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Israël-Palestine : le grand plan de Trump (info # 011503/17) [Analyse]

Par Sami El Soudi © Metula News Agency

 

Depuis quelques mois, il ne se passait rien de remarquable dans l’Autorité Palestinienne. On y craignait surtout l’avènement de Donald Trump et de son entourage juif hyper-sioniste, et l’on mettait en garde le nouveau président, notamment contre le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, n’hésitant pas à évoquer une quatrième Intifada.

 

Sur le terrain, on notait l’opposition politique grandissante de Mohamed Dahlan, l’ex-chef des Forces de Sécurité Préventive palestiniennes, qui avait fui en Egypte en 2007 pendant que ses officiers étaient précipités du haut des toits par les islamistes du Hamas qui venaient d’évincer par la force le Fatah de Gaza. Dahlan se pose désormais en alternative à Mahmoud Abbas, qu’il accuse de faire la politique d’Israël en maintenant la coordination sécuritaire avec Jérusalem.

 

Cette dernière démontre chaque nuit son efficacité en permettant de neutraliser des cellules du Hamas et leurs fabriques d’armes en Cisjordanie ; les forces israéliennes, encadrées par le Renseignement, opérant sans cesse pour empêcher la reformation de la présence armée de la Résistance Islamique dans ce territoire. Le Hamas restant l’ennemi mortel de la direction palestinienne à Ramallah.

 

Puis les relations entre Donald Trump se sont soudainement décantées ; après des discussions préliminaires à des échelons subalternes, le président a appelé M. Abbas dimanche dernier par téléphone, ils ont convenu d’une visite prochaine du président de l’Autonomie Palestinienne à Washington, et décidé d’engager des discussions initiales en vue de remettre le processus de négociation entre Ramallah et Jérusalem sur les rails.

 

Concrètement, la Maison Blanche a envoyé dans la région Maître Jason Greenblatt, nommé par M. Trump au poste de Représentant Spécial pour les Négociations Internationales. Depuis, cet Israélite de 49 ans, appartenant à la congrégation orthodoxe américaine, issu de l’Académie talmudique Marsha Stern, d’une Yéshiva académique, et détenteur d’une licence en droit de l’Université de New York, fait la navette pour rencontrer des interlocuteurs israéliens et palestiniens. Son séjour extraordinairement long dans notre partie du monde l’y maintiendra jusqu’à la fin du mois.

 

Greenblatt connaît bien la réalité régionale et sa problématique. Il a notamment publié un livre de voyage en Israël, destiné aux visites familiales. Surtout, au contraire d’autres membres de la nouvelle administration, il ne cache pas qu’il soutient la solution à deux Etats, à la condition qu’elle ne soit pas imposée par des éléments extérieurs au différend, à l’instar de l’ONU. Dans la même foulée, il a affirmé que "les implantations en Cisjordanie ne constituent pas un obstacle à la paix".

 

Or ce juif sioniste, conservateur et pratiquant, s’est vu réserver un accueil de chef d’Etat, hier (mardi) à la Moukata de Ramallah, le siège du gouvernement de l’Autonomie Palestinienne. Outre Mahmoud Abbas, Jason Greenblatt a été reçu par les hommes forts du Fatah, à commencer par Saëb Erekat, l’inamovible secrétaire général du Comité exécutif de l’OLP, par le chef du Renseignement de l’AP, Majid Faraj, ainsi que par notre nouvel ambassadeur à Washington, Hussan Zomlot.

 

Officiellement, il ne s’agissait que d’une prise de contact, mais à l’aune des déclarations des uns et des autres, augmentées par les commentaires du Consulat US de Jérusalem, on s’est rapidement rendu compte qu’il y avait anguille sous roche, et que l’on assistait en fait à une réunion préparatoire en vue d’une grande offensive diplomatique.

 

Ainsi recadrée, la rencontre avait pour but, pour les Américains, d’obtenir un recentrage dénué d’ambiguïté de la part d’Abbas, par lequel il a pris l’engagement de combattre la 3ème Intifada larvée, menée par des Palestiniens contre des Israéliens. C’est ainsi que le président de l’AP a assuré son interlocuteur de "sa garantie de combattre la violence, le terrorisme, ainsi que de mettre fin à tout ce qui ressemble à de l’incitation" (au désordre, au crime et à la haine).

 

Abbas a ainsi rempli l’une des préconditions fixées par Washington et Jérusalem à la reprise du dialogue. Le petit Raïs répondait à l’annonce faite par Greenblatt, qui affirma que "Donald Trump était engagé à parvenir à une paix durable par des négociations directes, et qu’il accordait une importance majeure à ce que toutes les parties œuvrent désormais à la désescalade des tensions".

