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Mimouna, une fête bien différente des autres….

Ce n’est véritablement pas une célébration religieuse, et nul à ce jour ne peut déterminer son fon dement tant sont nombreuses les hypothèses. Il est fort à penser que cette fête typiquement judéo-espagnole fait suite à l’expulsion des Juifs d’Espagne par Isabelle la catholique, encouragée par son confesseur le triste et sanguinaire « converso » Tomas de Torquemada . 

Elle débute comme il est prescrit, « à l’apparition des étoiles et se termine au coucher du soleil le lendemain ». Enfin, elle clôture la fin de la Pâque juive ( Pessah : la traversée du désert des hébreux, fuyant l’Égypte sous la conduite de Moïse).

Mais qu’importe son origine ! C’était l’une des fêtes les plus attendues de notre « bande » de jeunes adolescents, car Mimouna était assurément un gage d’une belle soirée passée dans les familles de Casa, au son d’une musique arabo-andalouse dont les communautés séfarades sont friandes.

Pour participer à cette éclatante fête du partage, il suffisait d’avoir une personne connaissant l’hôte de la maison, pour pénétrer dans la ronde interminable des visites gourmandes ainsi que la formule de circonstance : « tarbah», pour être accueilli chaleureusement dans les foyers israélites… Si besoin était ! car en vérité au cours de ce rituel festif, les portes des maisons étaient grandes ouvertes ce soir là, et tout le voisinage des différentes religions, était convié à venir se délecter d’une multitude d’ingrédients « casher ».

Nous débutions toujours le parcours des festivités chez les parents de Michel Estegassi dont l’appartement était situé sur le boulevard de la gare. L’accueil réservé était exceptionnel et le bonheur rayonnait dans cette pieuse famille pourtant marquée par un cruel destin.

La nourriture était déposée sur une table parée d’une nappe éclatante de blancheur, décorée d’épis de blé, de menthe fraîche, de fleurs d'oranger et sur laquelle se dressaient 2 immenses candélabres d’argent, aux côtés duquel se trouvait un poisson cru, bien isolé des alléchants mets présentés, ainsi qu’une assiette remplie de farine dans laquelle était disposé en son milieu un verre d'huile qu’encerclait 5 fèves vertes et 5 œufs, symbolisant je crois, la protection souhaitée du Khamsa.

Bien que sur la table se juxtaposait des corbeilles de fruits, des raviers de fruits secs, des petits, des moyens, des grands du miel, des « torpilleurs » joliment décoré d’ un assortiment de gâteaux…. des délicieuses mofletas, nappées de beurre fondu, et maintenues au chaud sur un « canoun » de charbon. Mme Estegassi, s’empressait de dirigeait vers la grande table, les nouveaux convives qui ne cessaient de lui rendre visite et aussitôt de signaler par un discret hochement de la tête, aux employées de maison, d’apporter d’autres plats, comme si ceux de la table ne suffisaient pas…., tandis que l’indispensable théière entourée de verres colorés, appropriés à sa dégustation côtoyait une ribambelle des cruches de jus de fruits frais, de lait d’amande ou de eIben, petit-lait fermenté (laban ou Kéfir). Il y avait en bout de table des bouteilles de vin casher, toutes sortes de boissons alcoolisés, dont la très recherchée "mahia", (eau de vie de figues flirtant au-delà des 40° autorisés). qui pouvait vous laisser raide mort. Cet alcool était distillé, clandestinement par un excellent alambiqueur de la vieille ville (mellah) qui le produisait en petite quantité au même titre que l’anisette blanche des espagnoles, car interdite à la vente a l’époque du protectorat.

A chaque fois, que je pénétrais dans une maison, j’étais émerveillé devant cet excès d’abondance de victuailles qui ressemblait à un tableau de grand maître du moyen âge, et je regrettais amèrement de n’avoir qu’une paire d’yeux pour « savourer » du regard toutes les friandises qui s’étalaient devant moi.

Mais à peine, la "bande" prenait « ses aises » chez nos admirables amphitryons..., que je commençais à apprécier les délicieuses friandises qui s’engouffraient avidement dans ma gosier, un proche parent ou ami des Estegassi, nous proposait une visite tout aussi impromptue chez d’autres personnes de son entourage, résidant non loin d’ici.

Nous allions aussitôt avec entrain visiter une autre famille, une autre maison, une autre table, d'autres pâtisseries, d'autres alcools, une autre mahia….. et puis, après quelques paroles échangées entre un bruissement de verre pour souhaiter un énième « Terbah, » nous rencontrions un.... Autre proche parent ou Ami de la famille qui vous invitait à le suivre vers une autre maison, une autre table majestueusement garnie, d’autres gourmandises…. et ainsi se poursuivait jusque tard dans la nuit, l’exceptionnelle fête de Mimouna !!!

Dont il ne me reste plus que le souvenir, depuis notre départ en Europe et l’exode des juifs marocains vers leur terre tant promise. A travers la Mimouna, c’est encore un pan de notre histoire commune qui s’effondre à l’heure où partout dans le monde on préconise le « Vivre ensemble »….

Ce soir à la tombée de la nuit, débute les festivités de "Mimouna". C'est pourquoi je souhaite sorti du cœur un vibrant ""TERBAH" ! à tous nos Amis, !!! Le Haïm

 

René Cerdan Lopez

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