Avec "Yolocaust", un artiste moque les selfies pris dans les lieux de mémoire
Par Iris Péron, L'Express
"Yolocaust" veut épingler l'attitude des jeunes qui se mettent en scène dans le mémorial de l'Holocauste, à Berlin.
Shahak Shapira est l'auteur du site Yolocaust, devenu viral depuis sa mise en ligne mercredi. Il explique à L'Express sa volonté de "créer un débat sur la façon dont nous devons nous souvenir des événements tels que l'Holocauste".
"Yolocaust", c'est la contraction du terme "YOLO" ("You only live once", "On ne vit qu'une fois", en français) très utilisé par les jeunes internautes et celui d'Holocauste. A l'origine de ce site, qui regroupe des photos de personnes photographiées tout sourire dans le Mémorial de l'Holocaust de Berlin, l'artiste israélien de 28 ans Shahak Shapira.
Son projet se veut dérangeant. Lorsque l'on glisse sa souris sur le cliché, une autre version apparaît, bien plus saisissante: l'artiste a photoshopé toutes les images qu'il a trouvées sur les réseaux sociaux pour y ajouter des photos de victimes de la Shoah, avec des corps décharnés, en arrière-plan.
"Je réfléchissais à ce projet depuis un an environ", confie l'artiste à L'Express. Depuis qu'il a mis son site en ligne, il est devenu viral. "Je veux créer un débat sur la façon dont nous devons nous souvenir des événements tels que l'Holocauste et comment les jeunes le perçoivent aujourd'hui", poursuit-il. Il précise avoir trouvé toutes les photos affichées sur Facebook, Instagram, Tinder et Grindr.
Shahak Shapira, qui vit en Allemagne depuis 14 ans, se présente comme un comédien et un auteur. "Mes projets sont surtout consacrés à troller [polluer les messages sur internet] les néonazis", indique-t-il.
"La plupart des gens apprécient ce projet"
Sur les photos qu'il a choisies, on aperçoit tour à tour des jeunes qui sautent, font des figures de gymnastique, jonglent, ou posent simplement, mais tout sourire, dans les dédales du Mémorial de Berlin. Lui-même avoue qu'il ne prendra jamais d'images de lui-même "en train de faire de skate, ou de jongler au beau milieu d'un mémorial de l'Holocauste", mais que les clichés choisis illustrent "les attitudes de beaucoup de jeunes qui le visitent". Pour le moment, assure le jeune artiste, aucune personne ne se reconnaissant sur les images ne lui a demandé de les retirer de son site.
Mercredi, l'engouement pour "Yolocaust" a été tel, qu'il a été un temps indisponible. Les retours du public sont partagés, affirme Shahak Shapira. "La plupart des gens apprécient ce projet et estiment qu'il est important, mais d'autres le trouvent horrible et le détestent. Je me sens bien avec les deux types de réactions, tant que les gens en parlent et réfléchissent à cette démarche", décrypte-t-il, philosophe. Selon son auteur, l'un des grands-pères de Shahak Shapira est un rescapé de la Shoah et l'autre, Amitzur Shapira, ferait partie des 11 sportifs israéliens qui ont été tués par un commando palestinien aux Jeux olympiques de 1972.