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New York orpheline de Sidney Lumet

Le réalisateur de «Douze hommes en colère», «Serpico» et «Network» est décédé à 86 ans à Manhattan, samedi 9 avril, laissant une œuvre riche de cinquante films

Sa fascination pour la ville des villes fut telle, qu’il a pu apparaître comme un cinéaste «new yorkais», aux côtés de Woody Allen ou de Martin Scorsese. Bien que natif de Philadelphie, à cent cinquante kilomètres plus au sud, Sidney Lumet, décédé samedi 9 avril des suites d’une longue maladie dans son appartement de Manhattan, aura lui aussi contribué à dresser le portrait complexe de la mégalopole.

Notamment à travers une série de polars (Un après-midi de chien, Serpico, Le Prince de New York) qui s’interrogeaient tous sur la place de l’homme plongé dans l’extrême urbain.

À l’inverse de ses condisciples, Sidney Lumet n’accéda que tardivement à la reconnaissance de ses pairs. Nommé cinq fois aux Oscars dans la catégorie Meilleur réalisateur, il n’obtint jamais la récompense et dut se consoler avec une statuette d’honneur, remise en 2005, à 80 ans passés.

Deux ans plus tard, en 2007, le festival de Deauville lui rendait un hommage appuyé, doublé d’une rétrospective à la Cinémathèque française. Devant une salle debout, le cinéaste aux épaisses lunettes s’était écrié, ému : «Il ne fallait pas en faire tant, je serais venu pour rien».

Chantre de la tolérance

Avant d’offrir aux spectateurs, en avant-première mondiale, son dernier film : 7 h 58 ce samedi-là. Œuvre nerveuse, très noire, formidablement portée par Philip Seymour Hoffman et Ethan Hawke, dans laquelle deux frères organisaient le hold-up de la bijouterie de leurs parents.

Vision implacable des relations filiales, situations sans issue, âpreté des contacts humaines, rapports troubles entre pègre et police…

Le cinéma de Sidney Lumet a mis en scène, plus que d’autres, des personnages se débattant de manière obstinée contre différentes formes d’oppression, permettant à l’auteur de déployer les thèmes qui lui étaient chers : la tolérance, l’homme face à l’institution, à la loi, à la morale ou à la recherche de la vérité. Bon nombre de ces questions figuraient déjà dans son premier long-métrage de cinéma,

Douze hommes en colère, tiré de la pièce de Reginald Rose. Produit et superbement interprété par Henry Fonda, ce film de 1957 montrait, dans le cadre d’un procès, les doutes d’un juré face à l’unanimité de ses collègues.

 

Serpico, croisade anti-corruption

Fils d’un comédien de théâtre juif, Sidney Lumet était un enfant de la balle. Il avait fait très jeune ses premiers pas sur scène, avant de rejoindre la cohorte des acteurs dont la radio avait alors grand besoin.

Le goût de la mise en scène lui vint à 23 ans, lorsqu’il monta ses premiers spectacles d’avant-garde off-Broadway. Puis, au début des années 1950, en tant que réalisateur de télévision, notamment pour les séries Danger et You are here.

Ses débuts brillants dans le 7e Art allaient inaugurer une carrière de plus d’un demi-siècle. Un chemin ambitieux, jalonné d’adaptations de pièces de théâtre (de La Mouette de Tchekhov à L’Homme à la peau de serpent de Tennessee Williams) et entrecoupé d’éclipses…

Mais, surtout, riche d’œuvres marquantes, telles que, dans les années 1970, Serpico, croisade anti-corruption d’un flic intègre, menée de main de maître par Al-Pacino, ou Network, satire d’une télévision vendue aux puissances d’argent, sacrifiant le journalisme au divertissement. De la race des vrais lucides, Sidney Lumet n’avait rien perdu de son ton incisif.

Arnaud Schwartz
 

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