 

Le No.1 palestinien a renchéri – quel changement d’orientation et de ton ! – en jurant qu’il était entièrement engagé à créer une atmosphère appropriée pour parvenir à la paix – une autre requête israélienne – et à le faire savoir au public israélien. A deux doigts de l’euphorie, Abbas déclarait : "Sous le leadership de Trump, un accord de paix historique est possible". Comparé aux communiqués hargneux des derniers mois, si l’on n’en savait pas un peu plus sur les raisons profondes de ce revirement, on pourrait croire à de la sorcellerie.

 

Greenblatt et Abbas reprenaient finalement cette envolée d’espoir à l’unisson, parlant d’un "engagement commun à avancer vers une paix vraie et durable entre Israéliens et Palestiniens".

 

Côté conseillers palestiniens, on espère un engagement israélien pour mettre fin au conflit et parvenir à un accord. Lequel devrait uniquement retenir la solution des deux Etats, basée sur les frontières de 1967. Voici énoncée la position de départ de l’AP, que l’on peut juger raisonnable après les promesses faites par Barack Obama, François Hollande, et les résolutions du Conseil de Sécurité. A la fin d’une négociation sérieuse, on pourrait sans doute aboutir au maintien des trois régions de peuplement israéliennes, avec de minimes échanges de territoires, mais ne le répétez pas !

 

Car l’emplacement de la frontière entre Israël et l’Etat palestinien n’est pas ce qui importe le plus ; l’essentiel, et l’administration Trump l’a visiblement compris, est que l’on n’a aucune chance d’instaurer la paix dans l’atmosphère pourrie qui prévaut entre les voisins. Au mieux, on aboutirait dans ces conditions à un armistice, et ce n’est pas ce dont la région et ceux qui y vivent ont besoin.

 

L’idée de Trump est de ramener les Palestiniens à leur dimension réelle, avec les exigences sensées qu’ils peuvent formuler. La Palestine, ce n’est pas la Chine, ni l’Egypte, ni l’Italie, ni même la Norvège. C’est un pays qui n’a jamais existé et qui, s’il voit le jour, le devra, non pas aux autres Etats arabes, mais à l’Amérique et à Israël.

 

Dans le même registre, Washington va également restreindre les ambitions de Jérusalem : Israël est un Etat petit à moyen sur l’échelle du monde, qui compte surtout par son niveau technologique et militaire. Mais ce n’est pas la Russie, à laquelle personne n’ose sérieusement demander de se retirer de la Crimée occupée.

 

Ce que veut Trump est organiser au plus vite un front uni sunnites-Israël pour contrer la progression des Iraniens en Irak, en Syrie et au Liban. D’où le slogan fort à ce propos de Netanyahu : "Ne pas remplacer DAESH par Téhéran". Un message porteur s’il en est, qui fédère sans problème Riyad, le Caire, les Emirats du Golfe, la Jordanie, etc.

 

C’est pour cela que Washington prépare la tenue d’une réunion à Amman entre ces nouveaux alliés. Non pas pour résoudre le problème palestinien, mais pour se doter d’une organisation à la mesure du danger, et demander aux Palestiniens et aux Israéliens de se dépêcher de se mettre d’accord ; de faire en sorte que la Palestine devienne un petit Etat sunnite "modéré", le terme a plusieurs fois été utilisé hier à Ramallah.

 

Si la direction de l’AP refuse d’être raisonnable, elle perdra ses soutiens arabes qui ont déjà fortement diminué, perdra l’appui de Trump et se trouvera isolée face à l’extrême-droite israélienne. Pire que ça, cela jetterait du sable dans les engrenages de la coalition militaire anti-Iran, ce qui fâcherait Riyad.

 

C’est en signe de bonne volonté que Donald Trump a approuvé la fourniture d’armes aux Saoudiens pour un contrat de 390 millions de dollars, que Barack Obama avait bloqué mais qui sera suivi de beaucoup d’autres. Même si l’Amérique est de moins en moins tributaire du pétrole arabe, elle veut les Arabes de son côté et entend réparer les infidélités que leur avait faites le pensionnaire précédent de la White House. Pour y parvenir, Trump a convié cette semaine à Washington le ministre saoudien de la Défense et le Prince Mohammad Bin Salam avec un agenda chargé. On y parlera de tout, l’Iran, la Palestine et l’aide accrue que les USA pourraient fournir à la coalition arabe au Yémen.

