme il est écrit : « Cusch engendra aussi Nimrod ; c’est lui qui commença à être puissant sur la terre » (GEN10, 8-9). Et c’est auprès d’un cushiteque Moïse apprit l’art de gouverner la multitude (lire Ex 18, 13-26). L’on comprend maintenant pourquoi Salomon appela Makeda Reine de «Saba».

Mathias Niyonzima

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