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Un prince s'en est allé

 

Haim ben Esther , je ne lirai plus les psaumes destinés à ta guérison .

Mon pilier vient de basculer ,tout chavire autour de moi .

L’impensable longtemps réfuté et différé a fait effraction .

Comme un couperet cinglant .

Prévisible ? Jamais.L’amour maintient vivants nos élus du coeur

La sauvagerie de la mort , son obscénité , ce mot sale et indigeste .

La maladie est la pire des élections !

 Avalanche arbitraire survenue par effraction ,mon frère l’a reçue  comme un invité surprise a qui l’on prépare un lit ,persuadé  de son départ plus proche que lointain.

Toi si stoïque , si téméraire , si battant .

Debout , vivant , royal je te vois encore inaltéré .

Seule ta voix ne réussissait pas à  filtrer tes états  d’âme  .

Baromètre intime .

Longtemps nous avons été  proches , toi divorcé , moi celibataire .

Explorant ensemble galeries ,musées et autres événements choisis .

Certains nous prenaient pour un couple ! Nous regardions dans la même direction selon la définition de St Exupery .

Hédonistes  , nous partagions le même  goût du raffinement , du panache et de son vertige .

Parfois  ma tendance iconoclaste te révoltait et tu t’ecriais comme un frère aîné  qui revendique son autorité empirique teintée de maturité  .

Benjamine insolente et émancipée  j’ai pris le large ,mais nos retrouvailles etaient toujours chaleureuses et répétées  .

Je garde de toi une image altiere .

Ta culture incontestée séduisait

 plus d’un.

Ton club de fans sur FB et leurs 300 réactions approbatives le confirment .

Ton sens aigu de la transmission t’a conduit à perpétuer un des plus beaux rituels  :  poster chaque semaine une exégèse  sur la paracha .

Nombreux inconditionnels  s’y abreuvaient .

Cosmopolite laïc , tu refusais l’étrécissement  des orthodoxes 

Sioniste invétéré  tu l’étais  .

Tel Aviv te captivait pour ses nuits blanches et sa liberte d’esprit .

St Tropez , ton ancre d’adoption avec sa légende , ses terrasses et son défilé de belles femmes t’étourdissait. 

Le Maroc ton pays d’origine , 

jamais quitté ou tu revenais compulsivement avec joie et gourmandise .

Ses souks ou les marchands te considéraient comme un pacha souverain , qui ne marchande pas .

Tes deux filles , et leurs enfants , ultime fierté , pour toi  meurtri a jamais par la perte de ton fils. Jamais remis du kidnapping de Fabrice , parti trop tot .

Son cancer , un vrai poignard , une blessure béante à  jamais .

Comment survivre a son enfant ?

Si peu naturelle , cette inversion cruelle , cette non perpétuité .

Suite à  son départ , la dépression t’a enveloppé  , tel un rempart .

Ton rythme devint plus lent , toi l’homme d’affaire averti , tu negligas tes boutiques au point de les perdre .

Célébrer ton cercle d’amis fut ta rédemption .On se souviendra de tes tables festives et des mets savoureux concoctés  avec amour .

Ta diligence face à l’éventail des médecins  m’a surprise .

Ton entiere confiance en leurs traitements .

Tu refusais toute hypothèse parallele aux protocole proposé  .

Fidèle  , tu aimais etre reconnu dans leurs services et t’y rendais avec discipline .

Tu t’es jamais arrêté en chemin comme le suggerait Holderlin pour mettre en doute le pouvoir exorbitant de la science .

En frère  aîné  tu te sentais le devoir d’être  exemplaire .

Tes mots nourriciers avaient un sens , un espoir , une Tiqva .

Tu as poursuivi ta route entre les lisières de la lourde réalité de ton cancer et le désir de t’en défaire .

Tu es parti durant Shushan Pourim désigné aux villes jalonnées de rempart comme Marrakech ou Jérusalem. 

La paracha Tzav te ressemble avec son constant feu brûlant sur l'autel , toi le passionné qui n'a jamais éteint sa ferveur.

A Paris en Décembre tu as tenu à nous accompagner à l'exposition de Freud.Ton enthousiasme etait contagieux.

Mon unique consolation à ce jour , je la puise dans la Torah ou la vie ne se limite pas a une seule existence .

C’est sans doute la raison pour laquelle le mot vie ne peut se dire au singulier .En hebreu on dit : les vies  ‘’ Lè Rhaim  ‘’.

La vie a une infinie possibilité de se recréer .

Le Talmud nous dit dans le Pirquei Avot (l’ éthique  de nos pères )

‘’ Ceux qui naissent sont destinés à  mourir et ceux qui meurent sont destinés à revivre ‘’.

Les Kabbalistes nous disent que l’on peut revenir dans une nouvelle existence terrestre Guilgoul en hebreu vient de Galgal qui signifie cercle .

Ni début ni fin , juste un infini au sens ou Hegel l’entendait ….

Ta transmission perdurera via tes enfants et petits enfants .

Mon frère aîné , irremplaçable ,tu seras dans mon coeur .

 Ta marche impérieuse dans cette épreuve restera une inspiration.

Que ton âme s’élève  .Amen.

 

Vanessa De Loya Stauber

 

 

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