 

Donald Trump veut également s’assurer de la présence du Roi Salmane al Saoud et des émirs à Amman. C’est du lourd, car au lendemain de cette rencontre, ils ne pourront plus dire qu’ils ne reconnaissent pas Israël et qu’ils ne sont pas "en affaires" avec lui.

 

C’est pour les encourager que le président milliardaire multiplie les déclarations concernant son intention de résoudre le problème palestinien, genre : "J’envisage un accord global qui mettra un terme au conflit israélo-palestinien", ou "Ma conviction personnelle est que la paix est possible et que le temps est venu de parvenir à un accord !", et, "Mon désir est de réaliser l’accord le plus difficile de tous".

 

Plus il multiplie les formules de ce type, plus Trump pourra persuader les grands Etats sunnites de la mise en route d’un processus irréversible. Surtout s’il retarde le transfert annoncé de son ambassade à Jérusalem. 

 

Il est certain que l’extrême droite israélienne, les Edennistes et leurs partisans sont terriblement irrités par la médiation en cours de Jason Greenblatt. Mais Binyamin Netanyahu se montre très prudent afin de ne pas irriter son grand ami, dont il a si longtemps et si ardemment souhaité le succès. C’est à peine si le 1er ministre hébreu a chuchoté à l’oreille de l’émissaire yankee, dimanche dernier, qu’il entendait construire une nouvelle implantation pour y loger les évacués d’Amona.

 

Pour le moment, à la demande expresse de l’ami Trump, les travaux dans les implantations sont à l’arrêt, et le vote concernant l’annexion de Maâlé Adoumim à la Knesset a été à nouveau reporté. On est loin du rêve des Edennistes qui pensaient, sous le nouveau président, pouvoir annexer les zones C de Cisjordanie, puis la Cisjordanie toute entière.

 

C’était une chose, pour Netanyahu, de s’opposer à Obama, un adversaire déclaré avec lequel on n’avait plus grand-chose à perdre ; c’en est une autre de refuser la demande d’un ami, avec lequel on travaille sans filet. Car à l’époque Obama, le chef du gouvernement hébreu pouvait compter en Amérique sur l’appui du lobby pro-israélien, du Congrès à majorité Républicaine, et sur plusieurs soutiens inflexibles chez les Démocrates, mais maintenant, s’il se fâche avec Trump, Netanyahu sera seul. Cela explique sa circonspection.

 

Durant les derniers mois, le Premier ministre avait ignoré notre existence ; toute coopération avec Ramallah se bornait au domaine sécuritaire. Maintenant qu’Abbas sera reçu à Washington, cette approche ne sera plus possible. Elle découlait de la faiblesse endémique de la droite israélienne : son absence de projet de cohabitation avec les Palestiniens. Au Likoud, cela relevait d’une erreur politique, à Israël Beyténou et plus à droite, on faisait clairement confiance au ciel pour qu’il résolve ce problème.

 

L’encouragement, à la Maison Blanche et dans les capitales sunnites, provient de la personnalité de Binyamin Netanyahu : ce n’est pas un idéologue mais un politicien. Il ne préfère pas les Edennistes au Travaillistes, c’est juste à qui lui fournira la base coalitionnaire la plus large et la plus stable pour se maintenir au pouvoir. On l’a vu après la réunion d’Akaba, lorsque les Saoudiens et les autres Arabes lui ont discrètement proposé de négocier sur la base du "projet saoudien". Le Premier ministre n’avait pas refusé, il a, au contraire, tenté de s’allier aux Travaillistes pour faire avancer les choses. Netanyahu a d’ailleurs plus d’amis potentiels à Yesh Atid (Lapid, centre-droit) et auprès des Travaillistes (centre-gauche), que chez Bennett ou Lieberman, et même que dans son propre parti où il n’est pas en odeur de sainteté.

 

Avec l’arrivée de Donald Trump aux affaires, l’offre arabe reste identique, mais elle pourrait être aménagée et garantie par les Etats-Unis. Ce serait alléchant pour Bibi, qui pourrait être tenté par un coup à la Ariel Sharon : quitter le Likoud alors qu’il est Premier ministre et créer un nouveau parti pour réaliser sa politique, en criant "Qui m’aime me suive !".

 

Une chose est sûre : Donald Trump sait où il veut aller, et je ne conseille strictement à personne de se mettre en travers de son chemin et assurément pas de tenter de lui dicter ce qu’il doit faire. C’est terriblement périlleux avec les autodidactes qui ont réussi à devenir président des Etats-Unis.

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