ISRAËL, TERRE PROMISE DE L'ADTECH
Dans le pays aux 5000 start-up, eldorado des développeurs, les jeunes pousses se positionnent d'avantage sur les enjeux de sécurité et de data.
La «deuxième Silicon Valley» de la planète ne passe pas à côté du phénomène adtech. Israël, pays aux 5000 start-up pour seulement 8 millions d'habitants et, à ce titre, authentique «start-up nation», abrite un écosystème qui s'est naturellement développé sur le créneau très porteur de la technologie appliquée au secteur de la publicité en ligne.
Dans les médias, la vidéo, le big data, le marketing prédictif, le gaming ou l'intelligence artificielle, les start-up fourmillent. Or ce sont des compartiments de recherche, parfaitement couverts par les labos universitaires israéliens, qui sont autant de terrains de jeux en plein essor quand on en vient à leurs applications dans la publicité en ligne.
Le banquier d'affaires Philippe Guez ne s'y est pas trompé. Avec son associé Éric Elalouf et la banque Rothschild, il a monté, il y a un an, un fonds doté de 100 à 150 millions de dollars dédié à l'adtech. Du haut d'une des tours de bureaux flambant neufs qui dominent les quartiers les plus modernes de Tel-Aviv, leur fonds Maor 1 prévoit, sur quatre ou cinq ans, de faire une trentaine d'investissements dans de jeunes po
usses prometteuses pour 3 à 5 millions de dollars et jusqu'à 10 si besoin. Avec, à la sortie, dans maximum dix ans, des retours sur investissement de dix à cent fois la mise de départ, si tout se passe bien.
Maor 1 a ainsi pris des «tickets» dans Bizzabo, une start-up qui a développé un logiciel de gestion d'événements, Photomyne, une appli qui permet de scanner ses vieilles photos argentiques, ou Pyramid Analytics, un logiciel d'analyse de données qui se pose en concurrent sérieux de Microsoft dans la business intelligence.
Israël est l'eldorado des développeurs. Au dernier décompte, le pays en compterait 35.000, à l'origine de 15 % des logiciels créés dans le monde. Cette position, qui s'explique en grande partie par le passage obligé par la case armée pendant dix-huit mois à trois ans de chaque classe d'âge, garçons et filles confondus, irrigue les percées nationales dans l'adtech.
La publicité digitale devenant prédominante dans les marchés développés, toutes les solutions logicielles qui s'y rapportent sont assurées sinon de trouver de forts débouchés commerciaux, au moins de susciter la curiosité d'un marché actuellement acculé à une totale recomposition. Les annonceurs et leurs partenaires, les agences en charge d'acheter pour eux de l'espace en ligne et de faire des choix parmi tous les canaux de communication en ligne, sont à l'affût des technologies de rupture qui permettront d'atteindre le Saint Graal: toucher avec le bon message la bonne personne, au bon moment et au bon endroit. C'est l'objectif. Mais il est encore assez lointain.
Aujourd'hui, le monde publicitaire numérique se débat plutôt avec des problèmes de fiabilité, de sécurité et d'efficacité. Les publicités sur Internet sont-elles bien vues par les internautes? Apparaissent-elles toujours dans le bon contexte? Les grandes marques, qui cherchent à entrer en relation avec les consommateurs par tous les moyens et inondent les plateformes de leurs vidéos publicitaires, sont très préoccupées par ces sujets. Où va leur argent et est-il bien investi?
Les start-up israéliennes les plus en vue, celles dont la valeur est en train d'exploser, tentent de traiter ces questions cruciales. L'écosystème local, très axé sur la cyberdéfense en raison de l'état de guerre permanent du pays, répond justement à ces enjeux. La société de cybersécurité Cheq se positionne dans l'«advérification», c'est-à-dire la vérification de l'effectivité de la pub en ligne. «30 % des dépenses en ligne sont sans effet», rappelle Daniel Avital, en charge de la stratégie de Cheq.
La start-up accueille depuis cet été le géant japonais de la publicité Dentsu à son capital et elle a signé des partenariats avec des agences comme Grey (WPP) et IPG (Interpublic) ou de grands annonceurs comme Coca-Cola ou P&G. À la différence des solutions existantes qui ne font que constater a posteriori la fraude au clic ou le contexte inapproprié dans lequel a été diffusée une pub, elle propose, grâce à une intelligence artificielle utilisée dans l'armée, de traiter de manière préventive et à large échelle ces problèmes de brand safety, de visibilité ou de fraude. Sa valorisation actuelle (quelque 25 millions de dollars) pourrait être rapidement multipliée par 4 ou 5…
Une autre start-up, Albert AI, promet, elle, de libérer les marketeurs des tâches répétitives que nécessitent leurs opérations en ligne en automatisant la plupart d'entre elles. Quel que soit le support (e-mail, mobile, réseaux sociaux, moteurs de recherche, display classique), Albert s'occupe de tout et jure de s'améliorer au fil des campagnes. Son cofondateur, Or Russo, un ancien de l'armée de l'air israélienne, espère ainsi révolutionner le marché de la publicité.
À chacun sa spécialité. Mais dans l'adtech, beaucoup de start-up proposent des solutions qui tournent autour de l'exploitation de data. En la matière, tout peut y passer: les segmentations de données sont infinies en marketing. La promesse de la communication personnalisée d'une marque à chaque individu en tenant compte de ses habitudes, de ses goûts, voire de son humeur, risque d'occuper encore pour moment les têtes bien faites en Israël.
Source : Le Figaro