L’Union européenne et les sanctions contre l’Iran
David Bensoussan
L’auteur est professeur de sciences à l’Université du Québec
Le président Trump n’a jamais mâché ses mots pour critiquer l’accord des 5 +1 conclu par les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne ainsi que l’Allemagne avec l’Iran au sujet du contrôle du programme nucléaire iranien signé à Vienne, en juillet 2015. Il a décidé unilatéralement de se retirer de cet accord et de retourner au régime de sanctions contre l’Iran. Ces sanctions touchent également les compagnies qui transigent avec ce pays, car elles ne pourront faire affaire avec les États-Unis. Étant que pour les Européens, le marché à l’exportation iranien d’une vingtaine de milliards de dollars est relativement négligeable par rapport au marché américain évalué à plus de 350 millions de dollars, il ne faut pas s’étonner de ce que les compagnies européennes se retirent de l’Iran.
La seconde série de sanctions prend effet en novembre et touche le secteur énergétique. Déjà la Corée du Sud, le Japon et l’Inde ont annoncé leur intention de cesser leurs importations de pétrole iranien. La compagnie française Total s’est retirée d’un projet d’investissement de 5 milliards de dollars dans les infrastructures pétrolières et gazières iraniennes. L’Iran qui produit quotidiennement 2,5 millions barils de pétrole s’attend à ce que ses exportations se réduisent de 75% et qu’elles se transigent à très bas prix.
L’effet des sanctions sur l’économie iranienne
En Iran, l’inflation atteint 24% et le chômage touche 30% des jeunes. La monnaie iranienne a perdu 50% de sa valeur depuis le mois d’avril. Le cours non officiel atteint plus de 150 000 rials comparés au taux officiel de 42 000 rials. À lui seul, le secteur énergétique qui sera rudement touché à partir du mois de novembre représente 20% du PNB iranien et 50% du revenu gouvernemental.
Le public iranien est frustré de ce que son pays qui vient au 27e rang international sur le plan du produit intérieur brut, possède 10% des réserves mondiales de pétrole et 14% des réserves en gaz naturel ne voit pas les retombées de cette richesse et soit réduit au troc et au marché noir. L’Iran est classé au 130é rang sur le plan de la perception de corruption selon Transparency International et le corps des Gardiens de la Révolution se conduit comme un état dans l’état.
Les slogans qui ont été entendus en Iran expriment cette frustration : « Mort au dictateur; non à Gaza et non au Liban; mort au Hezbollah; mort à la République islamique; mort à la Palestine; laissez tomber la Syrie et occupez-vous de nous. »
La réaction de l’Iran
Mis à part le langage injurieux envers les États-Unis, l’Iran menace de fermer le Golfe persique par lequel transitent 30% de la production de pétrole mondiale et dont 90% sont destinés à la Chine, au Japon, à la Corée du Sud et à Singapour. Plusieurs officiels iraniens ont menacé d’activer des milliers de cellules terroristes dormantes en Occident advenant le cas où les exportations de pétrole iraniennes seraient bloquées.
Le leadership iranien se refuse de négocier avec les États-Unis qu’il qualifie de grand Satan. Le financement de 80 000 miliciens chiites en Irak et en Syrie crée une grande insatisfaction auprès de la population iranienne, d’autant plus que l’Iran fait face à une crise de sécheresse depuis 15 ans qui a forcé des centaines de milliers de villageois à abandonner leur demeure. De plus, l’Iran est écarté de la Syrie par la Russie malgré les dizaines de milliards qu’il y a investis. Le Liban est frustré de ce qu’il soit devenu l’otage du Hezbollah financé par l’Iran. Les interventions iraniennes au Yémen y ont aggravé la misère des Yéménites. En Irak même et notamment dans la région de Basra, la population chiite est frustrée de l’ingérence iranienne et manifeste son mécontentement.