Considérations sur l’antisémitisme en France (info # 012001/19) [Analyse]
Par Guy Millière © Metula News Agency
C’était voici peu le quatrième anniversaire des attaques islamistes perpétrées contre la rédaction du magazine Charlie Hebdo et contre le supermarché Hypercacher de la porte de Vincennes. Les journaux français en ont peu parlé. L’actualité était chargée, certes, en raison du soulèvement des gilets jaunes. Néanmoins, il semble que parler du danger terroriste islamique en France et en Europe ne soit plus une priorité du tout pour la quasi-totalité de la presse du pays. Il semble que parler du danger islamiste ne soit, d’une même façon, plus une priorité du tout. Pourtant, le danger terroriste islamique n’a pas disparu : des attaques isolées, commises au couteau, à la machette ou à la voiture bélier se produisent de manière relativement fréquente. Le danger islamiste lui-même n’a pas disparu non plus : des articles et des rapports en traitent sporadiquement, puis disparaissent, comme si le danger était là, qu’on le savait, et qu’il fallait s’en accommoder ou le considérer comme faisant partie de la vie quotidienne et de l’air du temps.
Et en arrière-fond du danger islamiste, remonte en puissance ce qui a motivé le tueur de l’Hypercacher : l’antisémitisme islamique. Diverses études montrent que celui-ci est très répandu dans les quartiers qu’on appelle pudiquement les "banlieues de l’islam", et se répand plus largement dans le pays partout où se rencontrent des communautés musulmanes. Ce, pour des raisons qui ne sont, hélas, pas surprenantes : le monde musulman est depuis longtemps imprégné d’antisémitisme islamique. Et il est logique que des gens venant du monde musulman (et restant pour la plupart en relation constante avec lui) portent assez largement en eux ce qui imprègne le monde musulman.
L’antisémitisme islamique se répand d’autant plus aisément qu’il trouve en France des compagnons de route sous la forme des gauchistes "antisionistes", que l’on rencontre dans des mouvements tels qu’Europalestine, mais aussi sous celle d’individus nauséabonds qui oscillent entre l’extrême gauche et l’extrême droite tels qu’Alain Soral ou Dieudonné.
L’antisémitisme islamique s’alimente en outre dans le traitement que la presse française, et plus largement les media audiovisuels tricolores, réservent en général à Israël, qui est désormais (avec les Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump) le pays aux dépens duquel l’immense majorité des journalistes se font l’immoral devoir de disséminer un maximum d’incitations à la haine.
L’antisémitisme islamique s’alimente enfin dans l’attitude du gouvernement français, qui poursuit aujourd’hui sans l’atténuer ou l’infléchir la politique anti-israélienne qui a existé sous les gouvernements précédents. Un antisémitisme qui n’a pas beaucoup varié depuis la mise en route de la "politique arabe de la France" par le Général de Gaulle et le sinistrement célèbre discours incriminant un "peuple dominateur et sûr de lui".
Le gouvernement français actuel mène une politique anti-israélienne parce que la "politique arabe de la France" constitue l’épine dorsale de sa politique étrangère, mais aussi parce qu’au cours des cinquante dernières années, des liens parfois très troubles et très compromettants ont été noués entre l’Etat français et des régimes du monde musulman pas du tout présentables. Parce que la diplomatie française en ce contexte s’est faite le héraut de la “cause palestinienne” et a souvent fermé les yeux sur le terrorisme antijuif, voire lui a trouvé des excuses (on peut se souvenir des propos tenus par Raymond Barre après l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic). Mais aussi, parce que la France est devenue le principal pays musulman d’Europe, et que les gouvernements français successifs, ayant tiré les leçons d’émeutes antécédentes, pratiquent l’apaisement le plus servile, et savent que promouvoir des positions anti-israéliennes est un bon moyen de pratiquer l’apaisement.
Des manifestations de gilets jaunes, ces dernières semaines, ont été porteuses ici ou là de slogans antisémites.
Alain Soral et Dieudonné s’y sont montrés et ont apporté leur vomitive contribution. On a vu également des négationnistes d’extrême droite, tels l’abject Hervé Ryssen, tenter d’utiliser la présence de caméras pour tenter de se faire entendre.
Le gouvernement français a cyniquement utilisé les slogans antisémites, la présence de Soral, de Dieudonné ou d’Hervé Ryssen au sein des manifestations pour assimiler tout le soulèvement des gilets jaunes à l’antisémitisme, ce qui lui permet tout à la fois de porter le discrédit sur le soulèvement dans son ensemble et de pointer du doigt certaines formes d’antisémitisme (absolument condamnables), tout en persistant à passer sous silence l’essentiel de l’antisémitisme présent et agissant dans le pays.
Le gouvernement français pourrait paraitre un peu plus sincère et bien davantage porteur d’intentions estimables s’il dénonçait nommément les antisémites qui s’efforcent d’infiltrer le soulèvement et s’épargnait de tenter de discréditer le soulèvement dans son ensemble. S’il dénonçait toutes les formes d’antisémitisme en France aujourd’hui, strictement toutes, à commencer par l’antisémitisme qui tue des Juifs, et s’il rompait avec ses positions anti-israéliennes.
Ce serait, je sais, infiniment trop lui demander.